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LE DIABLE EN BOITE, par Ami Bouganim

LE DIABLE EN BOITE, par Ami Bouganim

Dans le temps, avant la caisse à merveilles (c’est ainsi qu’on nommait la télé qui n’était alors qu’en noir et blanc), avant ses premières cocasseries théâtrales temtiliennes, on n’avait que des diables en boîte ou diables à ressort. Sitôt qu’on ouvrait le couvercle, un ressort se déclenchait et surgissait un horrible diable, brandissant sa fourche et suintant de bave, ou au contraire un délicieux clown grimé de rouge, de jeune et de blanc. Nul n’aurait alors songé placer la tête d’un rabbin ou d’un prophète pour ne pas parler d’un intellectuel. Chez nous, en Berbérie, les intellectuels gardaient précieusement leur lit à ruminer leurs cauchemars pour ne pas en noircir le quotidien de leurs voisins de palier qui, eux, trimaient pour subvenir à leurs besoins. Ils savaient qu’on ne se risque pas dans la rue, surtout par périodes jaunes, sans courir le risque de recevoir des pierres ou des crachats de personnes qui n’admettaient pas que des chiens viennent les déranger dans leur boutique, des rats leur démanger l’esprit, des déments leur prédire la fin du monde avant la venue du Messie.

Aujourd’hui on n’allume plus la télé sans recevoir des gerbes de diables à ressort. La tête d’un Moix, le regard gangstérisé par les médias, cherchant une victime sur laquelle passer les coups et blessures reçus de ses parents ou la tête, toujours résurgente, d’un BHL, le regard de biais ou de travers, égrenant des citations en guise d’incantations. Ces derniers temps, on n’avait pas tôt fini de remettre ces têtes dans leur boite – on ne sait jamais pour combien de temps, parce que ces hurluberlus sont tellement épris de leur personnage qu’ils ne résistent pas longtemps dans les coulisses du monde – qu’elle s’est ouverte pour nous livrer la tête de Greta. Celle-là s’est attirée, la malheureuse, tous les quolibets, invectives, soupçons, accusations, railleries (avouez que c’était un peu trop pour une ado de seize ans !) de la part de ceux qui actionnent ces boîtes des merveilles devenues boîtes de malheurs, alors qu’elle se contentait de prêcher l’école buissonnière (la plus belle !) pour préserver la terre de ses nausées climatiques. On ne l’a pas remise à son tour dans sa boîte qu’on a eu la tête d’un Zemmour que – parce que vivant ailleurs, loin de ce cirque – je ne connaissais pas. Ni du côté des Juifs dont il serait un avorton ni du côté des Berbères dont il serait un avatar ou le contraire (lui-même ne saurait pas).

Or le Zemmour en question se pose en protecteur de l’homme blanc poursuivi, le pauvre, par la coalition de ses anciens esclaves, de ses anciens colonisés, de ses anciens déportés… de ses anciennes domestiques qui devraient, à l’en croire, célébrer son visage pâle et sa civilisation phallocrate, esclavagiste, colonisatrice, génocidaire… et bientôt totalement anémiée (pour preuve les déblatérations accablantes de ce khina ou mec en nouveau-français). Sans considération pour son teint encore plus basané que le mien, de métèque judéo-arabo-berbère, il décoche, dans une veine pour le moins daeschienne (on devrait quand même le lui faire remarquer) ses insanités drumontistes pour la défense d’un catholicisme qui serait le dernier à se reconnaître en cet homoncule judéo-arabo-médiatreux, créé-cultivé-nourri par les médias sur lesquels il crache, passablement lécheur, qui se déclare Jean d’Arc sans même qu’on l’ait sonné pour se présenter aux fonts baptismaux.

Plutôt que de percevoir dans l’appel du muezzin une menace sur sa France catholique-pétainiste que n’y décèle-t-il pas la promesse d’une nouvelle renaissance en germe dans ce métissage qui, je n’en doute pas, relèvera le teint de sa civilisation dite judéo-chrétienne (car c’est de cela qu’il s’agit), ses arts, ses sciences et sa camelote intellectuelle. Ce n’est pas avec Pierre Drieu la Rochelle (Allah yhrab ktabou) que le gueux – je ne vois pas d’autre terme – va ravaler la France, repeupler ses villages et assurer son régime des retraites. Pour ne pas parler de son anémie théologico-philosophique.

L’absence dans ses vitupérations de toute solution indique bel et bien que l’intellectuel parisien de sa gent n’aurait d’autre choix que de se résoudre à sa condition de têtard au sein d’une humanité mondialisée qui, quelles que soient les réactions et régressions zemmouriennes, embrassera toutes les races, y compris celles des îles, toutes les religions, y compris celle des Sikhs, toutes les civilisations, y compris celle qui s’est donnée les monuments de la pire horreur.

Vu d’ailleurs, de loin, je l’avoue, c’est plutôt accablant pour la patrie de Montesquieu…

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