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La semaine prochaine à Jérusalem

La semaine prochaine à Jérusalem (info # 011805/17)[Breaking News]

Par Jean Tsadik©Metula News Agency

 

Avec Hussein Hache à Amman, Sami El Soudi dans l’Autonomie Palestinienne et Stéphane Juffa à Métula

 

Cela fait déjà plusieurs années qu’Hassan Hache, le correspondant permanent de la Ména en Jordanie, fait état de contacts nombreux et fournis entre des représentants du Royaume Saoudien et des responsables israéliens. Hache a déjà donné de nombreuses informations quant à la coopération entre les deux pays, notamment dans le cadre de la Guerre au Yémen, ainsi qu’à propos d’une coordination étroite des moyens à disposition face à l’Iran. La politique suivie par l’agence de Métula dans ce domaine consiste à donner à ses lecteurs le plus d’indications possibles sans compromettre ces activités, d’une part pour protéger les intérêts des Etats de la région, de l’autre, afin de ne pas fournir d’éléments d’analyse à leurs ennemis.

 

Ces dernières semaines, des informations partielles ont été diffusées par des media occidentaux, particulièrement par le Wall Street Journal et le réseau Bloomberg. Ils font état d’une proposition de la part des Etats du Golfe de normaliser leurs relations avec Israël.

 

Contrairement à ce qui a été parfois annoncé à ce propos, les Emirats et Riyad n’exigeraient pas un gel total des implantations en Judée-Samarie, mais des gestes d’ouverture – comme leur gel partiel – en Cisjordanie, ainsi qu’un allègement des restrictions frappant Gaza. En échange, les Arabes n’offriraient pas l’établissement de relations diplomatiques pleines et complètes avec l’Etat hébreu, mais la création de liens de communication directs avec lui, l’admission de sportifs et d’hommes d’affaires israéliens sur leur territoire, et le droit pour les appareils commerciaux arborant l’étoile de David de le survoler.

 

Même après avoir apporté cette précision, en adéquation réelle avec l’offre adressée par lesdits pays à Jérusalem, on reste toutefois très loin de la réalité du terrain. En fait, à part le droit de survol des avions de ligne, toutes ces mesures existent déjà dans la réalité, ce qui démontre que les confrères pourraient être mieux renseignés.

 

Essayez simplement d’appeler un numéro de téléphone à Abou Dhabi ou au Qatar à partir de Jérusalem, de Tel-Aviv ou de Métula, et vous comprendrez que cela fonctionne sans la moindre difficulté, et même, que la qualité de la communication est exceptionnellement claire. De plus, il existe des représentations officieuses de l’Etat hébreu dans pratiquement tous les pays du Golfe, et, depuis deux ans, une représentation tout ce qu’il y a de plus officielle dans les Emirats Arabes Unis. Quant à ElAl, si elle ne survole pas encore l’Arabie Saoudite et ces Etats, c’est uniquement parce que c’est trop voyant à l’heure où l’on peut suivre tous les vols réguliers de la planète sur des sites Internet comme Flight Radar. En revanche, une compagnie aérienne comme Qatar Airways gère une offre spéciale pour les Israéliens, leur permettant de rejoindre l’Extrême Orient à des prix et un confort de vol imbattables.

 

Les passagers embarquent dans des aéroports européens et font escale à Doha par milliers avant de rejoindre leur destination finale. A Doha, ils sont en transit et ils s’expriment librement dans leur langue, que l’on entend profusément dans ce qui est l’un des plus grands aéroports au monde.

 

Mais cela, c’est l’aspect visible, presque anecdotique de la situation. Les Hébreux, principalement dans le domaine du renseignement, des drones et des missiles, sont partout présents. Les transactions dans le domaine militaire atteignent plusieurs milliards de dollars annuellement. Les sociétés israéliennes proposant des conseillers dans ces domaines font des affaires en or, de même que celles spécialisées dans celui de la protection, de l’espionnage et du contre-espionnage informatiques.

 

Il existe même un "projet" d’assemblage de drones israéliens en Arabie Saoudite, dont nous nous contenterons de dire qu’il se trouve à "un stade de réalisation très avancé".

 

Outre les réunions régulières à Amman, en République Tchèque, aux Etats-Unis et dans d’autres pays, et des liens directs et permanents entre les bureaux de renseignement, nous en sommes au stade des visites directes de responsables du plus haut niveau dans les capitales respectives. Et contrairement à ce qui est généralement indiqué par les confrères, et aussi étonnant que cela puisse paraître, ces échanges ne sont pas uniquement polis, mais de réelles relations d’amitié se sont tissées entre officiers, hommes d’affaires, fonctionnaires supérieurs et hommes politiques.

