Iran : Jérusalem franchit un échelon (info # 011305/10) [Analyse]
Par Jean Tsadik © Metula News Agency
Lundi, Israël est passé à un échelon supérieur dans le vocabulaire qu’il utilise à l’encontre de l’Iran. Le fait n’a pas échappé aux diplomates et aux militaires étrangers qui suivent le conflit larvé pour leurs gouvernements respectifs et il a fait grand bruit dans la presse arabe et iranienne.
L’auteur des déclarations concernées est le vice-premier ministre israélien, Moshé (Bogie) Yaalon, ex-chef d’état-major et membre du cabinet sécuritaire restreint de l’Etat hébreu. M. Yaalon s’exprimait lors d’un colloque consacré à la défense aérienne et spatiale.
Au centre de ses propos, deux affirmations :
La première, Israël possède la capacité technologique nécessaire pour frapper les installations iraniennes suspectes.
Voilà qui vient contester les allégations de certains observateurs, émises ces dernières semaines, selon lesquelles les Hébreux ne disposeraient pas des moyens militaires pour porter un coup décisif à l’infrastructure persane d’armes de destruction massive.
Des évaluations de la même veine se font sporadiquement entendre de la part de généraux et de politiciens occidentaux, notamment américains, qui considèrent publiquement qu’une intervention militaire d’Israël aboutirait à un désastre et serait, au mieux, de nature à ralentir de façon insignifiante le développement de la bombe atomique chiite.
L’assertion de Bogie Yaalon a également pour fonction de rappeler aux diplomates pataugeant dans le projet des "sanctions déterminantes", que Jérusalem n’a aucunement abandonné son option militaire, que le temps pour une solution pacifique (toujours préférée par Israël) est compté, et que l’adoption symbolique de sanctions sans effets ne satisferait pas les Israéliens.
Cette dernière précision s’adresse en particulier au président turc Abdullah Gul, à son homologue brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, qui s’efforcent de réanimer le projet d’échange d’uranium minerai iranien, contre des barres d’uranium confectionnées en Europe et impropres à un usage militaire.
Le signal d’Israël s’adresse aussi à M. Sarkozy, ayant affirmé qu’il supportait l’initiative brésilienne, à Madame Catherine Ashton, la cheffe des affaires étrangères de l’UE – qui multiplie ses ouvertures à l’intention de Téhéran -, ainsi qu’au Président Obama, qui tous pourraient être tentés par cette solution caduque, impropre à résoudre le problème.
En effet, depuis le moment où la proposition d’échange avait été émise, en automne dernier, la "République" Islamique a considérablement augmenté son stock d’uranium, de même que ses capacités d’enrichissement.
En Israël, la plupart des experts est d’avis que, désormais, si l’Iran envoyait en dehors de ses frontières 1 500 kilos de minerai faiblement enrichi, cela n’affecterait en rien son programme de nucléarisation à fins militaires.
Pis encore, au cas où l’échange aurait lieu et serait consacré par un traité mettant un terme à la crise, les ayatollahs pourraient poursuivre leur objectif impunément, se prévalant de l’accord signé.
D’ailleurs, côté iranien, le Président Ahmadinejad en personne ne se lasse pas, au milieu de ses nombreux discours notoirement bellicistes, à l’encontre d’Israël mais également du monde occidental, de lancer de brefs signaux d’ "ouverture", indiquant que son régime est toujours disposé à étudier des propositions diplomatiques "sérieuses".
Pendant que ses centrifugeuses tournent à plein régime, Ahmadinejad s’adonne à cette martingale infantile, qui a cependant pour effet de ralentir et d’amollir le train de sanctions en gestation, et d’amener les naïfs à se refocaliser sur la proposition d’échange, dans laquelle sa dictature n’a strictement rien à perdre.
En Israël, face à ces jeux de dupes, on ne tient qu’un seul langage ayant le mérite de la transparence : on ne considérera ici que le risque perse sera endigué que lorsque le projet d’armement nucléaire iranien sera totalement et définitivement stoppé.
A Métula, nous sommes en mesure d’ajouter à cela, qu’au sein des spécialistes militaires du problème, il ne fait aucun doute que l’unique solution acceptable passe par la destruction volontaire et supervisée de toutes les installations participant au projet, celles connues du public aussi bien que les dizaines d’autres.
