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L'attentat de la rue Copernic

L'attentat de la rue Copernic

ANNETTE LÉVY-WILLARD

 

Soupçonné d'être l'auteur de l'attentat qui avait fait quatre morts et des dizaines de blessés en plein Paris, Hassan Diab nie et évoque une homonymie.

C’était le 3 octobre 1980, un vendredi soir… Le télex, hé oui, pas d’ordinateur ni de portable, crache une dépêche invraisemblable : «une bombe vient d’exploser devant une synagogue française.» Quatre morts, des dizaines de blessés. Je suis «envoyée» rue Copernic qui, ce soir-là, ressemble à Beyrouth. Du verre partout, du sang, des cris, des pleurs, une scène de guerre. Ou d’attentat. Je vois des morts sur la chaussée, pour la première fois.

 

Le poseur de bombe a, un peu, raté son coup, il avait certainement prévu de faire exploser la moto piégée un quart d’heure plus tard, quand les gens sortent de l’office du Shabbat et traînent dans la rue en bavardant. Des centaines de juifs le vendredi dans cette synagogue libérale du seizième arrondissement. La France est sous le choc. Jamais la communauté juive n’avait été prise comme cible depuis le traumatisme de la Seconde guerre mondiale.

 

Les tout nouveaux partis néonazis sont immédiatement accusés. Pour avoir fait un reportage deux semaines plus tôt dans leur local, je ne les crois pas capable d’organiser un attentat aussi professionnel. Une moto achetée, des explosifs venus de Bulgarie, une minuterie sophistiquée… Nos groupuscules fascistes en étaient encore au cocktail Molotov. Mais la France manifestera par centaines de milliers –François Mitterrand en tête— sous la bannière «le fascisme ne passera pas». Par contre Mitterrand, et la gauche, passeront, eux, aux élections de 1981.

 

«NOUS SOMMES TOUS DES JUIFS FRANÇAIS»

Battus, le président Giscard d’Estaing, qui n’était pas revenu de la chasse et son Premier ministre Raymond Barre qui avait regretté que l’on ait tué des «Français innocents» - Innocents parce que non juifs, voulait-il dire ? Aliza Shagrir, 32 ans, israélienne en visite à Paris, qui allait faire des courses, fera partie de ces quatre «Français innocents» de Barre. Libération rebondissant sur le mot d’ordre de 68, «Nous sommes tous des juifs allemands», aura une une historique en réponse au Premier ministre : «Nous sommes tous des Juifs français». Il faudra de longues années d’enquêtes pour qu’on comprenne que l’extrême-droite n’était pour rien dans cet attentat. Que les terroristes venaient du Proche-Orient. Qu’ils avaient choisi cette synagogue au hasard, proche de l’Etoile parce que les Champs-Elysées, ils connaissent.

 

Dans le silence et la discrétion, les services français n’ont jamais abandonné la chasse à l’homme à la moto piégée. Ils ont reconstitué les jours à Paris de cet homme muni d’un faux passeport chypriote au nom d’Alexander Panadriyu : il a acheté la moto, loué une voiture, passé la nuit dans un hôtel à côté de l’Etoile, fait monter une prostituée dans sa chambre. Et déposé la moto bourrée d’explosifs devant la synagogue, pour tuer.

LE CANADA AUTORISE L'EXTRADITION DU SUSPECT NUMÉRO 1

Cet homme, les policiers français et le juge d’instruction anti-terroriste Marc Trévidic, l’ont identifié. Il a laissé des «traces», sa signature chez le loueur de voitures, son sexe circoncis chez la prostituée, son visage chez les hôteliers et les loueurs de voiture. Et aussi les enquêteurs ont eu de la chance, ils ont récupéré, par hasard le vrai passeport de l’homme sur un autre terroriste de la même organisation, à Rome. Avec les dates d’entrée et de sortie de France en octobre 1980. Il s’appelle Hassan Diab, très respectable professeur de sociologie à l’université d’Ottawa, au Canada. Il avait quitté le Liban avec sa femme, parti étudier à l’université américaine de Syracuse.

 

Une belle et paisible reconversion. Un crime impuni. Jusqu’au mois de novembre 2008. Les juges Trévidic et Jannier lancent alors un mandat d’arrêt international et le 10 décembre et demandent son extradition. Diab nie, affirme que c’est une homonymie. En tout cas un Hassan Diab était à Beyrouth, faisait partie du FPLP-OS (opérations spéciales), organisation palestinienne marxiste-léniniste, branche dissidente Dissidence du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) de George Habache (celui qui sera soigné à Paris, dans le seizième d’ailleurs…) Le commando commettra l’attentat de Copernic puis celui d’Anvers.

 

Hassan Diab, libano-canadien de 60 ans, nie donc. Se bat depuis 2008, mobilise Amnesty en sa faveur. Mais le juge Trévidic a un solide dossier d’analyses graphologiques, de témoins, de passeports… Aujourd’hui la cour suprême du Canada a donné le feu vert à l’extradition vers la France d’Hassan Diab. Comme pour les procès, très tard, pour crimes contre l’humanité de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon, il s’agit de justice, bien sûr, mais surtout d’histoire. Et celle-là n’est pas si ancienne.

 

Annette

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