 

Il est évident que c’est la menace iranienne et les intérêts stratégiques communs qui en découlent qui sont à la source de cette coopération, qu’il est plus exact d’appeler dorénavant alliance. Celle-ci a atteint de nouveaux sommets depuis la signature de l’accord sur le nucléaire à Vienne. Mais nous soulignons que les responsables s’entendent remarquablement, et que les contacts sont efficaces.

 

On peut, sans entrer dans les détails, mentionner des investissements arabes massifs dans plusieurs projets de l’industrie israélienne. On peut même faire carrément état de projets communs. Les détails de ces mouvements de capitaux feraient tomber les chaussettes à plus d’un observateur, sans parler des confrères, qui sont pour la plupart complètement largués, à la traîne derrière la réalité de l’information depuis plusieurs années.

 

Israël joue également un rôle prépondérant dans le recueil d’informations dans la région du Golfe arabo-persique, dans la mer d’Oman et la mer Rouge. Ses militaires y disposent non seulement de toute la liberté de mouvements nécessaire, mais aussi des appuis logistiques de la part des gouvernements concernés. L’autorisation de survol de ces territoires en cas d’actions contre l’Iran est de l’histoire ancienne.

 

Les services de renseignement occidentaux sont au courant de la majorité de ces dispositifs et les considèrent comme bienvenus et alliés. Des synergies existent aussi entre les forces des différents pays présentes sur les lieux, sans épiloguer.

 

Dans les conditions que nous venons de parcourir avec un grand souci de retenue, on peut dès lors se demander à quoi rime l’annonce plus ou moins secrète – elle ne l’est pas réellement, puisque quelqu’un s’est occupé d’en informer le WSJ– de l’offre de "normalisation" des Etats du Golfe et de l’Arabie saoudite, concernant des points qui ont déjà été normalisés ?

 

D’abord et simplement posé, lorsque quelque chose existe déjà, il estlargement plus facile de le réaliser le moment voulu. Ensuite, la coopération dans ces divers domaines a atteint de telles proportions qu’il n’est plus envisageable de la dissimuler. D’autant plus que cette coopération ne cesse de croître. Mais surtout, cette offre est liée à la démarche de Donald Trump, qui s’est mis en tête de rendre publique l’alliance de facto entre les Arabes sunnites et l’Etat hébreu.

 

Il y à cela deux raisons : le nouveau président U.S a décidé que les Etats-Unis devaient retrouver leur influence dans cette région du monde ; et pour y arriver, rien de tel que la construction d’une alliance visible, avec les USA comme grand patron, et des retombées économiques énormes à la clé, et Israël, comme "directeur régional", beaucoup plus disponible que le grand patron. Washington va laisser les contrats moyens et plus petits àl’Etat hébreu, ce qui, outre l’aspect de l’intégration politique dans la région, va lui procurer des revenus à même de le transformer en petit eldorado.

 

Pour saisir ce dont je parle de façon pratique, Riyad et Washington sont en train de finaliser un contrat d’armement à hauteur de trois cents milliards de dollars ! Pour les Saoudiens, un autre intérêt du rapprochement avec l’Etat hébreu et du fond sonore de "normalisation" des relations avec lui, consiste à gommer les éventuelles oppositions à ces méga-contrats, qui, dans un environnement hostile, mobiliseraient les nombreux amis d’Israël auCapitole.

 

Les Saoudiens multiplient ainsi les gestes diplomatiques démontrant leur bonne composition. Ils viennent, dans cette dynamique, de récupérer les deux îles situées à l’entrée de l’étranglement du détroit de Tiran, à l’ouverture du Golfe d’Eilat-Akaba, qu’ils avaient "prêtées" à l’Egypte car ils ne pensaient pas pouvoir les défendre. Comme ces deux petites îles commandent l’accès au grand port israélien sur la mer Rouge, et qu’Israël et l’Arabie Saoudite n’ont toujours pas de relations diplomatiques, à la demande de Jérusalem, le Roi Salman al Saoud s’est engagé par écrit à ne pas entraver la navigation des navires israéliens, tant civils que militaires.

 

La seconde intention de Donald Trump dans son entreprise visant à créer un bloc israélo-sunnite visible à la lumière du jour est de disposer d’un argument politique face aux Israéliens, suffisamment significatif pour les amener à considérer sérieusement la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie. Cet autre nouveau grand projet du pensionnaire de la Maison Blanche présente pour lui deux attraits : le premier est de permettre au monde arabe de montrer à sa population, qu’en échange de la normalisation complète avec Israël, les gouvernants n’ont pas sacrifié la "cause palestinienne", très présente dans la conscience collective. Le second est tout simplement, pour Trump, d’entrer dans l’histoire en réalisant ce sur quoi tout le monde avait échoué, à savoir la réalisation d’un accord entre Israéliens et Palestiniens, aboutissant à un pacteglobal avec les Arabes, tout en garantissant la pérennité de l’Etat hébreu à long terme, élément sur lequel tous les dirigeants, israéliens, cette fois, avaient butté.

