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Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous

Envoyé par jbarros 
Utilisateur anonyme
Re: souvenirs des bonnes qui travaillais chez nous
06 août 2006, 02:26
Bonjour rueMozart
Tu parles à l'auteur de La Laveuse?
Je suis dans le Var mais j'espère revivre a Casa a partir de 2007 apres etre partie pour la France depuis 45 ans, mon conjoint prenant sa retraite en 2007, nous pensons nous y fixer. Je vais souvent au Maroc maintenant.

Amitiés bedaouies. Liliane.
Re: souvenirs des bonnes qui travaillais chez nous
06 août 2006, 03:19
bonjour liliane
oui
j ai super aimé ton texte, emotion et style
etonnant que tu veuilles retourner au maroc
pour t'y installer
je suis a strasbourg -!!!!-et je cherche un endroit pour ma retraite
je pensai au var , justement
j ai quitté le maroc en 70 apres mon bac mais je suis un casablancais, pure souche
un bidaoui comme tu dis, je redige une serie de textes sur casa, un besoin , je ne sais pourquoi peut etre pour mettre de l'odre dans ma memoire ou pour capter des moments privilegiés et les fixer .
ca a commencé par les chinois de derb omar que j 'ai publie sur ce site -
amities
armand

Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 06:46
Bonnes ,bonnes, bonnes,qui ne s'en souvient?
Auteur: ruemozart
Date: 6 mars 2007, 11:31


Comment évoquer notre passé au Maroc sans se remémorer celles qui nous ont accompagné tout au long de notre enfance? les bonnes ,au sens humain du terme et accessoirement au sens professionnel.

Que pouvions nous faire sans elles? Elles avaient, avant les américains, inventé le free refill , en d’autres termes , l’approvisionnement perpétuel de nos verres de thé .Notre veste était à deux mètres ? Même si nous avions le bras long dans notre famille ,elles raccourcissaient les distances qui nous séparaient des objets .

Une chaussure s’était égarée de notre fait ? Un cri strident « H’niaaa! » suffisait et la paire était reconstituée.
Un paquet de cigarettes à chercher? H’nia va l’acheter chez le chleuh du coin de la rue pour la 3éme fois dans la journée, un « casa sport » de préférence , le sport étant pour la bonne et le reste pour le patron.

Mon père n’avait pas pensé à optimiser les temps de parcours ni à rassembler les courses , le temps n’ayant aucune espèce d’importance , ni l’effort d‘ailleurs. A cela,il faut ajouter que les donneurs d’ordre étaient nombreux .

Un peu caricatural , peut être mais à peine. Ce raccourci occulte pourtant la grande proximité qui nous liait à elles .Elles grandissaient avec nous,connaissaient nos problèmes, riaient quand on riait , prenaient le deuil avec nous , gardaient les secrets de nos frangines ou partageaient Pourim , Hannoukah et même la matzah.

Elle prêtaient toujours une oreille complaisante ,soucieuses de nous faire plaisir.
Présentes même à minuit au retour du cinéma ,elles nous ouvraient la porte . Que nous importait une clef oubliée? Y avait -t-il un problème à calmer une petite faim avant de dormir? La réponse etait évidente : H’nia , nonobstant le fait qu’elle se réveillait avant nous.

H’nia était petite , sans age , le visage fripé , toujours disponible , souriante et revêtue d’une couche de vêtements superposée dont je comprenais jamais l’empilement .

Charmante H’nia. Que de théières préparées ,_flaiou, nahna ou siba selon les gouts - que de gestes répétitifs ,sans grincement de dents pour des enfants souvent gâtés et retors , sans oublier les bébés parfois attachés derrière le dos comme de petits eskimos.


Que de sols lavés et de lessives faites , les mains usées tant par les détergents que par les multiples frottements sur la planche à laver striée , précurseur des machines à tambour et à programmes multi lavages ou à anti redéposition . Point de Cajoline ou de pastilla triple action.
Un coup de grésil pour le sol , un coup de javel pour le linge et un tour, un seul , était joué.

Connaissions seulement les vies de nos bonnes , elles pour qui nos défauts et nos histoires n’avaient aucun secret ?
Ma mère était familière de leurs parcours , connaissait leurs destins personnels faits souvent de répudiations , d’aides aux parents ,de sacrifices .
La cuisine était le lieu social par excellence .L’écossage des petits pois et l’épluchage des pommes de terre étaient en réalité des opportunités pour se cuisiner mutuellement si l’on peut dire et avouer l’intime ou le partager, tout naturellement .

