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Bref aper?u sur l?histoire r?cente des Juifs de Tanger : Un cadre exceptionnel de coexsistence harmonieuse

Envoyé par Lune 
L¹interview que Simon Lévy a accordée à Al Bayane ne peut laisser indifférents tous ceux qui croient en la nécessité de restituer intégralement à l¹histoire tout ce qui lui appartient surtout quand il s¹agit des relations entre communautés et religions et que l¹actualité, dans sa cruelle frénésie, ne retient que ce qui les opposent. Pour nos compatriotes juifs qui ont quitté leur pays, le plus souvent à contrec¦ur et sans savoir vraiment pourquoi, mais qui n¹ont jamais renié leurs origines, pour les autres, beaucoup moins nombreux, hélas, qui continuent de tenir ici le flambeau de leur civilisation quand ils ont choisi de vivre sur cette terre, justice devrait leur être rendue.

L¹histoire enseignée à nos enfants n¹a effectivement aucune raison de les ignorer. Ceux qui dans l¹Espagne voisine ont voulu passer sous silence les 8 siècles de présence arabe, se sont rendus compte de l¹ineptie de cet appauvrissement de leur patrimoine national. Et c¹est pourtant bien ensemble que Juifs et Musulmans furent pourchassés, soumis à la question des bourreaux de l¹Inquisition et pour certains conduits aux bûchers, et leurs coreligionnaires rescapés expulsés.
En maintenant les nouvelles générations dans l¹ignorance de la réalité de l¹apport historique de chaque communauté et des rapports séculaires conviviaux entre Juifs et Musulmans, on pousse les nouvelles générations à commettre l¹erreur de considérer le conflit du Moyen-Orient comme le résultat d¹une opposition ancestrale entre les deux communautés qui expliquerait le calvaire inadmissible que fait subir Israël au peuple palestinien aujourd¹hui. Cette explication, courte et tendancieuse fait le lit des milieux intolérants, pressés de ramener tout à une guerre de religions d¹un autre âge.
Il faut donc ouvrir toutes grandes nos archives et ne pas craindre d¹enseigner la vérité historique du Maroc tel qu¹il a été, en sortant de la seule acception évènementielle et dynastique de l¹histoire. Comme le dit fort bien Miguel de Unamuno : « Le culte de la vérité pour la simple vérité est l¹un des exercices qui élèvent le plus l¹esprit et le fortifie ».
Sans prétendre traiter un aussi vaste sujet en quelques lignes, la présente contribution se propose de lever tout juste un petit coin du voile sur la place et le rôle de la communauté juive de Tanger tout au long du siècle dernier. Elle se fonde sur des éléments puisés dans divers documents traitant de l¹époque considérée, des renseignements recueillis auprès des proches et de mes propres souvenirs d¹enfance.

Une communauté très ancienne

A l¹origine, comme dans le reste du pays, la communauté juive du Nord du Maroc était berbère. Par vagues successives, des immigrés juifs venant d¹Espagne arrivèrent à Tanger, chassés d¹abord par les Wisigoths, ensuite par la « Reconquista » en 1492 pour ceux qui refusaient la conversion puis par l¹Inquisition au XVIe et au début du XVIIe pour les autres.
La défaite des Portugais en 1578 à Oued Al Makhazine allait être d¹un grand soulagement pour cette communauté, alors que Tanger vivait sous occupation portugaise, malgré de brefs intermèdes espagnols, depuis 1471. Elle pouvait enfin se sentir à l¹abri des Inquisitions ibériques.
Dans son dernier livre intitulé « Le monde moderne et la question juive », (Ed. du Seuil, octobre 2006), Edgar Morin rappelle que : « A l¹aube des temps modernes, la diaspora juive favorisa les réseaux de confiance propices aux développements de la banque et du commerce. (Š) L¹expulsion d¹Espagne (1492) et du Portugal (1496) des juifs refusant la conversion créa une nouvelle diaspora en Toscane, aux Pays-Bas, à Londres, à Hambourg, à Venise, dans l¹Empire Ottoman, au Maroc. » et que « En France, Colbert (1656) favorisa l¹implantation des Juifs et des Marranes (juifs convertis mais chassés d¹Espagne au même titre que les Morisques) pour développer le commerce international au profit de l¹économie française ». La plupart des autres pays d¹Europe ainsi que la Turquie de Souleymane le Magnifique en firent autant.
Et c¹est précisément dans le domaine du commerce extérieur que les Juifs du Maroc excellèrent le plus. Mais leur rôle de pionniers dans la mise sur pied des premiers services publics fut loin d¹être négligeable. Ce fut notamment le cas des premières liaisons postales ( Mazagan - Marrakech exploitée par Isaac Brudo depuis 1891, soit avant même la fondation de la Poste chérifienne en 1892 par le sultan Moulay Hassan, Tanger ­ Azaila, Ksar Kbir ­ Ouezzane, Tétouan ­ Chaouen, exploitées par les frères Cohen dès 1895, etc.). Comme le rappelle Simon Lévy, leur rôle dans le maintien et le développement de l¹artisanat notamment l¹orfèvrerie ne fut pas moins important.

