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La femme de mazagan

Envoyé par MESSAGE DEPLACE 
Re: La femme de mazagan
01 mars 2005, 07:14
De retour à la maison, Eugénie sentit la crise de nerfs monter quand elle chercha, en vain, les malles des enfants, leurs effets, tout avait été mis sous clef. Fernande lui rappela qu'on ne la laisserait prendre aucune initiative tant que le télégramme de Pierre ne serait pas parvenu. Eugénie d'effroi suffoquait, de quel droit de quel droit mais c'est une véritable séquestration ! Ils sont à moi à moi ! Et jamais Pierre n'y consentira! Mais Charles calmement expliquait des De La Mare des Français des catholiques, Bonne-maman Mélody elle-même s'était prononcée en faveur du placement indispensable. Là, Eugénie croit mourir de rage mais son sens de la survie lui dicte de gagner encore du temps et elle argumente.
« Et pourquoi serais-je donc une mauvaise mère, je vous prie?» Elle a mis de l'arrogance dans le ton, et son regard, soutenu par l'intelligence aux abois, se fait encore plus clair. Elle s'approche de Fernande et la nargue sous le nez avec un sourire suave «alors dites-le, mais dites-le donc, de quoi suis-je véritablement coupable?» Eugénie fait un grand numéro comme au cinéma les numéros de charme, ses mains relèvent le col d'astrakan et cernent son visage d'une douceur noire que rehausse le battement de cils, provocant. La voix s'amenuise jusqu'à susurrer un alors racoleur. «Alors? Alors?»
« Alors? Alors? » alors Fernande à gueule déployée tandis qu'elle empoigne le revers du manteau et secoue Eugénie comme un prunier. « Alors? Alors elle veut savoir hein? Avec ses alors de sainte nitouche, elle va être servie, elle va en avoir des alors! Alors? Alors t'es juive, t'es qu'une Juive, t'es qu'une mère dégénérée parce que t'es juive, JUIVE JUIVE JUIVE, tout le monde le sait ici... t'entends, tout le monde!» Eugénie perd l'équilibre, elle tombe et heurte le coin de la table, elle saigne au front. Charles épilogue Fernande le sens du devoir vous emporte. Fernande jette au visage d'Eugénie le bouton et le morceau de cuir qui est venu avec, ça s'habille en astrakan et ça laisse ses petits mourir de faim.

Extrait de " La Femme de Mazagan"
par Nelcya Delanoe
Re: La femme de mazagan
01 mars 2005, 08:05
Cher Maxims,

Bonne initiative que d'avoir mis en exergue ce passage important du livre. Il me parait tout aussi important le tabou sur ce passage convenu dans la famille et qui s'est soldé par une gêne entre les époux qui aura pour conséquence la séparation du couple et l'exil en Amérique d'Eugénie.

Elle ne reviendra au Maroc que les toutes dernières années de sa
vie.




tita
Re: La femme de mazagan
03 juin 2005, 02:00
J'ai habité au 101 rue Dr Delanoé, jusqu'aux évenements de 1955. Je crois me souvenir que le Dr Delanoé habitait dans l'hopital la grande maison avec parc dont la porte d'entrée et le garage donnait à l'intersection de la rue Pasteur et la rue Delanoé. La renomée du dr Delanoé est égale à celle du Dr Paoletti, il me semble.il s'agissait des plus connus, si vous en avez connu d'autres ,n'hésitez pas.
Re: La femme de mazagan
03 juin 2005, 15:58
Gabor,

Est-ce que tu aurais quelques photos de ta jeunesse ou autre que tu voudrais bien nous montrer sur Dafina.
Nous te serions reconnaissants.

Mille mercis.
Re: La femme de mazagan
09 juin 2005, 08:32
Extrait de
La Femme de Mazagan de Nelcya Delanoe

La famille partit pour Oualidia, lagune immense coulée dans les sables et les rocs où jadis paissaient les hippopotames. Mélody en rêve depuis et pour toujours, comme Gauguin de Tahiti, Oualidia gorge d’écume et perle d’éternité à nu... Mais d’abord la route, plate et sèche. Elle la connaît par cœur et pourtant elle gobe tous les signes avant-coureurs comme une révélation, village miteux, noria ruisselante entre les roseaux, marchand des grands chemins dans l’ombre d’un eucalyptus — quelques œufs des figues de Barbarie des poules vivantes — tangage des chameaux et le souk du vendredi au cinquantième kilomètre. La côte enfin toute proche, l’estuaire d’Azemmour, à la couleur des eaux on sait où en est la marée, un rapide arrêt pour une kessra qui fleure la farine et la chaleur sèche du four, c’est déjà Mazagan et l’escale obligée chez Le Toubib. Mélody s’imagine que cette ville ressemble à une sous- préfecture balnéaire de France : immense plage rectiligne, demeures blanches, joufflues sur leurs colonnades, explosion de massifs fleuris, calèches à franges et à pompons. A Mazagan, tout le monde connaît la maison du Toubib et de La Toubiba, elle est morte la pauvre, il y a longtemps déjà, mesquina... Lui on vous dira qu’il est toujours là, pas bougé là-haut sur la colline, la belle villa, c’est vrai qu’on la voit mal, avec ce jardin qui l’envahit, pensez, depuis 1913..
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