Share |

La police et gendarmerie françaises pendant l’Occupation

La police et gendarmerie françaises pendant l’Occupation

 

À la suite de l’armistice du 22 juin 1940, et plus encore après l’entrevue entre Pétain et Hitler à Montoire le 24 octobre 1940, le régime de Vichy met en place une collaboration d’État avec l’occupant nazi. Dans le but incertain d’obtenir des compensations de la part des vainqueurs, l’ensemble de l’appareil administratif français se met au service des Allemands, anticipant leurs souhaits et surenchérissant même parfois sur leurs demandes.

La police, qui dépend du ministère de l’Intérieur, et la gendarmerie, organe militaire, ne dérogent pas à la règle. Des milliers de fonctionnaires et militaires alors en poste sont tenus d’exécuter les ordres. Lutte contre la Résistance, répression, maintien de l’ordre, rafles de juifs ou travail de police plus habituel s’inscrivent dans cette perspective. Certaines opérations peuvent, à l’occasion, mêler des Français et des Allemands, comme celle que représente cette photographie.

Au-delà de son aspect documentaire, cette image peut être appréhendée à travers l’œuvre de propagande mise en place par Vichy comme par les nazis pour influencer la population et la convaincre des bienfaits de cette politique de coopération.

Analyse des images

La collaboration paisible

Le photojournaliste Arthur Grimm se rend célèbre en couvrant de nombreux événements politiques et des campagnes militaires auprès des nazis, jusqu’à devenir l’un des photographes les plus en vue du IIIe Reich. Avec cette photographie, il choisit manifestement d’offrir l’image d’une collaboration apaisée et bénéfique entre la France et l’Allemagne.

À la porte d’une maison individuelle assez haute (deux rangées de volets), se tiennent un gendarme français (de dos) et un soldat allemand (de face). Ils sont aisément identifiables à leurs uniformes : calotte et insigne de la Wehrmacht pour l’Allemand, képi, ceinture et broderies sur la manche pour le Français.

Les deux hommes patrouillent, agissant manifestement en commun, dans le calme et avec un certain naturel.

Le soldat allemand consulte un document rangé dans une pochette et tient un petit stylo à la main droite. Il présente une mine à la fois concentrée et sereine, presque satisfaite. Le gendarme français, quant à lui, le regarde, les bras ballants, et on croit deviner un léger sourire sur son visage, à peine visible de profil.

Alors que tous deux semblent sur le point de frapper à l’adresse repérée, nulle agressivité, hostilité, menace ou urgence ne transparaît. La scène tout entière est baignée d’une forme de tranquillité, impression renforcée par la douce luminosité qu’utilise parfaitement Arthur Grimm.

Interprétation

La collaboration : opération spectaculaire ou travail quotidien

Une atmosphère rassurante et presque bonhomme se dégage de cette photographie. Ici, la collaboration se décline au quotidien et à visage humain, sans heurt ni violence. Arthur Grimm soigne sa mise en scène pour figurer deux militaires sérieux et appliqués, mais aussi complices et bienveillants. Efficace et protectrice, la collaboration repose sur l’entente (le travail « main dans la main ») et une forme de proximité entre les deux personnages.

Le cadre de la scène (une maison on ne peut plus banale, avec son numéro 20) évoque tout d’abord un maillage et un contrôle de l’ensemble du territoire : en France, n’importe quelle maison est protégée, toutes les adresses sont recensées dans des documents comme celui que consulte le soldat allemand. L’ordre nouveau s’appliquerait ainsi à chaque fibre du tissu urbain ou rural, tissu dans lequel il aurait su s’insérer parfaitement.

L’image suggère également que cette patrouille est somme toute banale. Le maintien de l’ordre se fait partout, tranquille et bien rodé, à la faveur d’une collaboration qui serait désormais ancrée dans le pays comme dans les mœurs, naturelle et normale. Les deux hommes ne semblent pas effectuer ici leur première action conjointe, ni en éprouver quelque gêne ou difficulté. Le message ainsi délivré est que dans le pays où elle assure l’ordre, la Wehrmacht ne s’imposerait pas brutalement mais saurait, au contraire, se fondre dans le décor, trouvant facilement à travailler avec les autorités autochtones. Il ne s’agirait pas d’occupation ou de répression, mais d’un sympathique maintien de l’ordre effectué en commun.

On peut néanmoins noter que le militaire allemand semble diriger l’opération, réduisant le gendarme, d’ailleurs montré de dos, au rôle de supplétif, attendant, les bras le long du corps. Une manière peut-être involontaire de la part d’Arthur Grimm de signaler, s’il en était besoin, que cette entente cordiale se fait bien sûr sous l’autorité (bienveillante) des nazis.

Bibliographie

AZÉMA Jean-Pierre, Nouvelle histoire de la France contemporaine. XIV : De Munich à la Libération (1938-1944), Paris, Le Seuil, coll. « Points : Histoire » (no 114), 1979.

AZÉMA Jean-Pierre, WIEVIORKA Olivier, Vichy (1940-1944), Paris, Perrin, 1997.

BERLIÈRE Jean-Marc, « Les polices de l’État français : genèse et construction d’un appareil répressif », dans GARNIER Bernard, LELEU Jean-Luc, QUELLIEN Jean (dir.), La répression en France (1940-1945), actes de colloque (Caen, 2005), Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, coll. « Seconde Guerre mondiale » (no 7), 2007, p. 107-127.

COINTET Michèle, Nouvelle histoire de Vichy, Paris, Fayard, 2011.

ORY Pascal, Les collaborateurs (1940-1945), Paris, Le Seuil, 1976.

PAXTON Robert O., La France de Vichy (1940-1944), Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique » (no 2), 1973.

Commentaires

Publier un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage (spam).
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.

Contenu Correspondant