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Communauté juive : Reconnaissance d’une marocanité…enracinée

Communauté juive : Reconnaissance d’une marocanité…enracinée

Rédigé par Mustapha BOURAKKADI - L'opinion

 

Avec l’intégration de la composante juive dans les manuels scolaires, le Maroc confirme une appartenance naturelle de celle-ci à la société.

 

L’identité marocaine est à la fois plurielle et unique dans sa diversité. La meilleure illustration en est la place de la communauté juive au sein de la société. Contrairement à d’autres pays arabes, le vivre-ensemble entre communautés juive et musulmane est une réalité du quotidien. Elle n’est pas uniquement le fait d’une propagande officielle qui veut s’imposer à une réalité qui ne l’accepte pas.

Consécration d’une appartenance naturelle
L’intégration récente d’éléments de la culture juive marocaine dans les manuels scolaires du primaire, le partenariat de coopération de « Bayt Dakira » avec le ministère de l’Education nationale pour la promotion des valeurs de tolérance, de diversité et de coexistence au sein des écoles et des universités, ont d’ailleurs suscité un grand intérêt dans la sphère médiatique. Cependant, ce n’est que la confirmation d’une réalité vécue. Pour Joe Kadoch, marrakchi de naissance et casablancais d’adoption, « c’est la reconnaissance d’une réalité que nous avons vécue depuis toujours, une preuve que nous existons bel et bien en tant que Marocains à part entière ». Forte d’une Histoire plus que millénaire en terre marocaine, la communauté juive est culturellement considérée autochtone. « Je suis amazighe d’origine », affirme Henri Abikzer, Président de la communauté juive de Rabat, pour montrer la profondeur de l’ancrage identitaire des juifs du Maroc. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les lieux de culte et de pèlerinage judaïques sont légion, aussi bien dans les grandes villes que dans les contrées les plus éloignées. Juifs et musulmans partagent même des lieux sacrés, les mêmes traditions sans aucune distinction de foi ou d’appartenance.

Une Histoire millénaire
La présence judaïque au Maroc est d’ailleurs attestée dès le 2ème siècle avant J.-C., notamment à Volubilis à l’époque romaine, et y reste présente jusqu’au 7ème siècle après J.-C., renforcée par l’arrivée de migrants juifs d’Espagne ayant fui les persécutions wisigothes du 7éme siècle. Avec l’arrivée de l’Islam, la population juive passe sous la domination musulmane et avec le statut de dhimmis. La population juive dite Tochavim du Maroc connaît des variations démographiques et politiques jusqu’à l’arrivée de migrants de la péninsule ibérique, forcés de quitter les royaumes d’Espagne et du Portugal durant la Reconquista, les Megorachim. Actuellement, la communauté compte environ 3000 citoyens. Jusqu’à la moitié du 20éme siècle, elle s’est trouvée forte de plusieurs centaines de milliers d’individus.

Reconnaissance officielle 
Malgré l’émigration massive qui s’est opérée essentiellement dans les années 60 du siècle précédent, l’attachement des membres de la communauté à leur marocanité est viscéral. Partout dans leurs pays d’accueil, les Marocains juifs se font un sacerdoce de perpétuer les traditions séculaires et de les transmettre aux nouvelles générations. C’est ce qui explique toute la liesse dans la communauté qui a suivi la consécration de la culture juive comme l’une des composantes de l’identité nationale dans la Constitution de 2011. 

Cette reconnaissance n’est, en fin de compte, que la confirmation d’une réalité incontestée, elle est d’une harmonie, singulière dans le monde arabo-musulman, qui se perpétue depuis la nuit des temps.

Mustapha BOURAKKADI

 

Questions à Henri Abikzer

Henri Abikzer

« Même les troisième et quatrième générations de la diaspora se revendiquent marocaines et cela est unique parmi les communautés juives elles-mêmes »

Henri Abikzer est le président de la communauté juive de Rabat. Il a répondu aux questions de « L’Opinion » concernant la consécration officielle de la communauté dans son identité marocaine.

