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Benjamin Chetrit, ma villa, ma bataille

Benjamin Chetrit, ma villa, ma bataille

 

 

‘L’affaire de la villa Chetrit est digne d’un scénario à la Scorcèse, avec force intrigues, protagonistes sulfureux et atmosphère de vendetta à la sicilienne. Récit.’

Benjamin Chetrit a quitté le Maroc en 1956. En 2006, il décide de rentrer. « Ce sont mes racines, j’avais envie d’investir dans mon pays natal ». Il cède alors ses affaires en Europe et vient s’installer dans la métropole économique. L’investisseur contribue notamment au développement du projet de la Marina, avec le groupe Derkrikorian.

La très convoitée Villa Bolloré

En 2008, désireux d’offrir à sa famille un cocon loin de l’agitation du centre-ville, il acquiert la villa Bolloré, propriété de l’industriel français Vincent Bolloré, PDG du groupe éponyme. Chetrit paie 32 MDH en euros au groupe Bolloré, tenu de garder les traces de toute transaction. Il entame aussitôt des travaux de rénovation et d’aménagement. Au moment d’enregistrer sa villa à la conservation foncière, il se retrouve avec une pré-notation spécifiant que le bien appartient à un dénommé Henri Ohayon, résidant à Pontoise, à 25 km au nord-ouest de Paris. L’homme d’affaires part à sa recherche. Il s’avère que le prétendu acquéreur… est décédé en 1999. Certificat de décès en main, B. Chetrit porte plainte pour escroquerie et obtient gain de cause. Les deux avocats accusés sont inculpés. « En 2009, les impôts m’ont redressé sur la base de 75 MDH, la nouvelle valeur estimée de ma villa. J’ai déboursé près de 3 MDH de taxes, sans quoi le bien aurait été saisi. En tout, ma villa a fait l’objet de 5 pré-notations : à deux reprises par les avocats précités, par les impôts, par la société General Contractor et par un particulier du nom de Abdelkrim Tazi ». Même vendue, la villa Bolloré continue à attiser les convoitises. Et pour cause. D’une superficie de 3000m2, la sublime propriété est voisine de la résidence royale, en plein coeur d’Anfa Supérieur.

Plongée en eaux troubles

C’est là qu’entre en scène un sulfureux personnage. En 2008, quelques temps avant l’acquisition de sa villa, l’homme d’affaires avait la connaissance d’une certaine Stéphanie Dayan. Celle-ci, qui se présente comme courtière en immobilier, prétend avoir un réseau très dense de relations dans l’administration, la police, la justice et jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat. Réseau qu’elle suggère de mettre à son service en cas de blocage dans ses affaires ou transactions. « Je lui ai accordé une confiance totale. Comme elle s’était engagée à m’aider à céder au meilleur prix un terrain sur la Corniche, je lui ai promis en 2009 une commission de 3 MDH. En février 2010, alors que le terrain n’était pas encore vendu, elle est venue réclamer son argent. N’ayant pas la somme en question, elle a exigé que je lui signe une reconnaissance de dette, à la date du 19 mars 2010, puis une autre le 27 janvier 2012. Or je devais normalement signer pour une avance sur commission, la nuance sur le plan juridique est énorme. Ce fut une grosse erreur de ma part. Mais j’étais sous pression, elle nous harcelait ma femme et moi au téléphone, allant jusqu’à prétendre que nous étions ensemble pendant 5 ans pour détruire mon couple et ma famille ». B. Chetrit affirme avoir versé 670.000 DH en espèces à S. Dayan en février 2012, puis le reliquat, soit 2.330.000 DH, en octobre 2012. Suite à quoi il aurait déchiré les deux reconnaissances de dettes. Quelques mois plus tard, S. Dayan porte plainte contre B. Chetrit sur la base de copies certifiées conformes…à Moulay Brahim, un quartier populaire à la périphérie de Fès, à la date du 3 février 2012. Elle prétend avoir prêté en tout plus de 5 MDH à l’homme d’affaires. En 10 mois, elle gagne son procès en instance, en appel et en exécution. La justice décide de saisir et mettre aux enchères la villa à 30 millions de dirhams, soit le tiers de sa valeur actuelle sur le marché.

