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Attentat de Pittsburgh : Nétanyahou recadre le rabbinat israélien

Attentat de Pittsburgh : Nétanyahou recadre le rabbinat israélien

 

Le grand rabbin ashkénaze d'Israël s'est refusé à qualifier le lieu de l'attaque de «synagogue», car l'Etat hébreu ne reconnaît pas les courants libéraux du judaïsme. Dans une rare rebuffade, le Premier ministre s'est démarqué de cette posture.

«Des Juifs ont été tués dans une synagogue. Ils ont été tués parce qu’ils étaient juifs. Le lieu [de l’attentat] a été choisi parce que c’était une synagogue. Nous ne devons jamais oublier ça. Nous ne sommes qu’un.» Hors des frontières d’Israël, cette mise au point de Benyamin Nétanyahou, tweetée lundi après le massacre de Pittsburgh samedi durant le shabbat, est quasi incompréhensible. Il s’agit pourtant, de la part du Premier ministre israélien, d’un recadrage aussi ferme que rare du grand rabbin ashkénaze, David Lau, plus haute autorité religieuse de l’Etat avec son homologue séfarade.

Volte-face

Dans un entretien accordé à la presse ultraorthodoxe dimanche, le religieux avait refusé d’employer le terme «synagogue» pour qualifier l’Arbre de Vie, le lieu de culte où ont été abattus les onze fidèles affiliés au mouvement massorti. Cette branche du judaïsme, qui représente 18% des Juifs américains et où les femmes ont une place égalitaire et peuvent accéder au rabbinat, n’est pas reconnue par le rabbinat israélien, exclusivement orthodoxe, à l’instar des autres courants juifs libéraux, très répandus aux Etats-Unis. Depuis de longues années, ce schisme est – avec la question palestinienne – le creuset des divisions entre la diaspora américaine et Israël, ravivé par la volte-face de Nétanyahou sur l’accès mixte au mur des Lamentations, revendication majeure des Juifs libéraux américains.

Ainsi, pour décrire l’Arbre de Vie, le grand rabbin David Lau s’est adonné à une contorsion sémantique, évoquant «un bâtiment possédant un fort caractère juif». Dans son oraison funèbre auprès de la congrégation de Pittsburgh, le ministre de la Diaspora dépêché sur place, le très controversé et ultraconservateur Naftali Bennett (leader du parti messianique le Foyer juif), a quant à lui bien employé le mot «synagogue». Et d’insister : «La balle du meurtrier ne pose pas la question : es-tu massorti, réformiste ou orthodoxe ? De droite ou de gauche ? Elle n’a qu’un but, tuer des innocents. Des Juifs innocents.» Sans pour autant aller jusqu’à suivre les vœux de Michael Oren, le vice-ministre à la Diplomatie et ex-ambassadeur à Washington, qui a appelé à la reconnaissance de ces obédiences. «Les Juifs libéraux étaient suffisamment juifs pour être assassinés mais leur courant n’est pas suffisamment juif pour être reconnu par l’Etat d’Israël», s’est-il ainsi désolé.

Déchirure

Il est peu probable que ce frémissement de la droite israélienne envers les Juifs libéraux américains ne réconcilie les deux camps, même dans la douleur. Une déchirure argumentée avec virulence sur Twitter par le journaliste David Simon, créateur adulé de la série The Wire, qui s’est publiquement opposé à la venue de Bennett aux Etats-Unis.

Pour Simon, l’alliance sans faille entre Nétanyahou et Trump est aussi une «validation du nationalisme blanc et du fascisme» par le chef de l’Etat hébreu. Ergo : «Le Premier ministre israélien a le sang de la communauté juive américaine sur les mains.» Et ce n’est pas le communiqué de Nétanyahou, qui remercie Trump pour «sa condamnation sans équivoque de ce crime haineux» alors que le Président américain a été vivement critiqué pour son absence d’empathie face à la tragédie, qui étanchera la colère de Simon et de la diaspora libérale.

 

Guillaume Gendron Correspondant à Tel-Aviv - Liberation

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