Une minorité bien visible

A vrai dire, Tanger offrait avec la diversité des origines de sa population, dans une ville cosmopolite par excellence, un cadre exceptionnel pour la coexistence harmonieuse de toutes les communautés et ce, bien avant l¹instauration du statut international en 1923.
En effet, la ville du détroit accueillait déjà 648 Chrétiens (appellation consacrée à l¹époque pour désigner les Etrangers) en 1868, 1.412 en 1888 puis plus de 8.000 en 1906 soit le triple du total des Etrangers résidant alors au Maroc.
A l¹avènement du statut international en 1923, la population de la ville était de 60.000 habitants dont 50.000 Marocains répartis entre 35.000 Musulmans et 15.000 Juifs, et 10.000 Etrangers, toutes nationalités confondues.
Pour bien illustrer le poids et l¹importance de la communauté juive que lui reconnaissait le statut international, il suffit de voir la composition en 1952 de l¹Assemblée Législative Locale présidée par le Mendoub en tant que représentant de la communauté marocaine. Rappelons qu¹en vertu du chapitre III du Dahir relatif à l¹organisation de l¹Administration de la Zone de Tanger (16 février 1924), la composition de l¹Assemblée Législative Locale était fixée « en considération du nombre des ressortissants, du chiffre du commerce général, des intérêts immobiliers et de l¹importance du trafic à Tanger des différentes puissances signataires de l¹Acte d¹Algésiras ». Elle était composée de 30 membres dont : 6 Musulmans, 3 Juifs, 4 Français, 4 Espagnols, 3 Anglais, 3 Américains, 3 Italiens, 1 Belge, 1 Hollandais, 1 Portugais. Les Vice-présidents étaient au nombre de 6 parmi lesquels M. Joe Hassan ancien président de la communauté israélite de Tanger mais désigné en tant que représentant du Portugal dont il était le consul honoraire.
Même si le poids de la composante musulmane était fortement minoré, puisqu¹elle représentait à elle seule 50 % de la population totale contre 20 % seulement des sièges, la représentativité de la communauté juive l¹était également mais dans une moindre mesure, puisqu¹elle représentait 15 % de la population mais ne disposait que de 10 % des sièges. La discrimination, sous couvert du poids économique de chaque communauté, était donc dirigée contre les Marocains de façon générale mais plus particulièrement contre les Musulmans.