Nous les considérions pas , faut il le préciser , comme du mobilier , à l’instar du film « Soleil Vert « , ou le personnel domestique était livré avec l’appartement.
Notre attachement était réel et leur dévouement sans égal.

Les dernières années d’existence de mon père furent adoucies par une bonne toujours disponible , allant jusqu’à dormir dans sa chambre sur un matelas à même le sol , de crainte d’une alerte en pleine nuit.

Qui le ferait dans nos contrées européennes , ou compte tenu des temps de travail,un relais de trois personnes -avec diplôme- serait nécessaire , le cœur ne se relayant pas .
A moins de renvoyer le parent dans un mouroir , complètement coupé de ses racines , et obligé de composer avec un personnel forcement puissant parce qu’en bonne santé. Le statut social et le passé respectable de « Tajer Braham » n’ayant aucune espèce d’importance. Par chance , mon père n’a pas connu ces gardes malades patentées et je comprends à présent son désir de terminer sa vie au Maroc et nulle part ailleurs.

Leurs rêves étaient toujours les mêmes , pèleriner à la Mecque ,nous suivre en France si l’on partait ,voire même en Israël ,si finalement , cette destination était notre souhait.
Elles économisaient souvent leurs salaires pour le donner à leurs parents au bled ,quand elles y retournaient à l‘occasion des fêtes musulmanes .
Rarement tout de même , les congés étant parcimonieux.

Elles me sollicitaient souvent quand je rentrai au Maroc au terme de mon année universitaire .Elles m’appelaient t’bib car j‘étais, malgré la réalité, forcement médecin. Que les médecins m‘excusent , je n‘ai pratiqué que l‘homéopathie et n’ai prescrit que de la poudre de perlimpinpin .Rien d‘autre je le jure, mon casier judiciaire marocain étant vierge .Que les dentistes se rassurent , je les ai envoyées vers des spécialistes -pas les mécaniciens dentistes . Les orpailleurs m’en voudront peut être : j’ai toujours déconseillé les bouches garnies d’horribles dents en or, même si le cours du métal précieux m’a donné tort par la suite. J’aurais pu faire des placements mobiles moi-même.
J’en étais réduit à ces conseils .Mais comment leur expliquer pour la niéme fois que j’étudiais « Sciences Po » , science de l’à peu prés. Je ne voulais pas les décevoir.

Tout n’était pas idyllique et nos parents s’évertuaient à trouver des bonnes fiables , du bled de préférence car ceux de la ville avaient semble t’il acquis de mauvaises habitudes ,voire une mauvaise réputation.
A l’inverse , les bonnes qui avaient travaillé pour nous et allaient chez d’autres employeurs , avaient contracté d’sara , en d’autres termes avaient été trop gâtées , avaient pris le mauvais pli. Un comble.

Nous avions recruté une bonne qui oeuvrait uniquement la journée ,originaire de la zone espagnole et jolie de surcroît .
Contrairement à certains de mes copains qui m’ont raconté leurs aventures , rien ne s’est passé pour ma part .
Je ne le regrette pas au niveau de ma santé , je ne dirai rien pour le reste .
Après son travail , elle s’apprêtait et allait affronter les plaisirs de la ville ,laissant traîner dans la maison un parfum , assez agressif , mon nez s’en souvient parfaitement.


La rue l’attendait et les femmes y étaient accostées, systématiquement.
En fonction de leurs exigences matérielles,elles se laissaient aborder tantôt par des piétons , tantôt par des cyclistes ou par des voitures pour les plus ambitieuses .
« man choufoukch ? » on peut te voir? Lever le voile au sens propre et figuré .

La voix pour les piétons , une sonnerie de vélo pour les deux roues ou un klaxon et les phares pour les quatre roues .
Aussi simple que cela. La drague , son et lumière.
Il faut dire que la drague reste un problème récurrent au Maroc et il s’apparente à du harcèlement .

La solution a été récemment trouvée semble- t- il .Les femmes se revêtent d’un voile noir qui leur recouvre l’ensemble du visage .Un corbeau qui n’a rien d’appétissant. On pourrait les appeler les Dark Voildor .