- Le Maroc est souvent présenté comme une terre de paix favorisant les valeurs de générosité, de tolérance et du vivreensemble. Est-ce une réalité vécue ou un espoir pour l’avenir ?
- Nous sommes Marocains, moimême je suis d’origine Amazighe, nous avons toujours vécu en harmonie dans la société marocaine, les amitiés entre familles musulmanes et juives ont toujours été vécues naturellement. Cependant, les jeunes générations connaissent moins cette réalité car la communauté est moins nombreuse aujourd’hui. Ceci dit, partout dans le monde, un Marocain juif est d’abord Marocain et en sera toujours fier. C’est le seul pays au monde où un juif se sentira toujours en sécurité.  

- L’introduction d’éléments de la culture judéo-marocaine dans les manuels scolaires nationaux est une première. En tant que représentant de la communauté, comment ressentez-vous cette consécration ?
- Je vais vous dire que cela se préparait depuis quelques années. Mais pour nous, dans la communauté, c’est vécu comme une reconnaissance de notre existence et de notre égalité avec le reste des Marocains. C’est la meilleure façon d’apprendre aux nouvelles générations cette tolérance et cette harmonie que nous avons vécues un peu partout au Royaume au-delà de toute considération politique, de toute stigmatisation que l’on retrouve dans beaucoup de pays à travers le monde.

- Bayt Dakira, le musée de Casablanca, la restauration de plusieurs lieux de cultes et cimetières, la création de clubs de tolérance dans les écoles sont autant d’actions à même de dépasser les clichés réducteurs. Quelle est votre vision concernant ces initiatives ?
- Nous remercions Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour toutes ces initiatives qui prouvent de manière concrète que la culture marocaine est particulière dans ce sens. Au Nord comme au Sud, nos cimetières, nos synagogues, nos lieux de pèlerinage sont en parfait état et souvent entretenus par des musulmans.

- La Constitution de 2011 a consacré la culture judéo-marocaine comme élément constitutif de l’identité marocaine. Et c’est une réalité incontestable. Comment a été perçue cette reconnaissance au sein de la communauté ?
- Cela a été vécu comme un grand « ouf ! » de soulagement. Nous avons ressenti que nous existons enfin comme citoyens à part entière de ce pays qui est le nôtre. Je vous rappelle que notre Histoire au Maroc remonte à plus de 2000 ans. Cette reconnaissance officielle dans la Constitution prouve que le Maroc est unique, et que sa culture du vivre-ensemble est naturelle. D’ailleurs, les Marocains juifs du monde entier conservent leur appartenance et leur nationalité, même les troisième et quatrième générations de la diaspora se revendiquent Marocains et cela est unique parmi les différentes communautés juives elles-mêmes.

Recueillis par M. B

 

Repères

Consigner la mémoire

Bayt Dakira Essaouira, que l’on peut traduire par Maison de la Mémoire, est un nouveau musée d’Essaouira et un centre de recherche officiellement inauguré par le Roi en janvier 2020, autour de la préservation de la mémoire des juifs d’Essaouira. Bayt Dakira témoigne du passé judéo-musulman d’Essaouira, de la destinée exceptionnelle des Juifs de Mogador, de leurs relations avec les populations musulmanes, qui ont toujours été riches et bienveillantes.

Musée du Judaïsme Marocain

Créé et géré par la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain. le Musée du Judaïsme Marocain a été ouvert en 1997. Il est considéré comme le premier musée de la ville de Casablanca, et l’un des rares musées juifs dans la région arabe. Le Home d’Enfants Murdock Bengio est l’ancienne appellation du bâtiment qui héberge aujourd’hui le musée. Un orphelinat destiné à la protection de l’enfance juive, construit en 1948 par Mme Célia Bengio à la mémoire de son défunt époux Murdock Bengio.

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