Sépharades pur jus
& modernistes

A Tanger, au fil du temps, la composante sépharade devint largement prépondérante dans la communauté juive. Avec ses traditions et sa culture propre, elle s¹efforcera de les transmettre de génération en génération, préservant ainsi jalousement son identité sépharade.
Ce n¹est donc pas un hasard si elle fut immortalisée par les ¦uvres magistrales de Delacroix, qui séjourna à deux reprises à Tanger en 1832, où il fut l¹hôte notamment de la famille Benchimol. Ces toiles font à présent partie du patrimoine universel (« La Mariée juive à Tanger», « Les Noces juives à Tanger», à côté des « Musiciens juifs de Mogador »). L¹apport de cette communauté et celui des vagues successives de Musulmans chassés d¹Andalousie marquèrent profondément l¹histoire et la culture marocaines. Ce qui explique que les deux communautés aient toujours vécu en bonne intelligence, comme le rappelle judicieusement Simon Lévy, mis à part une brève période de l¹époque austère Almohade, de sorte qu¹aucun Juif n¹ait jamais été persécuté en tant que tel, ni encore moins chassé du Maroc.
Si la communauté juive de Tanger était d¹essence essentiellement sépharade, elle reçut le renfort à partir de 1938 de réfugiés venus d¹Europe centrale, en particulier de Hongrie, qui s¹y établirent notamment dans les professions libérales et la finance. Parmi ces derniers, le banquier Samuel Reichmann allait, plus tard, faire partie des hautes sphères de la finance d¹Amérique du Nord.
Les Juifs tangérois appartenaient à toutes les catégories sociales : le petit artisanat (plombiers, matelassiers, peintres en bâtiments, etc.), l¹orfèvrerie et la bijouterie dont ils gardèrent l¹exclusivité jusqu¹au début des années cinquante, l¹import et le commerce de gros, les guichets de changes (depuis les cambistes assis derrière leurs minuscules kiosques en bois du grand sokko, jusqu¹aux agences du centre ville), les banques (on n¹en dénombrait pas moins de 55 au début des années 50, la première banque d¹Etat du Maroc fut créée à Tanger en 1907) et plus rarement dans des fonctions administratives (PTT, justice, etc.) ou la Police (avec même une personnalité d¹envergure comme le commissaire principal Israël qui fût décoré par le roi Mohamed V à son retour d¹exil).

La convivialité avant tout

Malgré l¹absence d¹un Mellah traditionnel, le petit peuple vivait principalement aux abords immédiats de l¹ancienne médina mais bien à l¹intérieur des remparts de la ville construits par les Portugais, dans les quartiers des Béni Ider, à l¹angle des rues Touahine et Siaghine, et de Sakkaya Jdida. Il coexistait en parfaite symbiose avec les familles musulmanes qui habitaient souvent les mêmes immeubles, utilisaient les mêmes bains maures (le plus réputé, celui des Béni Ider appartenait à une juive), les mêmes fours spécialisés dans la cuisson de la « Skhina ou Dafina» du sabbat et des pâtisseries des fêtes juives et autres petits commerces. Dans ce quartier, on ne dénombrait pas moins de sept synagogues sur les douze que comptait Tanger. Quant au premier cimetière juif, il se trouvait à proximité immédiate de ce quartier, attenant à la muraille de la ville, sur son flanc nord, comme l¹était d¹ailleurs le premier cimetière musulman du côté sud.
