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EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC

Envoyé par Jean-Francois.RABATI 
EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
21 mars 2020, 03:01
Le Maroc aura permis du temps du Protectorat beaucoup plus d’installations de baignoires pour les Européens que ce qui était pratiqué en France à la même époque.

On se voulait moderne, on se voulait pionnier, on voulait du confort. L’eau courante arrive dans les villes nouvellement construites, les baignoires aussi, progressivement. Pas dans tous les logements, mais progressivement.

Dans les campagnes, les petits paysans français, appelés colons, commanderont des baignoires, installeront des châteaux d’eau liés à un puits pour avoir l’eau courante pour leur maison. Des toilettes avec des chasses d’eau, comme des bidets, feront partie de l’équipement de ces salles de bains.

Dans les boutiques et dans les souks, les Marocains se verront proposer du savon de Marseille ou d’Alep, des savonnettes colorées et parfumées, de la lessive en poudre, de l’eau de Javel, du papier toilette en rouleau.

Ces produits d’hygiène et de toilette se propageront au fil des ans, mais pour le petit paysan marocain ce sont des produits chers et souvent inconnus.

Demandez aux anciens leurs souvenirs sur ces questions, vous serez étonnés des évolutions.

Tout ceci, donnera une industrie de fabrication de porcelaine pour les baignoires, bidets, toilettes, une industrie pour la fabrication de savons, savonnettes, lessives (Tide), une industrie pour la fabrication de papier toilette, une industrie pour la fabrication de tuyaux en plomb et autres métaux et aussi permettra la création de nombreux emplois de plombiers pour l’installation de tous ces équipements.

Pour certains cela peut paraître anecdotique, mais ces éléments d’hygiène et de confort, associés à la pénétration de la médecine occidentale au Maroc, réduiront progressivement le taux de mortalité infantile qui était énorme avant le Protectorat.

Et pensez à tous les emplois créés par ces activités.


LE MANGEUR DE SAVONNETTE
Voilà une histoire du Maroc qui permet de comprendre que certains éléments de la toilette étaient loin d’être connus partout.

Cela se passe par une belle journée de printemps dans le Moyen-Atlas. Le Caïd a fait installer quelques tentes, dont une grand tente caïdale sur une colline permettant une vue splendide alentour. Nous sommes dans les années 30,
en 36 ou 37.

Les invités du Zaïn, dont mon père, sont confortablement installés pour profiter d’un déjeuner pantagruélique où le méchoui, le couscous, les tajines s’enchaîneront. Les bonnes odeurs de cuisine parfument l’air des convives.

Et puis voilà que l’heure du repas arrive. On apporte les instruments de cuivre pour se laver les mains (je ne sais plus le nom de ces ustensiles de cuivre, dont une bouilloire).

Mais pas de savonnette. Où est la savonnette ?

Le Caïd commande, s’énerve. On s’agite, on recherche la savonnette et celui qui devait s’occuper de proposer aux convives de se laver les mains.

Il est où ce fainéant ?

Disparu ! Et disparue la savonnette !

On ne trouvera pas la savonnette, mais seulement le préposé au lavage des mains parti soulager un ventre en feu.

Il avait mangé la savonnette de couleur rose, trouvant son parfum et son goût délicieux, la prenant pour un gâteau de choix.

Inutile de vous dire que la sanction du Caïd a certainement été à la hauteur de son courroux. Il n’y avait que cette seule savonnette, si goûteuse.

Mon père en riait encore 60 ans plus tard.

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Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
21 mars 2020, 03:21
Ton père comme tous les riches français pouvait rire ,mais la plupart des marocains et marocaines qui préparaient ce qu'il dévorait,en rentrant dans leurs gourbis,crevaient de faim,sans eau courante sans savon sans éléctricité sans soins élémentaires.Et chez la plupart des francais,les domestiques marocaines ne mangeaient que ce qui restait dans les assiettes,quand il restait quelque chose.
Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
21 mars 2020, 04:56
Le Maroc était très pauvre et les Marocains ont connu bien des famines, parfois aidées par des prélèvements beaucoup trop importants faits au nom des Caïds et du Maghzen qui ne laissaient plus assez de semences pour la récolte suivante.