 

Pour aider à la manœuvre, Riyad ne présente plus à Israël, comme en 2002, une proposition d’accord "as is", c’est-à-dire à prendre ou à laisser sans négociation possible. Désormais, le "monde arabe", par la voix de son leader saoudien, accepterait de renoncer à la clause du retour des réfugiés palestiniens, à la restitution du Golan à la Syrie, et de considérer des modifications de la "frontière" de 1967, tenant compte des trois grands blocs d’implantations en Judée Samarie.

 

C’est précisément de cela dont Donald Trump va s’entretenir avec Binyamin Netanyahu la semaine prochaine à Jérusalem, ce dont le gouvernement israélien est parfaitement conscient et qui crée d’ores et déjà une atmosphère tendue et émaillée d’incidents avec Washington.

 

Mais avant de balayer d’un revers de manche la proposition américano-arabe, le Premier ministre hébreu devra considérer, outre le risque d’une crise ouverte avec la nouvelle administration, qui pourrait s’avérer bien pire que celle qui l’avait opposé à Barack Obama, le fait, qu’objectivement, Israël n’obtiendra probablement jamais de meilleures conditions en vue d’une paix globale.

 

Celle-ci, en plus des traités qui ne garantissent pas grand-chose, pourrait bénéficier d’un engagement non-réversible de l’Amérique au sujet de la sécurité d’Israël et d’aménagements militaires, comme la possibilité de maintenir Tsahal sur le Jourdain. Elle assurerait, de surplus, la neutralisation permanente de l’Iran et du danger qu’il représente. Si Netanyahu demandait, en contrepartie de son adhésion à la Pax Trumpana, l’annulation ou le gel du traité sur le nucléaire iranien, toute l’équipe d’analystes qui a réalisé cette synthèseest d’avis qu’il l’obtiendrait. Ce qui provoquerait du même coup l’euphorie à Riyad, au Caire et dans les émirats du Golfe.

 

Et si c’est la volonté des USA et de l’ensemble des grands Etats arabes, la direction palestinienne n’aura pas la possibilité de s’y opposer. Les émissaires de Trump, présents en continu dans la région depuis des mois, ont déjà multiplié les entretiens avec les décideursde l’Autorité Palestinienne.

 

Les termes de l’offre faite à Mahmoud Abbas sont simples : un Etat contre une baisse substantielle de vos revendications. Il paraîtrait, selon Sami El Soudi, que le gouvernement palestinien serait enthousiaste. Ce, pendant qu’un dignitaire saoudien affirmait publiquement – la pression devant être intelligemment répartie -, que le royaume des Ibn Saoud ne pourrait pas soutenir ad aeternam des dirigeants palestiniens qui disent non à tout ce qu’on leur propose.

 

La constellation qui se dessine rappelle les indications données par El Soudi dans ses articles, selonlesquelles aucun débouché vers un règlement israélo-palestinien ne pourrait voir le jour tant que la direction de l’AP s’obstinerait à vouloir traiter d’égal à égal avec Jérusalem, comme s’il s’agissait de deux entités étatiques d’importance similaire. Dans la proposition que Trump amène dans ses bagages, ce sont les gouvernements sunnites, appuyés par la Maison Blanche, qui gèreraient ces pourparlers, avec beaucoup plus de souplesse que ne pouvait se le permettre la bande d’amateurs corrompus exerçant depuis la Moukata de Ramallah.

 

Nul doute qu’après avoir pris connaissance de cette analyse, les lecteurs de la Ména saisiront le sens de la proposition de "normalisation limitée", apparemment sans objet, qui a fuité dans les colonnes du Wall Street Journal.

 

Il se pourrait même que Trump ait réussi à convaincre les pays sunnites de procéder à ces gestes de bonne volonté sans s’attendre réellement à une contrepartie. Ce qui n’a pas d’importance, puisque lesdits gestes ont déjà été réalisés à 80% dans la réalité.

 

Reste à savoir quelle sera la réaction de Binyamin Netanyahu. S’il entend intégrer la vision de Trump, il lui faudra changer de coalition, quitte à former un gouvernement ne jouissant pas d’une majorité à la Knesset. Ce qui ne serait pas dramatique, vu qu’il est quasiment assuré du soutien hors gouvernement, pour une telle initiative, du centre et du centre-gauche. Et que le faux Raspoutine qu’est Avigdor Lieberman, en vrai pragmatique, possède une idée très correcte des rapports de force.

 

S’opposer au projet de Trump ouvrirait sans doute la voie à une brouille aux conséquences potentiellement dramatiques pour la sécurité d’Israël, qui perdrait son seul vrai allié sur la scène internationale. Mais ce serait encore préférable à une tentative de finasser et de gagner du temps avec l’ex-Tycoon de la finance devenu président des Etats-Unis et parfaitement conscient de la puissance qu’il détient.

 

Les enjeux seront de taille, la semaine prochaine à Jérusalem.   

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