La bourgeoisie juive, celle de la finance et du grand négoce, vivait dans les mêmes quartiers et les mêmes immeubles que l¹européenne dont elle parlait couramment les langues et partageait souvent la même nationalité. Très occidentalisée, elle disposait de ses propres cinémas, casino, tandis que ses salons de thé et pâtisseries (Pilo et Anidjar) concurrençaient les commerces équivalents détenus principalement par les Français et les Espagnols. La présence d¹une aristocratie financière juive, à travers les banques privées (Banque Pariente, Banque Salvador Hasan, etc.), les Assurances et le grand négoce, ne passait pas inaperçue. De grand noms d¹hommes d¹affaires d¹envergure internationale tels que les frères Pinto, (qui firent don du terrain du Golf Royal de Tanger, de terrains pour la construction d¹une mosquée et de différents projets sociaux), les Abensour propriétaires de la banque Pariente dont le siège se trouve actuellement à Genève, les Bergel, les Toledano, des journalistes comme Isaac Laredo, des personnalités engagées dans la vie associative locale tels que Menahem Mouyal, Sananes, qui parlaient couramment l¹arabe, ont profondément marqué la vie de la cité.
Le petit peuple, quant à lui, parlait en général espagnol, l¹arabe dialectal tangérois mais surtout la Hakitiya , l¹idiome juif en usage surtout au Nord du Maroc, avec un accent typique très prononcé. Préservée à partir de son socle initial du vieux Castillan du XVe siècle, avec un mélange d¹hébreux, mâtiné de mots arabes, notamment grâce à la proximité historique datant de l¹époque d¹Al andalous de l¹Espagnol, de l¹Arabe et de l¹Hébreu, la Hakitiya a su garder son authenticité d¹origine contrairement aux autres idiomes d¹ascendance sépharade, altérés notamment par le Turc, les langues slaves et européennes.
La bourgeoisie juive ne parlait quant à elle la Hakitiya qu¹en privé, certainement par snobisme. Ceci étant, la communauté, dans son ensemble, respectait à la lettre la tradition et les préceptes religieux. Les Téfélins, les mariages et surtout les fêtes étaient toujours des évènements qui ne passaient pas inaperçus, en raison de la promiscuité des familles juives et musulmanes qui s¹échangeaient toujours gâteaux, pain azim et notamment les plats culinaires de tradition sépharade. Les fêtes juives se signalaient aussi par la fermeture de nombreux commerces et services (Banques, kiosques de change, magasins d¹import et de gros, etc.).
La tradition vestimentaire était davantage suivie par le petit peuple, en particulier les femmes d¹un certain âge. Si les classes moyennes et aisées passèrent très vite au complet cravate, pour les mariages, le caftan traditionnel de la mariée gardait tous ses droits.