D’après Moshé Yaalon, il est "indubitable" que l’ "aviation israélienne a amélioré ses capacités de ravitaillement en vol, l’étendue de son champ d’action, de même que la précision de ses renseignements et sa puissance de frappe ; cette capacité", a ajouté l’ancien chef de Tsahal, "peut être utilisée contre le terrorisme à Gaza, pour une guerre contre les roquettes tirées du Liban, et aussi pour une guerre contre un Etat périphérique comme l’Iran".
Le message ci-dessus constitue un avertissement crypté, auquel le commun des mortels ne pipera pas grand-chose. Ce texte, cependant, et je puis vous l’assurer, est cristallin, dans sa substance, pour les experts militaires alliés, aussi bien que pour les ennemis de l’Etat hébreu.
Il dit en substance que la faculté d’intervention du H’el Avir (l’aviation israélienne) n’a jamais été si élevée, et qu’elle en fait, et de loin, la première force aérienne intégrative du globe.
Il réfère les intéressés aux objectifs qui ont été identifiés et détruits à Gaza et dont nous vous avons abondamment entretenus dans ces colonnes. Notamment l’anéantissement complet, lors de Plomb Fondu, du millier d’objectifs militaires du Hamas, en seulement deux sorties de l’aviation, à quelques minutes d’intervalle. Un quart d’heure après le déclenchement de l’opération, elle était déjà foncièrement terminée.
Pour les experts en aéronautique militaire, il s’est agi, et de très loin, de l’opération la plus sophistiquée jamais entreprise et réussie depuis les airs.
Autre indication confiée aux lecteurs professionnels : l’aptitude des chasseurs-bombardiers à anéantir, parmi des centaines de tunnels de contrebande à Rafah, tous invisibles en surface, une galerie prédéterminée pour le rôle qu’elle remplit dans la contrebande.
Il faut, pour ce faire, une précision d’impact au mètre près, ainsi qu’un système d’acquisition d’informations, qui ne s’arrête pas aux confessions recueillies de la part des agents sur le terrain.
Le vice-1er ministre israélien, Moshé Yaalon
ici au côté d'Ariel Sharon
Ce que Moshé Yaalon a indiqué, c’est que son pays disposait de nouveaux moyens ultra-technologiques, aussi bien que de la possibilité de les traiter en mode opérationnel, lui permettant une application immédiate (démontrée) en cas de conflit avec le Hezbollah au Liban ou lors d’une opération en Iran.
Boogie Yaalon, en code, a également informé ceux qu’ils désirait informer, que ces moyens n’existaient pas en 2006 lors de la Seconde Guerre du Liban, qu’ils ont été développés et expérimentés avec succès depuis lors.
Pénultième communication, celle ayant trait à "l’amélioration de ses (H’el Avir) capacités de ravitaillement en vol, (et de) l’étendue de son champ d’action" ; lisez : Israël a trouvé les solutions lui permettant de gérer la distance géographique qui le sépare des cibles en Iran. Et cela ne passe pas forcément par l’acquisition de plus gros avions avitailleurs... Vous nous permettrez, chers lecteurs, de ne pas nous étendre sur ce sujet spécifique.
Dernier aspect de ce message "ésotérique", celui concernant la "puissance de frappe" du H’el Avir. Décodons encore : Israël a trouvé le moyen d’anéantir les installations souterraines perses, en recourant aux bombes spéciales qui lui ont déjà été fournies et à celles qu’il a réussi à élaborer. Comprenons : l’Etat hébreu n’est plus dépendant de livraisons supplémentaires de bombes briseuses de bunkers pour décider ou non d’une attaque et avoir toutes les chances de la réussir.
J’invite les lecteurs de la Ména à croire, sur la base de mes longues années d’apprentissage de ce langage, que le "télégramme" de Yaalon ne comprenait pas le moindre signe sémantique superflu, à la virgule près.
La seconde déclaration importante de Bogie est la suivante : "En ce qui me concerne, l’attaque reste la meilleure forme de défense. Il ne fait aucun doute que, si l’on considère la situation globale, nous sommes déjà dans une confrontation militaire avec l’Iran. L’Iran est le principal inspirateur de ceux qui s’attaquent à nous".
