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Comprendre la question palestinienne

Comprendre la question palestinienne

par Daniel Pipes

En quoi consiste cette question palestinienne qui tourmente la politique internationale ?

Le problème se résume à la question de savoir qui habitera et gouvernera la Palestine, un différend épineux qui résulte en grande partie des tentatives de conciliation entre un système d'États modernes et un territoire sans frontières précises caractérisé par une longue histoire, une surabondance d'ethnies et une importance religieuse sans pareille.

Territoire

La Palestine définit traditionnellement une terre qui s'étend de la Méditerranée orientale à l'ouest, jusqu'au désert d'Arabie à l'est ; du fleuve Litani au nord jusqu'à Gaza au sud. Le nom dérive de « Philistia », un terme qui n'était à l'origine appliqué qu'à une petite zone de la côte méditerranéenne contrôlée par les Philistins. Le terme a été appliqué pour la première fois à d'autres régions en 135, lorsque les Romains qui la dirigeaient et voulaient supprimer, après une révolte des habitants juifs, toute velléité de création d'État juif, ont commencé à appeler les régions intérieures Syrie Palestine, y compris les royaumes juifs bibliques de Judée et d'Israël.

La zone actuellement appelée Palestine est un peu plus réduite. En 1921-1922, le territoire sur la rive est du Jourdain a été créé sous le nom de Transjordanie (« au-delà du Jourdain »), connue désormais sous le nom de Jordanie. À l'heure actuelle [en 1981], la Palestine correspond généralement au territoire sous contrôle israélien, autre que la péninsule du Sinaï.

La Palestine a toujours été une terre propice aux conquêtes et aux disputes et ce pour plusieurs raisons : 1) Elle relie à la fois les grandes routes fluviales entre la Méditerranée et la mer Rouge, et les routes terrestres reliant l'Égypte à l'Asie du Sud-Ouest. 2) Elle a généralement des voisins puissants qui lorgnent sur ses terres et font irruption dans ses plaines et sur ses collines. 3) Les trois grands monothéismes disposent tous de sanctuaires et de reliques insignes situés en Palestine et qui alimentent le désir de les contrôler et de les protéger.

Histoire

La domination musulmane de la Palestine a commencé en 637 après J.-C. et, hormis deux siècles de domination partielle des croisés entre 1099 et 1291, a duré jusqu'en 1917. Les Européens se sont intéressés à la région à partir de 1799, quand Napoléon a tenté, en vain, de de la gouverner. Au cours du XIXe siècle, alors que la domination ottomane s'affaiblissait, la Palestine a vu arriver un afflux de colons étrangers, en particulier français, russes et allemands. La première immigration sioniste a débuté en 1881, un embryon qui a finalement conduit à la fondation de l'État juif. En 1922, la population de la Palestine s'élevait à environ 750.000 habitants dont 590.000 musulmans, 70.000 chrétiens et 84.000 juifs.

Dans la réorganisation chaotique de la région après la Première Guerre mondiale, la Palestine s'est internationalisée. La Grande-Bretagne dirigeait la Palestine sous mandat de la Société des Nations, elle a soutenu la fondation d'un État juif à travers la déclaration Balfour de 1917, entraînant des protestations et des émeutes du côté arabe. Diverses solutions à l'inimitié entre Arabes et Juifs ont conduit en 1947 à une partition de la Palestine en trois sections : un État juif, un État arabe et une zone internationale. Les Arabes ont refusé cette division et la Palestine elle-même a immédiatement été le théâtre d'attaques arabes contre les Juifs.

Lorsque les forces britanniques se sont retirées de Palestine le 15 mai 1948, l'indépendance de l'État d'Israël a été proclamée et internationalement reconnue. Les attaques arabes ont immédiatement suivi mais ont échoué. La riposte israélienne a considérablement élargi les frontières initiales pour inclure la Galilée, le désert du Néguev au sud et d'autres régions. Seul l'État juif a vu le jour. Le reste de la Palestine mandataire est tombé sous le contrôle de la Jordanie et de l'Égypte, à l'exception d'une toute petite partie qui est revenue à la Syrie.

Pendant la guerre des Six jours, les victoires écrasantes d'Israël ont conduit à la conquête de toute la Palestine mandataire ainsi que de la péninsule du Sinaï et du plateau du Golan. Lors d'une autre guerre en 1973, l'Égypte et la Syrie ont récupéré de petites parties des territoires perdus en 1967. En 1979, les négociations de Camp David ont conduit à un traité de paix israélo- égyptien et en avril 1982, l'ensemble du Sinaï est repassé sous contrôle égyptien.

Population

Pendant longtemps, la Palestine a été habitée par une population hétérogène. Ses premiers conquérants les plus notables ont été les tribus d'Israël. Ils y ont établi le judaïsme qui à son tour a fini par donner naissance au christianisme et à l'islam. À son apogée, sous le règne de David et de Salomon, le royaume englobait toute la Palestine traditionnelle. Le déclin et les dissensions ont produit la scission des terres en deux royaumes voisins, la Judée et Israël. À partir de 586 av. J.-C. date de la victoire des Babyloniens sur la Judée, les Juifs ont été dispersés par les conquêtes successives avant l'arrivée d'autres puissances, dont les Grecs et les Romains.