L¹enseignement israélite

A l¹image de la diversité de sa population, Tanger disposait d¹un large éventail d¹établissements d¹enseignement : musulmans, juifs, français, espagnols, italiens et depuis 1950, américain.
Comme l¹explique fort bien Si Abdelhamid Bouzid, ancien inspecteur de l¹enseignement public et personnalité marquante de Tanger, (Coup d¹¦il sur l¹enseignement dans le Tanger International - 1984), l¹enseignement musulman n¹a pour sa part guère évolué depuis 1788, date de la réforme introduite par le Sultan Sidi Mohamed ben Abdellah (1757-1790).
Selon Michaux Bellaire, un recensement datant de 1921 dénombrait 28 écoles coraniques importantes à Tanger. La timide réforme des programmes d¹enseignement introduite en 1933 sous l¹impulsion de Mohamed V, malgré l¹opposition des autorités du Protectorat, ne changera pas fondamentalement la donne.
Au par avant, en 1898, l¹Alliance française ouvrait en plein c¦ur de la médina une école pour les enfants musulmans confiée à des instituteurs algériens dont les témoins de l¹époque, souligne A. Bouzid, ont gardé un excellent souvenir.
La première école « hispano-arabe » fut créée en 1907. A partir de 1912, l¹école de l¹Alliance française changea de statut pour devenir à son tour « franco-arabe ». Mais à la rentrée scolaire 1921-1922, les 3 écoles franco-arabes réunissaient à peine 300 élèves.
Il fallut attendre l¹engagement du Mouvement National dans la création des « écoles libres », malgré l¹interdiction des autorités coloniales en 1935, pour que voie le jour la première école musulmane indépendante sous l¹impulsion de Sidi Abdellah Guennoun en 1936.
A la différence de leurs concitoyens musulmans mais grâce à l¹intervention soutenue de l¹Alliance Israélite Universelle (créée à Paris en 1860), les Juifs tangérois, étaient scolarisés, au sens moderne du terme, depuis déjà fort longtemps. L¹école de l¹Alliance israélite de Tanger ouverte en 1865, était la seconde du genre au Maroc après celle de Tétouan. Rappelons que la première école française (privée) l¹Institution Robinet du nom de sa fondatrice fut inaugurée en 1885 soit vingt ans après, tandis que le premier établissement d¹enseignement espagnol « la escuela de la Mision Catolica » ouvert en 1794 ne s¹étendit au secondaire qu¹en 1892.
En 1922, soit un an avant l¹instauration du statut international, l¹effectif de l¹école de l¹Alliance Israélite était de 1.050 élèves : 409 garçons et 560 filles. Au niveau des programmes d¹enseignement, l¹Alliance Israélite Internationale avait veillé à y dispenser le français, l¹hébreu, l¹espagnol et l¹anglais.
Abdelhamid Bouzid relève pour sa part « l¹indice d¹émancipation sociale révélé par le nombre élevé de filles scolarisées (54%) » dès 1922 mais regrette aussi avec amertume « la déconcertante absence de l¹arabe, langue du pays ». Il faut bien reconnaître que le piteux état de l¹enseignement musulman à l¹époque ne pouvait malheureusement guère être un argument convaincant pour susciter l¹intérêt que la langue arabe méritait. N¹empêche que l¹aggiornamento qu¹a connu ce dernier depuis les années 40 aurait pu changer la donne, mais il n¹en fut malheureusement rien. Probablement à cause de la politique de subventionnement de l¹enseignement pratiquée par les autorités du Protectorat, car, comme le note A. Bouzid, les écoles israélites rattachées à la Direction de l¹Instruction Publique à Rabat émargeaient sur le même budget que les écoles françaises. A titre indicatif, ce budget s¹élevait, en 1930-1931, à 58.129,185 F dont 43.265,860 F (74%) étaient réservés aux écoles françaises et israélites et 14.863,365 F (16%) aux écoles musulmanes. Pour sa part le statut de l¹Administration Internationale libère cette dernière de tout engagement social en s¹en remettant aux seules puissances du Protectorat.
Ceci étant, le niveau et la qualité de l¹enseignement de l¹école de l¹Alliance destiné à former notamment des élites permettaient aux élèves des écoles israélites d¹accéder facilement aux lycées européens. Ainsi, dès 1921, un lauréat de l¹école de l¹Alliance Israélite obtiendra même le diplôme d¹ingénieur civil de l¹Ecole Centrale de Paris.
En 1953, les écoles de l¹Alliance Israélite qui disposaient d¹un internat pour les élèves provenant de Ksar Kbir et de Larache, d¹une école professionnelle de jeunes filles (94 élèves) et l¹autre de garçons (44 élèves) totalisaient près de 1.800 élèves, d¹origine sociale essentiellement modeste. Les enfants de la bourgeoisie et dans une moindre mesure des classes moyennes étaient scolarisés dans les établissements européens, surtout français et espagnols.

