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La kippa et le ballon rond

La kippa et le ballon rond

 

 

Du club communautaire aux grands clubs nationaux, l’hebdomadaire de la communauté juive de Berlin a réalisé un reportage sur les milieux footballistiques juifs de Kiev.

 

Nina Eglinski 

 

En mars, le président du Conseil central des Juifs en Allemagne, Dieter Graumann, avait déclaré sur le site du Spiegel qu’“une visite de l’équipe d’Allemagne au camp d’extermination d’Auschwitz [en Pologne] ou de Babi Yar [en Ukraine] serait un signe important de la part de la Fédération allemande de football [en mémoire de la Shoah]”. Le 1er juin, comme en témoigne une photo parue dans Stern, une délégation s’est en effet rendue à Auschwitz-Birkenau. “Les joueurs n’ont accordé aucune interview, souligne le magazine de Hambourg, ne souhaitant pas transformer ce geste en action de relations publiques. Mais les visages parlent d’eux-mêmes.” Les équipes néerlandaise, britannique et italienne ont suivi l’exemple allemand.

A quelques pas d’Arena City, quartier animé de Kiev et principal bastion des supporters de football pour cet Euro 2012 en Ukraine, se trouve le petit musée Cholem Aleikhem. “Nous sommes très heureux d’accueillir cette compétition et nous espérons que des visiteurs s’arrêteront aussi chez nous”, déclare Irina Klimova, responsable du musée. C’est ici, au 5 Krasnoarmeïskaïa, qu’a vécu Cholem Aleikhem – le “Mark Twain juif” – lors de son séjour à Kiev, à la fin du XIXe siècle.

C’est également ici que l’on peut régulièrement croiser Anatoli Chengaït, président de la communauté juive de Kiev. Il passe régulièrement par le musée quand il a à faire à la synagogue, située quelques rues plus loin. Egalement amateur de football, Chengaït est aujourd’hui préoccupé par autre chose : les préparatifs du pèlerinage sur la tombe du rabbin Nahman à Ouman, dans la région de Tcherkassy. Comme tous les ans, des dizaines de milliers de Juifs du monde entier se rassemblent en septembre pour les célébrations de Roch Hachana sur la tombe du grand rabbin. En attendant, néanmoins, et Anatoli Chengaït le sait bien, place au football.

Chengaït porte sa kippa sous une casquette de base-ball. Quand il parle de foot, les scènes qui se sont déroulées il y a quelques années lui reviennent en mémoire : la synagogue de la rue Roustavelli Chota, non loin du stade olympique de Kiev, avait alors été attaquée*. “Aujourd’hui encore, on ne sait pas très bien si [les agresseurs] étaient vraiment des supporters de foot”, explique Chengaït. Interrogé sur les dispositifs de sécurité mis en place pour l’événement d’aujourd’hui, il hausse les épaules et répond : “On ne peut malheureusement rien exclure.”

Comme en Allemagne, les institutions juives de Kiev et d’autres villes ukrainiennes font l’objet d’une surveillance permanente de la part des forces de police ou de services privés. Les chiffres officiels ont beau indiquer une baisse des agressions à caractère antisémite, il existe encore un fort sentiment antijuif en Ukraine. De nombreuses personnalités du monde des affaires, de la politique ou du show-business préfèrent dissimuler leurs origines juives. Certains vont jusqu’à arborer une croix en pendentif lors de leurs apparitions publiques.

“Plusieurs grands clubs de foot appartiennent à des Juifs”, souligne l’Anglais Peter Dickinson, producteur de la chaîne Jewish News One (JN1), fondée l’année dernière par Igor Kolomoïski et Vadim Rabinovitch, deux hommes d’affaires qui ont également investi dans le football. Kolomoïski est propriétaire du club de première division Dnipro Dnipropetrovsk, et Rabinovitch contrôle l’Arsenal Kiev. Cette année, leurs équipes figurent en quatrième et cinquième place du classement de la première ligue ukrainienne. La réussite de ces clubs aux mains d’oligarques juifs n’est pas toujours bien vue en Ukraine. Bon nombre de supporters appartiennent à la droite radicale et ne soutiennent que les clubs sans lien avec des Juifs.

Comme dans bien d’autres pays, les jeunes Juifs ukrainiens ont la possibilité de jouer au foot dans le cadre de leur communauté. Certains joueurs du Maccabi de Kiev rêvent d’ailleurs de devenir professionnels. Bon nombre de jeunes talents font leurs débuts au Maccabi avant de rejoindre les équipes juniors d’Arsenal ou du Dynamo de Kiev, le club culte de la capitale. Le propriétaire du Dynamo, Igor Sourkis, et son frère Grigori, président de la Fédération ukrainienne de football, ne sont d’ailleurs pas étrangers à la désignation de l’Ukraine comme organisatrice de cette édition du championnat d’Europe. Pendant le tournoi, le Maccabi de Kiev organisera son traditionnel camp d’été. Des écrans seront installés pour les jeunes afin qu’ils puissent regarder ensemble les retransmissions des principaux matchs se déroulant en Pologne et en Ukraine.

Et au sein de la communauté elle-même ? “Non, il n’y aura pas de grand écran chez nous”, explique Chengaït en secouant la tête. “Mais tous ceux qui voudront se rendre dans l’une des trois synagogues de Kiev pendant la compétition sont les bienvenus, qu’ils viennent pour prier ou pour visiter.”

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