Ceux qu'on appelle Palestiniens sont des arabophones musulmans et chrétiens qui ont quitté la Palestine mandataire après la création d'Israël et qui y trouvent leurs racines propres ou celles de leurs familles. Par le passé, les Palestiniens ne se considéraient pas comme une nation mais accordaient leur loyauté principalement à la famille, à la localité ou à l'oumma (la nation musulmane).

Toutefois l'idée de peuple à part entière apparue juste après la Première Guerre mondiale est maintenant profondément ancrée. Les Palestiniens non seulement se considèrent comme inassimilables, mais en plus, ils insistent pour retourner sur le territoire qui constitue désormais Israël. Cette persistance inhabituelle se poursuit des décennies plus tard principalement pour deux raisons : 1) À l'exception de la Jordanie, les États arabes traitent les Palestiniens comme des résidents temporaires dépourvus de droits. 2) Ces gouvernements arabes maintiennent délibérément des réfugiés dans leurs propres camps, contribuant ainsi à maintenir un antisionisme fervent.

Malgré ce nationalisme emphatique, il n'existe pas de peuple palestinien unifié. Sur le plan ethnique, comme l'a montré Robert Alexander Stewart Macalister dans la 11ème édition de l'Encyclopædia Britannica (1910-1911), vol. 20, sous l'entrée Palestine, la région abritait 21 ethnies : fellah indigènes (fermiers), Juifs, Assyriens, Persans, Romains, Arabes, Croisés, Nawar, Turcs, Arméniens, Grecs, Italiens, Turkmènes, Motawila, Kurdes, Allemands, Bosniaques, Circassiens, Soudanais, Algériens et Samaritains.

Actuellement, les Palestiniens se divisent en plusieurs groupes qui habitent :

  • en Israël, où ils sont restés après la création de l'État juif.
  • en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, zones conquises par la Jordanie en 1948-1949 et par Israël en 1967.
  • à Gaza, occupée par l'Égypte en 1948 et conquise par Israël en 1967.
  • en Jordanie, où beaucoup ont obtenu la citoyenneté.
  • dans d'autres pays arabes, notamment au Liban et au Koweït.
  • dans le reste du monde.

Politique

En 1964, les États arabes ont créé l'Organisation de libération de la Palestine. Après leur cuisante défaite, l'OLP a hérité de la lourde charge d'éliminer l'État juif. Divers gouvernements arabes ont parrainé des factions de l'OLP, parmi lesquelles des groupes plus radicaux, pensant partager les organes centraux de l'OLP et de son bras militaire, l'Armée de libération de la Palestine, et souscrire à la Charte nationale palestinienne.

L'OLP est donc apparue comme l'organe représentatif des Palestiniens le plus fort et le plus visible et ce, malgré le fait que de nombreux Palestiniens, en particulier ceux qui sont restés dans le pays, désavouent toute identification à elle. Ces derniers temps, cependant, beaucoup de ceux qui vivent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en sont venus à penser que les conditions sur place sont devenues si pénibles qu'ils doivent adopter des attitudes militantes. Considéré au départ avec réprobation, le terrorisme est aujourd'hui une évidence.

L'OLP a constamment rejeté l'existence d'Israël. Son aspiration, telle qu'exprimée dans sa charte, est de former une république arabe laïque et démocratique de Palestine dans laquelle les Juifs palestiniens, c'est-à-dire les familles présentes avant 1881, pourront rester. Si cette république venait à exister, elle tenterait probablement d'inclure la rive orientale du Jourdain, ce qui, en cas de succès, liquiderait la Jordanie en tant que pays indépendant.

L'OLP a reçu une respectabilité et une reconnaissance considérables en dehors du Moyen-Orient. Le soutien des États arabes riches en pétrole en a fait le mouvement révolutionnaire le plus riche de l'histoire. Il n'y a aucun doute sur sa puissance et son influence, mais il est difficile de la voir réussir face à un État d'Israël beaucoup plus puissant.

Solution

Si les efforts déployés en vue de régler la question palestinienne échouent, c'est en raison de la position de l'OLP soutenue par tous les États arabes à l'exception de l'Égypte (officiellement) et de la Jordanie (officieusement), et selon laquelle Israël n'a pas le droit d'exister. Les accords de Camp David de 1978 demandaient à l'Égypte de reconnaître Israël et à Israël d'accorder l'autonomie à la Cisjordanie. En raison du refus de l'OLP de reconnaître Israël, cela ne s'est pas réalisé. Les hostilités demeurent, sans solution en vue.

L'autre grand problème est de procurer un foyer acceptable à la diaspora palestinienne. La solution peut être trouvée dans soit leur assimilation par les pays arabes, soit la fondation d'une entité palestinienne désireuse de vivre en paix avec Israël, soit l'élimination d'Israël. Tant que ces différentes alternatives resteront lointaines, la question palestinienne continuera de tourmenter les Palestiniens, les Juifs, les Arabes et le monde.

Daniel Pipes est membre du Council on Foreign Relations et auteur de Slave Soldiers and Islam (New Haven, Yale University Press, 1981).

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