L¹Administration
internationale et le social

A juste titre, A. Bouzid fait remarquer que, sur le plan de l¹enseignement au moins, la population musulmane n¹a tiré aucun profit de l¹essor économique et urbanistique qu¹a connu la ville de Tanger durant les 33 ans d¹Administration internationale. Si la communauté juive s¹en est finalement mieux sortie, c¹est grâce à l¹implication de l¹Alliance Israélite Internationale et au soutien au plan budgétaire, certainement pas désintéressé, des autorités du Protectorat. Ce qui était anormal, c¹était le désintérêt manifeste de ces autorités pour la promotion de l¹enseignement moderne, en dehors de quelques écoles franco-arabes destinées surtout aux fils de notables.
Pour ce qui est de l¹infrastructure sanitaire, elle a pratiquement été créée bien avant l¹instauration du statut international en 1923. En effet, Tanger a bénéficié d¹un encadrement sanitaire pluraliste dès la fin du XIXe qui répondait à l¹époque aux besoins spécifiques de chaque communauté même si les différents hôpitaux étaient ouverts également à la population musulmane.
Historiquement, ce fut une mission médicale anglaise débarquée en 1883 qui mit sur pied le premier hôpital du Maroc, le « Hop House » du Marshan. Puis en 1886 ce fut le tour de la Mission Franciscaine espagnole qui réussit même à fonder une « Ecole de médecine » installée dans le premier hôpital espagnol. Sur initiative du Sultan Moulay Hassan Ier, un groupe de jeunes militaires marocains y reçut même une formation paramédicale.
L¹Hôpital Français fut créé en 1903 et rejoint en 1911 par l¹Institut Pasteur de Tanger tous deux installés dans le quartier du Marshan.
En 1905, l¹hôpital Asile Benchimol ouvrit ses portes au quartier Hasnouna. Financé par la communauté juive, il accueillait surtout les nécessiteux de la communauté mais il acceptait aussi les patients musulmans. L¹implantation de cette institution à Tanger dès le début du siècle et la qualité des soins qui y étaient prodigués, montrent jusqu¹à quel point la communauté juive a su s¹adapter à l¹évolution du monde moderne presque aussi rapidement que les puissances étrangères.
Tout près de l¹Hôpital Benchimol, l¹Ospedale Italiano s¹installa, en 1926, dans l¹ancien palais du Sultan Moulay Hafid. Dans la foulée, la médecine privée devait prendre toute sa place après les initiatives prises par les puissances étrangères intéressées par une présence durable de leurs ressortissants à Tanger.
Des cliniques privées ouvrirent peu à peu notamment celle du Dr. Anderson, du Dr Saft ou surtout celle du Dr. Cabanié qui, le premier, eut à soigner les blessés ramenés du front de la guerre du Rif (1921-1926). Le certificat médical délivré à l¹une des victimes est d¹ailleurs cité par les associations réclamant « la vérité sur l¹usage des armes chimiques durant cette guerre ».
Sur la centaine de médecins et de chirurgiens dentistes que comptait Tanger en 1950, 30 étaient de nationalité espagnole, 30 de nationalité française et le reste de nationalités diverses, parmi lesquelles une douzaine étaient juifs et trois seulement musulmans dont le regretté Dr. Abdelatif Benjelloun dirigeant du parti de l¹Istiqlal à Tanger.

par Mourad Akalay




un article interessant et il est vrai que la communauté juive du "Maroc espagnol" vivait une vie paisible

Voici un autre article sur des juifs de Tanger et Tétouan émigrés en AMAZONIE

Bien plus ancienne que les communautés juives de Rio ou de Sao Paulo - les plus nombreuses du Brésil -, la communauté juive d’Amazonie a une riche histoire de presque deux siècles, qui est encore peu connue et peu étudiée, au Brésil comme à l’étranger. À présent, il ne reste des communautés juives organisées qu’à Manaus et Belém ; mais au cours du XIXe siècle, des petites kehilot (communautés) ont fleuri sur les rives de plusieurs fleuves de cette région sauvage. Dans des villages tels que Maués, Itacoatiara, Alenquer, Obidos, Cametá, Santarém, Itaituba et une dizaine d’autres, dispersés le long du fleuve Amazone, et même à Iquitos et Yurimauguas, au Pérou, on trouve d’anciens cimetières juifs - pour la plupart abandonnés. <b><font color=brown>Les noms inscrits sur ces tombes, presque toujours des <u>noms de familles provenant de Tanger et Tétouan</u>, racontent une longue histoire de présence juive dans la région. Sur ces monuments funéraires, on trouve des noms tels que Azulay, Abensur, Assayag, Bengio, Benzaquen, Benchimol, Bendahan, Benarros, Medina, Sabba, Serrouya, Zagoury et beaucoup d’autres d’origine marocaine, avec des dates situées entre 1890 et 1930.</b></font color>

L’apogée de l’exploitation du caoutchouc en Amazonie, entre 1890 et 1910, <b><font color=brown>a attiré une importante immigration de Juifs marocains</b></font color>. Mais les premières familles juives étaient arrivées dans la région bien auparavant, dès 1810. La synagogue Shaar HaShamaim de Belém, la plus ancienne du Brésil (si on ne compte pas celle qui date de l’occupation hollandaise du Nord-Est du pays, au XVIIe siècle), a été fondée en 1823 et est toujours en activité.