Vices de fond et de forme

Pour l’investisseur, l’incompréhension et la colère succèdent au choc du verdict : « J’ai d’autres biens qui auraient pu être saisis, comme une toile de maître ou le magasin géré par mon épouse, pourquoi vouloir préempter une maison de 100 MDH pour une dette de 3 MDH que j’ai déjà remboursée ? Le tribunal m’a refusé la contre-expertise et toutes les plaintes que j’ai déposées au pénal ont été classées sans suite ! Cette femme et ses complices veulent me spolier par tous les moyens de ma villa et ces dettes éculées ne sont qu’un prétexte grossier pour parvenir à leurs fins ». Par ailleurs, le Code des obligations et des contrats stipule qu’on ne peut se prévaloir d’une créance en espèces au-delà de 10 000 dirhams sans la déclarer aux impôts et que seul l’écrit original est reconnu. « Ce dossier est bourré de vices de fond et de forme. Comment une simple courtière peut-elle prêter 5 MDH à un milliardaire ? Comment peut-on condamner sur la base de simples copies ? Comment peut-on certifier deux copies d’un décalage de 2 ans à la même date, sans original, au sein d’un arrondissement qui ne dispose pas de registre et de surcroit à 300 km du lieu de résidence des deux parties ? Comment peut-on remporter un procès aussi complexe en 10 mois? Comment un escroc ordinaire peut-il mettre sur la paille en quelques mois un riche investisseur ? Il est évident que cette femme a bénéficié de complicités à tous les niveaux dans certaines administrations. C’est la villa d’Anfa et non les fausses dettes qui justifient son acharnement et sa cabale contre Benjamin Chetrit », commente un juriste franco- marocain du cabinet Viviane Sonier (avocate au barreau de l’Ardèche). L’ex-villa Bolloré a été remise en vente aux enchères le 20 janvier pour plus de 34 MDH. Benjamin Chetrit a porté plainte pour faux et usage de faux, harcèlement et escroquerie. Convoquée à deux reprises au tribunal de Aïn Sebaâ, la mise en cause ne s’y est pas présentée. L’homme d’affaires a épuisé tous les recours, il ne lui reste que la cassation pour espérer recouvrer sa villa : « Je suis épuisé. Au lieu de me consacrer à mes affaires, je me retrouve à me battre contre des escrocs. Mais malgré tout, je suis intimement convaincu que justice sera faite », conclut sur note d’espoir Benjamin Chetrit.

Suzanne Dayan, victime collatérale

Stéphanie Dayan, divorcée et mère de deux enfants, est également en procès contre ses frères, qui l’accusent d’avoir spolié la maison de leur défunt père, qu’elle a revendue à 500.000 dirhams. Et dans laquelle elle n’avait pourtant aucun droit légal de succession. Suzanne Dayan, sa tante paternelle, confie que sa nièce l’a escroquée de 150.000 dirhams sur les avoirs de la synagogue Mekkor Haïm où son père Meyer Dayan officiait comme rabbin, et où elle habite depuis qu’elle-même a été expulsée arbitrairement en 1997 de sa maison. « Cette fille est un gangster, un maître-chanteur, une flambeuse de casino. Elle a fait croire que son papa était atteint d’Alzheimer pour le mettre sous tutelle et abuser ensuite de la faiblesse de sa mère malade pour lui subtiliser la procuration et vendre la maison de son père. Je lui ai prêté 50.000 DHS et elle devait me remettre 100.000 dirhams sur la revente de la maison de mon frère. Je n’ai toujours rien reçu à ce jour, à part des menaces de me faire expulser de la synagogue. Elle se croit invulnérable, mais l’argent volé à la synagogue ne lui portera pas bonheur. Moi, je n’ai peur de personne sauf du Bon Dieu. Vous verrez, au tribunal, je la ferai jurer sur le Sefer Torah de mon père Allah irahmou et j’irai jusqu’à Rabat s’il le faut ! ». à l’heure où nous mettons sous presse, Suzanne a été menacée au téléphone par le fils de sa nièce après que celui-ci ait appris qu’elle avait parlé à des journalistes ✱

Par L'observateur 

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