La frivolité de ces femmes légéres allait de pair avec une honnêteté approximative et à leur départ , que de portes monnaie retrouvés au dessus de la chasse d’eau , vidés de leur contenu! Tout redevenait évident , les pulls qu’on croyait égarés , le collier de fausses perles outre quelques délits qu’on leur attribuait pèle mêle .

La méfiance de ma mère n’était pourtant pas endormie .
A leur départ en fin de journée , au seuil de la porte , un regard soupçonneux se portait dirigé vers leur sarouel , un pantalon ample qui servait d’entrepôt, sans compter le sac étirable qui pouvait servir d’entrepôt annexe.

J’ai quitté le Maroc et ses bonnes et j’ai connu les employées de maison ou de surface en France .Elles n’avaient de commun avec les bonnes que leur incapacité à faire la cuisine .
La comparaison s’arrêtait là. Il a fallu affronter les horaires , les travaux infaisables ,les heures supplémentaires , les droits mais la conscience était sauve.
Nul discours marxiste ne pouvait nous donner mauvaise conscience sauf peut être de la part de certains gauchistes ou bine pensants qui veulent réduire la France à un pays d’employés sans employeurs, malgré le nivellement de la société.

J’ai lu récemment quelques articles sur la condition des bonnes au Maroc
Analphabètes , mal payées , elles finissent souvent dans la prostitution.
La situation n’est pas brillante malgré les récents acquis en faveur des droits de la femme .J’espère que les pensions non versées , la répudiation et la garde des enfants seront des problèmes appartenant au passé.

Nous n’étions pas forcement des employeurs modèles mais la relation me semblait correcte autant que je me souvienne.
En tout état de cause , je leur rends hommage pour leur dévouement et leur gentillesse.

Plusieurs années après la mort de mon père , à l’occasion d’un retour au Maroc , je retrouvai la bonne qui s’en était occupée. Je la revis avec émotion et ayant acquis quelques bonnes manières françaises , je voulus lui faire un baise main tant par reconnaissance que par automatisme.
Que n’avais-je fait la!
Elle fut choquée tant j’avais bouleversé les usages .J’étais le maître et les Actualités Marocaines nous renvoyaient , en sens inverse, le baise main fait au roi .L’erreur valait tout de même symbole et reconnaissance de dette.

Si vous rencontrez une bonne ou mieux si vous voyez Ania , lisez lui ma lettre.
Elle serait contente de lire des nouvelles d’Armo, Armand .N’importe quelle Ania , n’importe quel Armo.
La ressemblance ne sera pas fortuite.




Modifié 2 fois. Dernière modification le 12/04/2007 22:16 par Dafouineuse.
Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 06:47
Auteur: dahan arlette
Date: 6 mars 2007, 14:29


salut rue mozart, que de souvenirs en lisant votre lettre, nous aussi nous avions une bonne qui etait chez nous avant meme ma naissance, elle vivait chez nous etant donne qu'elle n'avait aucune famille, elle faisait parti de la maison,elle nous aimait beaucoup et etait toujours prete a tout faire, mes parents partaient en voyage et nous laissaient avec elle ,lorsque nous avons quitte le maroc ce fut un e grande dechirure de nous separer d'elle, et d'apres ce que nous avions appris elle se serait laisse mourir!!! merci pour votre lettre qui m'a beaucoup touche, etiez vous derabat? amities
Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 06:47
Auteur: ruemozart
Date: 6 mars 2007, 14:49


salut Arlette
je suis un pur casablancais et je suis amoureux de cette ville meme si times are a-changing comme chante Bob Dylan
merci pour ton mot.
je t'embrasse
Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 06:48
Auteur: dahan arlette
Date: 6 mars 2007, 15:50


resalut mozart, j'avais pleins de copains de casablanca ainsi que de la famille, c'estvrai que c'etait une tres belle rive, mais rabat aussi!!! bisous
Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 06:48
Auteur: pineuss
Date: 6 mars 2007, 16:40


A ruemozart,

J'ai beaucoup apprecie ce que vous avez ecrit et decrit sur la bonne, au sens humain du terme et accessoirement au sens professionnel, comme vous le dites si bien!
Vous avez exprime tres bien aussi la gratitude que plusieurs d'entres nous ressentent envers ces bonnes femmes, pour la plupart, devouees.
Vous avez raison! Chaque Bibir (Bebert) ou Armo (Armand) pouvait avoir ete soigne par une Ania, M'Barka ou Aicha.