Les immigrants juifs marocains d’Amazonie vivaient surtout du commerce de produits de la forêt. Ils voyageaient en bateau dans la région pour acheter des cuirs et des peaux d’animaux, des épices, des châtaignes et d’autres produits de la forêt, et pour vendre des grains, des tissus et autres produits de la « ville ». Dans les années 1880, la découverte du caoutchouc à partir de l’hevea brasiliensis, arbre très abondant en Amazonie, engendra un vrai boom économique. Mais ce boom n’a pas duré longtemps. Les Anglais, qui étaient présents en Malaisie, ont bientôt établi des « plantations » qui rendirent obsolètes les méthodes d’extraction du latex amazonien et provoquèrent une chute du prix international du caoutchouc. Ce fut la débâcle de l’économie amazonienne et la fin de l’immigration.

Les Juifs abandonnèrent leurs villages aux bords des fleuves amazoniens pour chercher de quoi vivre à Manaus, à Belém et à Rio. Certains, pourtant, ne sont pas partis et leurs descendants ont fini par s’assimiler totalement à la population locale. Leur identité juive s’est perdue au bout d’une ou deux générations, mais aujourd’hui encore on peut trouver, répandus dans cette immense région sauvage qui couvre un territoire plus grand que celui de la France, des milliers de descendants de ces immigrants qui, malgré l’abandon de la religion de leurs aïeux, gardent des prénoms et de noms de famille typiquement juifs marocains. Le plus connu parmi eux est sans doute le chanteur aveugle David Assayag, dont le grand-père était un immigrant juif marocain.

L’historien récemment décédé Samuel Benchimol, auteur du livre Eretz Amazônia, estime qu’environ mille familles juives ont quitté le Maroc pour l’Amazonie entre 1810 et 1930. Dans les communautés juives de Belém et de Manaus, on compte aujourd’hui environ 3 000 âmes. Albert Abecassis, qui vit à Manaus, est l’un d’eux. <b>Il est le dernier des Juifs nés au Maroc à vivre encore en Amazonie, descendant direct d’une femme dont la triste histoire est devenue presque folklorique parmi les Juifs de Tanger - Solica la Tsadika, de la famille Hachuel ou Hatchwell.</b> En 1834, alors que la jeune Sol Hachuel avait 14 ans, le sultan Muley Abderrahman voulut l’épouser et lui demanda d’accepter l’islam. Elle refusa et fut condamnée à mort. L’épisode a provoqué une émigration massive de Juifs de Tanger à Gibraltar, où la famille Hachuel s’est établie, mais aussi en Amazonie.

Albert Abecassis, pourtant, est né à Tanger, en 1924, la famille de sa mère étant retournée de Gibraltar au Maroc au début du XXe siècle. Il n’est parti en Amazonie qu’en 1946, à l’âge de 18 ans. Son père vivait déjà depuis quelques années à Maués, où il pratiquait l’exportation de châtaignes. « Ma mère n’a pas voulu émigrer au Brésil. Elle est née à Gibraltar et elle a épousé mon père à Tanger, mais quand il a voulu aller au Brésil elle a refusé parce que son frère, Moïse, qui vivait avec mon père à Maués, y avait été assassiné par son gendre. Mon oncle Moïse s’était marié avec une portugaise catholique, et sa fille s’était mariée avec un “caboclo”[métis]. Un soir, il s’est disputé avec mon oncle, il était un peu saoûl, et il l’a tué avec son revolver. Cet oncle Moïse a eu huit enfants, mais après sa mort ils ont coupé les liens qu’ils avaient avec le judaïsme, leur mère étant catholique. Il n’y a que leurs noms juifs qui soient restés - Rachel, Rivka, Haïm, David, tous Hatchwell, tous baptisés. »

Comme le père d’Albert Abecassis, les émigrants juifs marocains qui partaient pour l’Amazonie, au XIXe siècle et au début du XXe, émigraient souvent seuls, et faisaient venir leurs familles du Maroc quand leur situation le permettait. Beaucoup ont épousé des indigènes, ce qui a donné des prénoms tel que Levi, Samuel, Jacob et David, assez communs en Amazonie jusqu’à nos jours.

