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Etre juif au Maroc aujourd’hui

Etre juif au Maroc aujourd’hui

Le judaïsme marocain est bien vivant. Les juifs marocains le font revivre dans leur mémoire.  Des associations ont été créées: on cite celle des Juifs de Safi, de Casablanca et d'autres villes.

À l’occasion de la commémoration de la Shoah, Michel Serfati, rabbin de Ris Orangis, dans la région parisienne, a déclaré que “le monde musulman ne peut en aucune manière être associé à la responsabilité de la Shoah, même si certains responsables musulmans de l'époque ont applaudi l'extermination”. Il a ajouté que “le roi Mohammed V du Maroc s'était opposé à l'enregistrement des juifs qu'exigeait le gouvernement de Vichy”. 
Le 26 janvier 2005, Serge Berdugo, secrétaire général du conseil des communautés israélites du Maroc évoquait devant l’agence Associated press “l’éternelle reconnaissance” des juifs envers le sultan Mohammed V, qui avait protégé la communauté juive marocaine des vexations du régime de Vichy, pendant la Seconde Guerre mondiale. “Il n'y a pas de juifs au Maroc, il y a seulement des sujets marocains”, avait répondu le roi au représentant de Vichy, lui demandant de “prévoir 150 étoiles jaunes supplémentaires pour les membres de la famille royale”. Mohammed V avait par ailleurs “invité tous les rabbins du Maroc à la fête du trône en 1941”, rappelle Serge Berdugo. 
Simon Lévy, militant communiste de la première heure et dirigeant dynamique de la Communauté juive de Casablanca, confirme: “Mohammed V, jouissait d'une grande autorité morale, il a laissé un souvenir impérissable chez les juifs marocains”. 
Voilà pourquoi le Maroc ne disparaîtra jamais de la mémoire des juifs jusqu’à la énième génération. Un concert de musique «andaloussia» avait frappé les esprits dans une réunion de 40 000 juifs marocains à Eilath, en Israël, en 2000.
Ce ne fut pas toujours idyllique, pour les juifs marocains, mais les faits sont là, le judaïsme marocain a survécu à toutes les vicissitudes. Et il a connu la tranquillité durant de nombreux siècles, du temps où il était de culture amazighe et rurale. La fusion partielle avec l’arrivée d’une élite citadine chassée d’Espagne en même temps que les musulmans créera l’identité juive marocaine arabo-berbère. 
Le milieu du XX° siècle a été rude pour la coexistence millénaire entre juifs et musulmans, mais c’est en Europe que la population mondiale juive a failli disparaître. Les Palestiniens n’y étaient pour rien. Nous avons à commémorer le souvenir des juifs engloutis par les nazis, pour que de nouveaux génocides ne se perpètrent pas. L’Europe a majoritairement demandé pardon, elle devait le faire. 
Les juifs marocains sont moins de 3000, aujourd’hui, et c’est à Bruxelles que les arts juifs marocains sont à l’honneur depuis le début du mois de février. Dans la capitale européenne, un patrimoine culturel et historique multimillénaire est mis en valeur. Et pour les Bruxellois, la découverte de cette culture insoupçonnée a constitué un choc. Parce que derrière cette culture se profile le peuple qui l’a inventée, un peuple autochtone du Maroc, qui professe une foi autre que celle qui est la plus connue dans ce pays. Et c’est avec ce peuple que les Belges vont aller à la découverte d’un Maroc inconnu. La tolérance et la paix entre populations juives et musulmanes y toujours existé, il suffit de gratter le vernis pour qu’elle réapparaisse. Le discours des représentants de la communauté juive marocaine est aussi une exclusivité, ils militent activement contre les méthodes israéliennes et sont devenus de véritables voyageurs de la paix. Et c’est leur expérience qui parle. À Casablanca. La ville d’affaires la plus “occidentale” du Maroc. Le centre ville est industrieux, et populaire à la fois, c’est ici que vivent les derniers juifs de Casablanca. Enfin les plus modestes. La synagogue a été plastiquée, mais les vieux juifs, tout en noir, arpentent toujours les rues du centre ville. Ce sont les grands-parents de Gad El Maleh mais aussi ceux d’Enrico Macias, juif algérien, qui vient de quitter le Maroc après un concert explosif, joyeux et nostalgique, en français et en arabe. Le judaïsme peut vivre en terre d’Islam. Il peut même prospérer et connaître une renaissance, des exemples de vie partagée existent en Israël même.
Avec ses quatre mille ans d’histoire, la culture juive marocaine est la plus vivace en dehors d’Israël, l’une des plus authentiques, et surtout, elle est encore vivante, même ultra-réduite au Maroc, contrairement aux communautés juives du reste du monde arabe. Il y a un peu moins de 3000 juifs au Maroc. Ils étaient 300.000 personnes en 1948. Est-ce pour autant à une culture sinistrée que nous avons affaire? Certainement non, car le judaïsme marocain a conquis les capitales qui comptent. La culture marocaine se promène allègrement à Montréal, à Rio, à Tel Aviv et New York.
Le judaïsme marocain est bien vivant. Les juifs marocains le font revivre dans leur mémoire.  Des associations ont été créées: on cite celle des Juifs de Safi, de Casablanca et d'autres villes. 
Mais le cordon ombilical n’est jamais coupé. De plus en plus, la tolérance générale, encore sensible dans le pays, malgré les funestes événements du 16 mai 2003, a permis à tous les juifs marocains de venir en pèlerinage sacré, pour se rendre auprès du marabout Rebbi Amram Ben Diwan ou Rebbi Haïm Pinto. La Chaouïa et toute la façade atlantique du Maroc comptent des saints juifs. Il y a même des saints revendiqués, honorés et partagés par les deux communautés. 
Mais il y a des pèlerinages plus profanes, dans toutes les petites villes de l’Atlas. On rencontre, principalement au printemps, des touristes bardés d’appareils photos, qui passeraient facilement pour des Américains si l’on ne distinguait pas, au milieu des murmures, des phrases en arabe populaire venu tout droit de Benahmed. Parce que les communautés juives campagnardes étaient célèbres aussi. 
C’est dans cette histoire « globalement» tranquille qu’ont éclaté les attentats de Casablanca le 16 mai 2003. Quelque chose a irrémédiablement changé dans l’esprit des Marocains, musulmans et juifs confondus, rien ne sera plus comme avant, car la crise a besoin de temps pour être dépassée. Après une période de vigilance de la police, les Casablancais sont plus rassurés. Mais ils ne dormiront plus jamais sur leur deux oreilles, tant que la bête n’est pas éradiquée. Les juifs du Maroc ont le Maroc au cœur, ils l’ont prouvé quand il avait besoin d’un lobby politique fidèle à la mémoire de ses ancêtres.
Mais nous avons toujours la nostalgie de l’âge d’or andalous, et nous espérons secrètement que les juifs marocains reviendront un jour s’installer dans leur pays.

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