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Elections américaines : pas de vagues

Elections américaines : pas de vagues (010811/18) [Analyse]

Par Amram Castellion © Metula News Agency

 

Au cours des mois qui ont précédé les élections de mi-mandat de mardi dernier, deux récits contradictoires se sont fait face sur les réseaux sociaux.

 

Les Démocrates annonçaient une "vague bleue" – une défaite généralisée des Républicains, en réaction aux excès de langage et à la vulgarité (indiscutables) du Président Trump et aux menaces (beaucoup moins identifiables) qu'il ferait peser sur les libertés publiques.

 

Les Républicains, pour ne pas être en reste, parlaient d'une "vague rouge" qui viendrait récompenser la situation économique exceptionnellement favorable des Etats-Unis sous Trump – avec des taux de croissance et d'emploi qui n'avaient pas été vus depuis plus de quarante ans – et sanctionner la faiblesse des Démocrates face à l'immigration illégale ainsi que la dérive de beaucoup d'entre eux vers l'agitation gratuite et l'idéologie racialiste.

 

Le résultat final n'a répondu aux attentes ni des uns, ni des autres. Les deux camps se sont fortement mobilisés, avec un taux de participation de près de 48%, le plus élevé depuis 1970 pour des élections de mi-mandat. Mais cette mobilisation symétrique a conduit chaque camp à annuler la vague promise par l'autre. Au total, cette élection est un match nul politique sur le court terme. A moyen terme, elle laisse l'avantage au Président Trump.

 

Les Démocrates ont repris la Chambre des Représentants, chambre basse du Congrès, le Parlement américain. C'est une règle quasi-universelle de la politique américaine que le président en exercice voit son parti perdre la chambre à mi-mandat : au cours des 50 dernières années, seul Jimmy Carter en 1978 et George W. Bush en 2002 (après le 11 septembre) y ont fait exception. D'après les comptes disponibles le 8 novembre et qui peuvent encore changer à la marge, les Démocrates auront 228 ou 229 élus à la Chambre contre 206 ou 207 pour les Républicains, gagnant 31 ou 32 sièges par rapport aux deux années précédentes. Par comparaison, le parti du Président Obama avait perdu 63 sièges en 2010, deux ans après son élection. De plus, si le nombre total de gouverneurs Républicains diminue, le parti du Président regagne cette fonction dans les deux Etats les plus cruciaux pour les présidentielles de 2020 : l'Ohio et la Floride.

 

Et dans le même temps, les Républicains ont augmenté leur majorité au Sénat, qui est vraisemblablement passée de 51 à 54 sénateurs sur 100. Ce mouvement est très exceptionnel : à part George W Bush gagnant un siège en 2002 (de 49 à 50, ce qui lui avait donné une majorité grâce à la voix déterminante du vice-président), il faut remonter à John Kennedy en 1962 pour trouver un président qui ait augmenté la majorité de son parti au Sénat à mi-mandat.

 

Les Républicains ont par ailleurs vu réduire le nombre d'Etats où ils exercent la fonction de gouverneurs, de 33 à probablement 27 sur 50 Etats.

 

Dans les deux ans qui viennent, le Congrès sera divisé entre une Chambre Démocrate et un Sénat Républicain. Cela rendra le travail législatif pénible et probablement peu productif, les deux chambres devant le plus souvent tomber d'accord pour faire passer une loi. Mais quand on observe le détail des fonctions des deux chambres, on voit comment ce résultat divisé donne un avantage tactique au Président Trump pour la préparation des élections présidentielles de 2020.

 

La Chambre des Représentants, parmi les fonctions qui lui sont plus précisément assignées, a un pouvoir supérieur à celui du Sénat en matière budgétaire. Elle a aussi le pouvoir de lancer la procédure d'impeachment qui permet de destituer les dépositaires de l'autorité publique.

 

Il est à peu près certain que la Chambre Démocrate utilisera ses pouvoirs budgétaires pour empêcher la réalisation de ceux des programmes de Trump qui exigent des dépenses importantes, en particulier la construction d'un mur anti-immigration à la frontière mexicaine. Il est également très probable qu'elle trouvera un prétexte – n'importe quel prétexte – pour voter l'impeachment de Trump et de certaines des personnes qu'il a nommées. Le dernier juge nommé à la Cour Suprême, Brett Kavanaugh, pourrait être le premier en ligne de mire.

 

Mais ces procédures, sur le plan politique, ont toutes les chances de profiter au Président Trump.

 

L'impeachment est initié par la Chambre à la majorité simple, mais la personne visée ne peut être ensuite être relevée de ses fonctions que par une majorité des deux tiers au Sénat. Lorsque la Chambre Démocrate lancera l'impeachment du Président Trump et d'autres officiels, elle sera donc, en toute connaissance de cause, en train de lancer un processus sans aucune chance de succès. Son seul espoir sera que les prétextes qu'elle trouvera pour son action ("collusion russe" ? assauts sexuels rapportés dans les années 1970 ?) soient pris au sérieux par l'opinion publique.

 

Or, les deux dernières années ont montré, de manière répétée, que le goût atavique des Démocrates pour lyncher leurs adversaires sur la base d'accusations mensongères inventées de toutes pièces fait de moins en moins illusion auprès des Américains. La confirmation du juge Kavanaugh et la perte de crédibilité de l'enquête du juge Robert Mueller, qui n'a toujours pas trouvé trace de collusion russe après 18 mois, en sont les principaux exemples.

 

A l'inverse, le spectacle d'une majorité parlementaire qui néglige le travail législatif et préfère se consacrer à la chasse aux sorcières risque de se retourner rapidement contre les Démocrates et de les affaiblir avant les élections de 2020.

 

Le Sénat, pour sa part, a dans ses attributions spécifiques la confirmation des hauts fonctionnaires et des juges nommés par le Président.

 

Le renforcement de la majorité Républicaine au Sénat facilitera les efforts de Donald Trump pour changer le visage de l'administration et de la justice américaine pour plusieurs décennies. Les fonctionnaires seront remplaçables par le prochain président ; mais les juges sont nommés pour de très longues périodes, souvent à vie. Nous pouvons nous attendre à ce que l'héritage le plus durable du Président Trump soit une justice américaine revenue à droite jusqu'à la moitié du siècle.

 

Enfin, la paralysie législative probable du fait de la division politique entre les deux chambres donnera un vaste champ d'action au Président pour prendre lui-même, par décret (executive order), les mesures que le Congrès sera trop paralysé pour prendre. En termes de production de normes au niveau fédéral, la configuration politique issue des élections de mardi donne donc, là encore, l'avantage aux Républicains.

 

Les deux prochaines années promettent un affrontement entre un Trump qui continuera, pour l'essentiel, à mettre en œuvre son programme (sauf sur ce qui exige des budgets importants, comme le mur) et un parti Démocrate, qui ne pourra pas utiliser son contrôle de la Chambre des représentants pour lancer des réformes. Les Démocrates consacreront donc leur temps à lancer des procédures d'impeachment vouées à l'échec et à répéter tous les jours, de manière hystérique, leur haine primale du Président et de ses soutiens. Il ne serait pas étonnant qu'après deux ans d'un tel spectacle, les Démocrates n'en sortent pas grandis aux yeux des Américains.

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