Les rapports étaient durs entre Marocains, riches et pauvres, ou avec les colons, plus encore, à partir de Steeg, avec ceux venus d’Algérie qui ont importé leurs pratiques plus autoritaires.

J’ignore si ce que vous dites sur les Français et leurs ‘’domestiques marocaines qui ne mangeaient que ce qui restait dans les assiettes’’ pouvait être une pratique courante ou générale. Je ne le crois pas.

Il ne faut pas généraliser à partir d’une expérience locale. Peut-être que dans le bled, certains colons traitaient leurs domestiques moins bien que leurs chiens.

Moi, je n’ai jamais vu cela, ni chez nous, ni ailleurs. Nous étions à Rabat, à Casablanca et dans les régions autour. Les domestiques marocaines étaient correctement traitées et, de ce que j’ai vu, plutôt bien nourries (et sûrement mal payées).

C’était forcément une exception, mais dans notre entourage au Maroc certains Français prenaient en charge les frais de scolarité des enfants de la domesticité. J’en connais même qui payaient à ces enfants des écoles privées de qualité qui venaient chercher les enfants à domicile et les raccompagnaient à la fin de l’après-midi. Et c’était des ‘’vieux marocains’’, pas des gauchistes. Des paternalistes donc.

Un jour au souk, mon père avait repéré un de ses contremaîtres acheter 1,5 kg de viande, en demander la cuisson de 500 grammes, les manger sur place et donc rapporter pour sa famille qui comportait plusieurs enfants 1 kg, dont il aurait encore sa part.

Que ce soit le progrès, le Protectorat, que sais-je, en tout cas, la situation alimentaire s’était améliorée au Maroc sous le Protectorat, avec bien évidemment des contrastes et des régions défavorisées.

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Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
21 mars 2020, 08:31
Bonjour Jésus,

Je ne sais pas à quelle époque vous faites allusion. J'aimerai le savoir avant de vous répondre.
Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
21 mars 2020, 15:31
Papilunet,de 1940 à 1956,époque pendant laquelle j'ai observé la société bourgeoise dans laquelle j'ai vécu.

Qui peut generaliser ? nous ne rapportons que ce que nous avons vu et par conséquent ce qui se passait dans la majorité de notre entourage.Par exemple on ne peut pas dire que les bouchers cuisaient la viande qu'ils vendaient,je ne l'ai jamais vu.Le protectorat,hélas ,s'est tellement peu preoccupé des marocains qu'il ne les a jamais employé dans les services publlcs,
police,postes,douanes,administrations locales,hôpitaux.Et quand mon père,proche du palais ,averti le pouvoir métropolitain en 1946 que les élites "indigènes" du Maroc exigeraient leur participation active dans la gestion de leur pays,le résident Noguès l'obligea à se taire en pretendant que tout était sous contrôle avec l'aide des caids corrompus.

Il est vrai depuis la revolution de 1789 ,que nos dirigeants n'ont jusqu'à ce jour, pas reussi à gérer avec succès la gestion du pays.Ils ne sont pas malheureusement seuls en Occident,et nous en subirons avant longtemps,les conséquences existentielles.
Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
21 mars 2020, 21:02
Petit complément pour expliquer à Jesus le fonctionnement du souk. Cela se passait dans le Doukkala.

Il y avait les bouchers du souk installés dans des échoppes en dur, les unes à côté des autres. Elles servaient le jour du souk.

A côté, pas très loin, étaient installées des tentes où les visiteurs du souk prenaient un peu de bon temps en payant une théière de thé sucré, accompagnée parfois d’une kesra. Certains moins pauvres ou plus riches commandaient des brochettes ou la grillade de leur propre viande qu’ils venaient d’acheter au souk.

