Traditions juives au Maroc : Les mystères des Hilloulas
C’est un petit chemin au milieu des oliviers qui mène vers le village de Draâ. Il est difficile d’accès et est constitué en grande partie d’une piste non goudronnée. Depuis le mercredi 23 mai, des barrages de gendarmes sont installés sur la route qui mène vers ce chemin. La raison : des pèlerins juifs venus de plusieurs villes du Maroc et même d’Israël et de France se sont donnés rendez-vous dans ce petit patelin se trouvant à 15 kilomètre de la ville de Demnate (à 90 kilomètres de Marrakech).
LA communauté juive se rend depuis des années à ce lieu pour organiser une Hilloula, appellation donnée aux moussems juifs qui sont comme les moussems musulmans, des cérémonies organisés à la mémoire d’un saint.
La dernière Hilloula en date concerne le saint David Draâ. Elle a eu lieu du 23 au 27 mai dans le village de Draâ. Pourquoi ce village ? « C’est là où se trouve la tombe du saint qui est décédé il y a 700 ans », répond le Hazzan (Rabbin) Isaac Ammar.
Au Maroc, une dizaine de saints sont vénérés par la communauté juive au Maroc. Or, selon le représentant de la communauté juive à Marrakech-Essaouira, Jacky Kadoch, il en existe environ 300 à travers le Royaume.
Les Hilloula, nous explique-t-il, ont été instaurées dans les rites hébreux pour « la commémoration de "Lag Ba Omer", jour du décès du grand rabbin et saint Chimon Bar Yohaï. Puis, cette date est devenue une occasion d’honorer la mémoire de tous les saints juifs dans le monde. Faisant de même ici au Maroc, nous organisons une série de Hilloula chaque année en différents endroits et en différentes dates », précise le président de la communauté juive à Marrakech-Essaouira.
Draâ sous haute surveillance
L’accès au village de Draâ est très surveillé durant les jours de la Hilloula. Dès qu’il a stationné, le chauffeur de la voiture qui nous a mené au lieu du moussem juif a été aussitôt interpellé par un gendarme. Ce dernier a ensuite demandé aux passagers (le journaliste du Reporter et deux docteurs chercheurs) leur carte d’identité et les raisons de leur arrivée au village. C’est le représentant de la communauté juive qui lui a signalé qu’il s’agissait de visiteurs qu’il attendait.
En plus des gendarmes et d’autres éléments des forces axillaires, le khalifa du village était également sur les lieux prenant note de tout... A l’entrée du village se trouve une vielle école talmudique en délabrement.
A l’intérieur du village, plus aucun juif n’est parmi les habitants. Ce sont des villageois musulmans berbères qui gardent la synagogue et le mausolée du saint David Draâ, connu aussi sous le nom de « Moul Nakhla Khadra » (l’homme au palmier vert). Le saint doit ce surnom à un petit palmier qui pousse au dessus de son tombeau. Hassan, le principal gardien du mausolée et son frère ont hérité leur fonction de leur père.
La synagogue et le mausolée ont été réhabilités il y a quelques mois. Les signes des travaux, encore apparents, le prouvent. Des pèlerins ont séjourné au village Draâ durant toute la période du moussem, du 24 au 27 mai. D’autres sont venus après, certains sont partis avant... L’essentiel pour eux est de visiter le mausolée au moins une fois par an. « Par exemple, Serge Berdugo, président de la communauté juive au Maroc, même s’il n’est pas venu durant ce moussem, il a déjà visité le saint il y a quelques mois ... », souligne un des pèlerins.