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L’arme du «goutte à goutte» face au désert

C’est dans un kibboutz du Néguev qu’a été développé dans les années cinquante un système de micro-irrigation aujourd’hui exporté dans le monde entier. 75% des plantations agricoles et des espaces publics israéliens en bénéficient.

Lorsqu’Israël a été créé en 1948, la ville de Beer Sheva n’était qu’un trou perdu au milieu du désert du Néguev. Une ancienne halte pour les caravaniers bédouins formée de quelques bâtiments poussiéreux écrasés par un soleil de plomb.

A huit kilomètres de là, le kibboutz Hatzerim, fondé deux ans plus tôt par des scouts pétris de l’idéal sioniste, était encore plus isolé. Et surtout, il manquait dramatiquement d’eau pour développer ses plantations. C’est dans ce milieu particulièrement hostile qu’est née la micro-irrigation, le fameux «tiftouf» (le «goutte-à-goutte» ou «GAG», en hébreu). Un système révolutionnaire composé de tuyaux en plastique disposant d’embouts calibrés (les «spaghettis») et serpentant entre les plants pour délivrer la juste quantité d’eau aux racines.

En 2016, la firme israélienne «Netafim», leader mondial en la matière, emploie 4 300 personnes sur les cinq continents et ses produits se retrouvent aussi bien dans les jardins des particuliers américains aisés, dans les parcs publics de nombreuses municipalités européennes et dans les plantations agricoles des pays en voie de développement.

Oignons.Tout a commencé durant les années 50 lorsque Simkha Glass, conseiller pour les questions hydrauliques du Premier ministre de l’époque David Ben Gourion - et Géo Trouvetou à ses heures - a découvert par hasard le principe du «tiftouf» en observant le développement des oignons dans son appartement de Tel-Aviv.

Après avoir cherché plusieurs kibboutz susceptibles de développer son projet, Glass en a finalement trouvé un tenté par le projet : Hatzerim avec lequel il a fait breveter son système. Certes, à l’époque, le «tiftouf» n’intéressait que les agriculteurs israéliens en quête désespérée de ressources en eau. Mais dans le courant des années 60, c’est notamment grâce à son savoir-faire dans le domaine de l’irrigation que l’Etat hébreu a acquis une certaine influence dans les pays africains nouvellement indépendants.

 

«Dans un pays comme le nôtre, dont 60 % est de la superficie est désertique et la quasi-totalité du reste semi-désertique, le succès ne s’est pas fait attendre», raconte Naty Barak, responsable de la durabilité dans l’entreprise Netafim. «Au début, nous ne disposions que d’un seul type de GAG, mais au fil du temps la gamme s’est développée pour couvrir de nombreux besoins et divers types de plantations comme le maïs, les pommes de terre ou le coton.» Et de poursuivre : «Car si le principe de la micro-irrigation semble immuable, il nécessite une adaptation aux types de sol, au climat, aux genres de plantation. Parfois, il faut arroser plus profond et parfois en surface. En tout cas, en Israël, 75 % des espaces publics et des plantations agricoles sont micro-irriguées. C’est un record mondial puisque la moyenne internationale est de 5 %. Il nous reste donc du pain sur la planche car le marché est immense et nous bénéficions d’une expérience inégalée.»

Les restrictions en matière d’eau restent sévères en Israël car la quantité de mètres cubes disponibles par habitant est trois fois inférieure aux minima fixés par les Nations unies (1 300 m3). Pour lutter contre la sécheresse récurrente, la micro-irrigation est donc une arme utile mais elle n’est pas la seule puisque l’Etat multiplie les stations de désalinisation d’eau de mer et les collectivités locales, les stations d’épuration.

Le long de la route interminable menant de Tel-Aviv à Beer Sheva puis au kibboutz Hatzerim, l’on croise des dizaines de plantations irriguées grâce au GAG. Mais pas une âme qui vive car les systèmes les plus modernes sont gérés par ordinateur. Et souvent les agriculteurs déclenchent l’arrosage à partir de leur smartphone. En tout cas, l’informatique est utilisée à plein pour contrôler le degré d’humidité et les conditions de germination. «Une "high-tech" de l’eau s’est développée au fil du temps en Israël avec, pour seul objectif, de ne pas gaspiller la moindre goutte, en veillant à ce que la plante reçoive exactement ce qu’elle doit au moment le plus opportun», assure Naty Barak.

Recyclage.Vues d’avions, certaines de ces plantations ressemblent à de grands ronds verts collés comme des patchs sur la peau du désert. D’autres ont pris la forme de carrés impeccablement tracés dans la rocaille. Pour alimenter ces réseaux de «spaghettis» qui les irriguent, les agriculteurs n’utilisent que des eaux usées, recyclées, et transportées par un réseau indépendant de celui de l’eau potable. Une autre prouesse méconnue de l’Etat hébreu, puisque le taux de recyclage des eaux usées dans ce pays atteint 87 % contre 20 % en moyenne dans le reste du monde.
Nissim Behar Correspondant en Israël - Liberation

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