« Quand j’ai émigré, en 1946, beaucoup de Juifs amazoniens allaient au Maroc pour rendre visite à leurs familles, mais je crois qu’aujourd’hui je suis le seul à avoir encore des relations avec Tanger, où il y a une communauté d’environ 200 Juifs ». Après avoir travaillé avec son père pendant vingt ans, à Maués, Abecassis a quitté la forêt pour Manaus. Il a gardé de Maués le souvenir d’un antisémitisme endémique. « On entendait tout le temps dire que les Juifs vendent plus cher, que les Juifs ont tué Jésus-Christ. On n’aimait pas les Juifs à Maués, et il ne reste pas de Juifs là-bas. » L’historien Samuel Benchimol narre l’histoire d’un pogrom qui eut lieu à Parintins en 1907, quand le sermon de Pâques d’un curé catholique conduisit la populace à tuer des commerçants juifs.

À Manaus, aujourd’hui, Abecassis ne voit pas d’antisémitisme. La ville a une communauté de Palestiniens grande et bien organisée, mais il n’y a jamais de problèmes. En fait, la ville de Manaus a parmi ses « saints » locaux un rabbin dont le tombeau, dans un cimetière chrétien, attire des pèlerins de toutes les religions. Il s’agit de Shalom Emmanuel Muyal, rabbin marocain venu à Manaus en 1910 pour chercher des ressources pour une yéshiva de Jérusalem. Tombé malade de la fièvre jaune, il est décédé et a été enterré parmi les chrétiens - comme 90 autres Juifs marocains qui sont morts dans cette ville avant que ne fût fondé un cimetière juif. L’origine de la réputation miraculeuse du rabin Muyal est inconnue, mais autour de son tombeau on trouve des dizaines de petites plaques en marbre, vieilles ou récentes, avec des remerciements pour des grâces obtenues, ainsi que de nombreuses marques récentes de chandelles.

« Quand on célèbre le jour de la mort du rabbin, ainsi que pendant les yamim noraïm, entre Rosh Hashana et Yom Kippour, les Juifs de Manaus visitent le tombeau du rabbin Muyal, mais ce sont surtout les non-Juifs qui y prient et y allument des bougies », dit Isaac Dahan, hazan (chantre) de la synagogue Beit Yaacov - Rabbi Meïr de Manas. Isaac Dahan, né à Alenquer, au bord du grand fleuve, a appris l’hébreu, les prières et la Torah avec son père, originaire de Rabat. Il est le chef spirituel de la communauté de Manaus, une petite kehila de 600 âmes. Le vendredi soir, plus d’une centaine de personnes se rendent à la synagogue pour la kabalat shabat (l’accueil du shabbat) et prient avec enthousiasme et concentration.

« Il y avait quelque autres familles juives à Alenquer quand j’étais enfant, dit Dahan. Les Benguigui, les Benzaquen, les Athias. Mon père est venu de Rabat pour rejoindre un oncle ; c’est lui qui m’a enseigné l’hébreu et les prières. Il avait reçu au Maroc une formation religieuse très solide et il a pu se perfectionner encore à Alenquer parce que notre vie, là-bas, c’était le travail et la religion. Le travail n’était pas dur : on achetait les châtaignes et le caoutchouc, on les revendait... Le reste du temps, c’était pour les études. » Mais Dahan père est devenu aveugle, a tout perdu, et a déménagé à Manaus pour chercher du travail pour sa famille. « À Manaus j’ai pu améliorer mes connaissances, dit Dahan fils. À cette époque, il y avait encore beaucoup de vieux immigrants, qui m’ont enseigné les Pirké Avot [Les Maximes des Pères], les prières, la lecture de la Torah ».

Depuis la mort du dernier rabbin de Manaus, Yaacov Azulay, en 1976, Isaac Dahan est devenu le responsable de l’organisation des services religieux et le guide spirituel de sa communauté. Un Juif marocain ne trouvera rien de déplacé dans le rituel de cette synagogue dont l’Aron ha-Kodesh [Arche sainte] garde une Torah vieille de plus de 400 ans, qui a été transportée du Portugal à Tanger à l’époque de l’exode des Juifs ibériques, et du Maroc à Manaus au XIXe siècle.

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