En cela, l’ex-chef d’état-major, membre du cabinet sécuritaire de Binyamin Netanyahu, affirme un point totalement délaissé – publiquement s’entend – par les leaders occidentaux : l’agression perse contre l’Occident en général, et sa tête de pont qu’est Israël, en particulier, a commencé et depuis longtemps.
Nous (Occident compris) nous trouvons dès maintenant en état de guerre avec la théocratie de Téhéran. Pour preuve la conquête du pouvoir réel au Liban, sa désoccidentalisation à la force des armes, le déploiement de missiles modernes depuis son territoire, en direction de l’Etat hébreu, et, très bientôt, de missiles intercontinentaux pointés sur l’Europe, et l’intégration de l’armée putschiste du Hezbollah dans le système de défense iranien.
Pour preuve supplémentaire, la livraison permanente de moyens de guerre au Hamas, son encadrement par des Gardiens de la Révolution, les tentatives répétées des séides des ayatollahs de déstabiliser le régime égyptien, et le viol systématique de son espace territorial.
En rappelant un axiome de la stratégie, à savoir que la meilleure défense était l’attaque – avec tous les avantages que l’initiative d’une opération profère à l’assaillant – Yaalon signifie à ceux qui doivent l’entendre, que son pays, se trouvant globalement en situation d’agressé, il n’a pas à attendre que l’Iran l’attaque directement afin de se considérer en état de légitime défense, et peut donc lancer une (contre-) attaque lorsque le moment lui semblera favorable.
Nul doute que cette seconde partie de message s’adresse aux alliés : c’est nous qui déciderons quand le temps des négociations sera échu (si elles n’aboutissent pas avant), et nous sommes d’ores et déjà en droit de prendre une initiative militaire. Dépêchez-vous.
Dans l’entretemps, les forces navales iraniennes – une petite collection de navires hétéroclites antédiluviens – opéraient un "grand" exercice dans le Golfe. Elles y ont testé avec succès, du moins c’est ce qu’elles affirment, un missile terre-mer de courte portée (75km), le Fajr-5.
Nous sommes en présence d’une tentative des Perses de maximaliser leur potentiel de nuisance.
Il est entendu que le haut commandement de l’armée et le pouvoir iraniens ne tentent pas de s’auto-convaincre qu’ils sont en mesure de s’opposer efficacement à une opération de Tsahal. Ils gardent la propagande d’intoxication à l’usage exclusif de leur population, de leurs soldats et du monde arabo-musulman.
Les décideurs et les généraux de la "République" Islamique sont totalement conscients des années lumière qui les séparent des technologies sur lesquelles repose la supériorité des Hébreux, aussi, cherchent-ils à optimiser leur capacité de dissuasion ; leur atout principal, s’ils ont réellement des missiles terre-mer précis à disposition, consisterait, en réponse à une attaque, à tirer sur les pétroliers empruntant l’étroit passage.
L’impraticabilité du Golfe, par lequel transite 40% du pétrole mondial, assènerait incontestablement un coup très sérieux à l’économie mondiale. Un avatar qui ressemblerait, peut-être en pire, au choc pétrolier qui a suivi la Guerre de Kippour.
Il se pourrait aussi qu’une agression contre la flotte marchande transitant par le détroit d’Ormuz oblige les autres puissances à se mêler au conflit afin d’en abréger la durée. A notre sens, Téhéran n’a pas la capacité de "fermer" le Golfe, mais, si ses Pasdaran suivent le régime islamofasciste même dans l’adversité, il possède celle de fragiliser le trafic maritime par des actions de guérilla. Ce serait un moindre mal. Désagréable mais gérable.
Il y a aussi, selon certaines sources, que la Turquie d’Abdullah Gul aurait déployé des missiles antiaériens le long de ses frontières avec la Syrie et l’Iran. Cette manœuvre aurait pour but de gêner les appareils portant l’étoile de David en cas d’attaque contre ces pays.
Cela complique un peu les choses. Les pilotes pourraient se voir contraints d’ouvrir le feu sur les soldats d’une armée amie, opérant de nombreuses armes qu’Israël lui a livrées et qu’il lui livre encore.
Sûr qu’avant que le Conseil de Sécurité n’adopte son quatrième train de sanctions contre l’Iran, ou si elles ne sont pas "déterminantes", la tension dans la région ne pourra que monter.