Permettez moi toutefois de vous faire une petite remarque. Quant vous repondez que vous etes un pur casablancais a la question... "seriez-vous de Rabat?"...Quel est le sens de "pur"? Vrai - Natif - d'origine de... ou tout simplement...de Casablanca?






Modifié 1 fois. Dernière modification le 06/03/2007 06:53 par clementine.
Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 10:02
> pur c est une fierté un peu puerile, peut etre, né a casa et ayant vecu 20 ans dans la ville blanche
>
>
>






Modifié 1 fois. Dernière modification le 31/03/2007 06:49 par clementine.
Re: Souvenirs des bonnes qui travaillaient chez nous
06 mars 2007, 10:16
C'est drolement bien ecrit, ruemozart, j'ai deja lu votre texte sur les lycees francais, on s'y croirait.

MINA, ma nounou-femme de menage-bonne a tout-faire a ete debauchee par des francais (N'SSARA).
Elle vit surement en France aujourd'hui.
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
07 mars 2007, 00:50
A rue mozart,

Bravo,

Quel talent et quelle belle plume.

Un beau message, il est tout sauf deplace.

C'est émouvant, un grand merci.



Modifié 2 fois. Dernière modification le 07/03/2007 08:05 par clementine.
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
09 mars 2007, 10:19
Ruemozart, c'est tellement juste ce que vous racontez!
Vous soulevez delicatement le probleme du vol chez certaines de ces "fatma" et oh combien vous avez raison!
Les fatma de remplacement ou de periode de gros labeur, celles qui venaient en aide a notre AICHA, HNIA, ou FATEMA, celles-la savaient faire disparaitre en un tour de main, soutien-gorge, rouge a levres, parfum et autres produits feminins!
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
12 mars 2007, 11:33
merci a tout ceux ou celles qui ont supporté ma prose
un article sur bab marrakech-LE MARCHe- me tente bien
si vous avez des anecdotes , ca m'interesse
ecrire est aussi une maniére de fixer le temps qui passe , car il faut le dire ,nous etions privIlegiés , mais le savions nous vraiment ???

Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
31 mars 2007, 06:50
J'ai en ma possession un livre des Editions RIEDER (Place St-Sulpice Paris VII) datant de 1930 (ecrit en 25-26) édité en 100 exemplaires s'intitulant "heures juives au Maroc" de Pascale SAISSET.
Ce livre est écrit à la mémoire du grand -père de l'auteur YOUSSEF BEN ILLOUZ né dans le Mellah de Meknes.

Fes, Sefrou, Meknes, Marrakech,Amismiz, Casablanca, Rabat, Salé sont les villes décrites et abordées par l'auteur.

C'est plein de détails très intéressants et l'approche de l'auteur occidental l'est encore plus.
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
31 mars 2007, 06:52
la petite servante
(collection privee)
Pièces jointes:
march 2007 004.jpg
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
31 mars 2007, 06:56
la petite servante, suite 1
(collection privee)
Pièces jointes:
march 2007 004.jpg
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
31 mars 2007, 08:54
bonjour ,
y a t il des écrits sur sefrou dans sur ce livre?
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
31 mars 2007, 08:58
Incroyable que certaines personnes pouvaient se comporter de telle façon envers des enfants.. C´est pourtant la triste vérité.

Merci pour ces pages Clementine

"A"
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
11 février 2008, 09:44
Nos 3 femmes de menage en alternance, chacune son job.
Sur cette photo, elles sont au Salon le soir de la Mimouna, elles etaient venues pour porter pain arabe et lait frais apres la fete.
FATEMA,AICHA et YAMNA
Pièces jointes:
january 2008.jpg
Re: souvenirs des bonnes qui travaillais chez nous
21 février 2008, 07:55
michelle shoshani a écrit:
-------------------------------------------------------
> a la memoire de notre bonne gzala qui me portait
> sur sont dos et travailler


ça ne serait ce pas 31. rue jeans jaques rousseau. place de verdun
Re: Souvenirs de bonnes qui travaillaient chez nous
21 février 2008, 09:04
j'habite à cette adresse actuellement et il y a une famille juive au 2émé étage avec qui on était et on est toujours amis
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