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Quand les Juifs étaient pirates

 

Quand les Juifs étaient pirates

 

Par Marc Riglet 

Dans Les Pirates Juifs des Caraïbes, l'historien américain Eward Kritzler revient sur l'histoire des Juifs expulsés d'Espagne qui s'installèrent aux Amériques. Une émancipation tumultueuse. 

 

L'expulsion des Juifs d'Espagne, puis du Portugal, au tournant des XVe et XVIe siècles, eut quelques grandes conséquences bien connues. Pour les communautés juives elles-mêmes, d'abord, qui purent ainsi renouer avec une identité religieuse que les conversions forcées avaient refoulée dans les pratiques secrètes du marranisme. Pour l'extension, ensuite, de leur influence dans un système commercial devenu mondial. Pour leur part prise, enfin, dans les conflits qui opposaient, d'un côté, l'Espagne et le Portugal et, de l'autre, la Hollande et l'Angleterre pour le contrôle des Amériques. En quittant contraints et forcés la péninsule Ibérique, les Juifs n'eurent pas, en effet, comme seules destinations le Maghreb, Venise, Amsterdam, Bayonne ou Salonique. Nombre d'entre eux s'installèrent dans les territoires du Nouveau Monde au risque d'ailleurs de continuer de s'exposer aux persécutions de l'Inquisition qui avait, elle aussi, traversé l'Atlantique... avec ses bûchers. C'est dans ce contexte que se levèrent des figures étonnantes du monde juif, qui tranchent avec les rôles dans lesquels les Juifs sont ordinairement assignés.  

Certes, ils peuvent être colons ou, plus sûrement, marchands et financiers. Mais ils sont aussi soldats, marins et boucaniers. C'est à ces personnages qu'Edward Kritzler consacre son livre. Il montre justement que ce grand bouleversement est une étape importante dans le mouvement général d'émancipation des Juifs d'Europe. Soit qu'ils trouvent dans la Hollande protestante les conditions d'une relative tolérance religieuse, soit qu'ils bénéficient de précieux espaces de liberté qu'autorise la tumultueuse anarchie du Nouveau Monde. Il y a bien dans l'ouvrage certains anachronismes ridicules, comme cette façon de dédouaner les négriers juifs qui ne sont pourtant pas les derniers à s'enrichir du commerce triangulaire. Mais ce qui est bien montré à travers ces personnages d'aventuriers juifs - forbans, pirates, chefs de guerre, agents secrets -, c'est la solide détestation de l'Espagne et du Portugal qui les anime. C'est à eux que, dans une large mesure, la Hollande et l'Angleterre doivent leurs possessions caraïbes. En perdant des ennemis intérieurs fantasmés, l'Espagne gagna de fieffés adversaires bien réels. Mauvais calcul. 

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