Chacun a sa spécialité au souk. Le boucher vend de la viande et n’est pas restaurateur ou bistrotier.

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Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
22 mars 2020, 06:46
Petite question à Rabati .
Si ton père était tellement aimé,pourquoi a t il été tant de fois menacé de mort ainsi que ta famille et a t il été obligé de fuir les lieux où il faisait tant d'actions en faveur des marocains.Le mien qui avait également une entreprise importante
à Casablanca ne l'a jamais été et a circulé partout sans rien craindre .

Quant aux pseudo restaurateurs vendeurs de thé, leurs brochettes étaient
prêtes sur le feu bien avant l'arrivée des clients.Et je ne crois pas que ton père en faisait partie.Tout comme le mien.Mais ces petites anecdotes ne representent pas la realité des relations entre communautés parmi lesquelles il y a toujours eu des exceptions.
Re: EAU COURANTE, BAIGNOIRES, SAVON, HYGIÈNE AU MAROC
22 mars 2020, 08:30
Pour Jesus,

Je n’ai peut-être pas été assez clair ou assez complet. Une seule fois mon père a été menacé.

Le cheikh local dans le Moyen-Atlas,, du côté des mines de plomb et d’antimoine qu’exploitait mon père, était venu de nuit annoncer à mon père qu’il devait fuir s’il ne voulait pas être tué cette nuit-là. C’est ce qu’il a fait.

C’est la SEULE et UNIQUE MENACE reçue par mon père en 70 ans de Maroc.

Et s’il a laissé tomber les mines à ce moment-là, c’est aussi largement parce qu’elles étaient devenues non rentables avec les revendications des ouvriers de la mine, alors qu’elles ne rapportaient déjà plus grand chose à cette époque, le cours du minerai étant assez faible.

Et si bien des années après, un Chleuh est venu à Casa apporter à mon père de l’argent pour ses mines abandonnées, c’est qu’il était respecté.

J’ai raconté aussi les deux incendies dans son exploitation forestière, mais ces incendies peuvent être rapprochés des incendies des champs de céréales des fermes des colons français. Il aurait été très facile de tuer mon père dans cette zone forestière où il était isolé. Mon père a poursuivi l’exploitation forestière de longues années après ces événements (ils se sont réinstallés à Rabat, mon père étant plus à Casa) bien au-delà de l’Indépendance du Maroc.

Mes parents s’étaient installés pendant la seconde guerre mondiale du côté de l’exploitation forestière pour s’éloigner de Casablanca et des risques de bombardements.

Mon père se préoccupait de ses affaires et pas de politique, même s’il entretenait des relations dans tous les milieux, français et marocains.

Son activité principale -cela n’a pas dû vous échapper- était les travaux publics. Et cela se passait à Casablanca et Rabat. C’est là qu’il était en quasi permanence. Je ne vais pas raconter tous les détails pour que vous compreniez plus. Il faut imaginer un peu pour tout comprendre.

Mon père était en parfaite sécurité au Maroc, notamment à Casablanca, où il a fait tourner ses affaires pendant
plus de 60 ans.

Sur le plan du comportement vis-à-vis des Marocains, ont peut vouloir organiser une polémique en tordant des propos et en disant ‘’qu’il faisait tant d’actions en faveur des Marocains’’, ce que je n’ai jamais écrit.

Ne vous en déplaise, mon père se comportait bien, était droit et juste. Je le maintiens.



Vous ne comprenez pas l’histoire du souk. D’autres comprendront. J’étais présent ce jour-là.

.N.B.: Je ne doute aucunement que votre père se sentait en sécurité à Casablanca à cette période troublée alors qu’il manageait une entreprise importante.

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Modifié 3 fois. Dernière modification le 22/03/2020 08:47 par Jean-Francois.RABATI.
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