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Le rôle identitaire du chant des juifs dans la société marocaine mis en exergue lors d’une conférence à Rabat

Le rôle identitaire du chant des juifs dans la société marocaine mis en exergue lors d’une conférence à Rabat

 

Rabat – Les participants à une conférence initiée, jeudi à Rabat, dans le cadre du colloque international dédié à Haïm Zafrani, membre correspondant de l’Académie du Royaume du Maroc, ont mis en exergue le rôle identitaire du chant des juifs et des juives dans la société marocaine.

A cette occasion, les panélistes ont été unanimes à relever que les traditions juives et musulmanes maghrébines sont porteuses d’un grand nombre de similitudes qui se mêlent pas seulement dans les traditions orales mais également dans les textes fondamentaux d’importance religieuse, avec des éléments de parallélisme structurel.

Intervenant à cette occasion, la chercheuse associée du département de musique et de Peterhouse à l’Université de Cambridge, Vanessa Paloma Elbaz a indiqué que dans la littérature féminine maghrébine, il y a des similitudes entre les thématiques des femmes judéo-espagnoles, judéo-arabes et judéo-amazighes.

Dans ce sillage, Mme Elbaz a cité les recherches de Hasna Lebaddy sur la tradition orale féminine maroco-andalouse (2009) et celles de Mourad Yelles sur la poésie féminine algérienne de tradition orale (1988,1990, 2002,2003, 2009), ainsi que celles de Mohammed Alhyane (1991) et Cynthia Becker (2006) sur la poésie féminine amazighe, ce qui témoigne, a-t-elle dit, que ces femmes ont transversalement partagé des thèmes similaires.

Mme Elbaz a, également, mis l’accent sur le chant sacré, qui reste “interne”, faisant savoir que ce sont des chansons rituelles qui sont souvent mais pas forcement en hébreu et qui s’écoutent à la synagogue, aux célébrations des autres rituelles du cycle de la vie (naissance, bar mitzvah, mariage, décès) et lors de la Hiloula pour la célébration du saint.

De même, elle a cité des chanteurs marocains non juifs qui chantent la musique juive, en l’occurrence la chanteuse du Melhoun Sana Marahati et Samira Kadiri, ainsi que les chanteurs Sami El Maghribi, Omar Chahin, qui puisent dans le répertoire juif et montrent un point identitaire de marocanité dans les répertoires juifs, soulignant que la voix juive peut s’employer pour chanter la passion, la créativité, l’allégeance à la nation et à la monarchie, à même d’exprimer les moments de difficultés à travers l’humour.

Les dynamiques internes des sociétés minoritaires face aux questions de transmission de l’identité religieuse et ethnique jouent dans la performance public et privé de ses voix, a-t-elle poursuivi, ajoutant que l’oscillation entre l’ouverture au monde, qui est considérée masculine, et la protection des traditions, appartenant au monde féminin, constituent une manière-clé de maintenir un équilibre d’ouverture et de transmission de tradition pour les groupes minoritaires.

Pour sa part, le musicologue et docteur en économie de la culture, Ahmed Aydoun a fait un exposé sur la musique juive du Maroc, dans le quel il a mis en relief la collaboration entre les musiciens musulmans et juifs qui ont été des fervents adeptes de la musique et plus spécialement des arts andalous.

Fruit d’un syncrétisme judéo-arabo-berbère, la musique juive du Maroc a produit de grands musiciens à travers l’histoire en servant deux grands registres, à savoir la musique sacrée et liturgique et paraliturgique (psaumes, piyyoutim, baqachout) et la musique profane (hors du culte), telle que la musique andalouse, malhoun, chaabi, chanson amazighe et chansons de variétés, a-t-il argumenté.

A cheval entre le profane et le sacré, de nombreux chants célèbrent également des rites de passage, a-t-il dit, notant qu’une pléiade d’artistes juifs a investi les premières loges dans le paysage musical marocain, enrichi la musique festive et influencé des générations de chanteurs et de chanteuses.

Chercheur et pédagogue infatigable, feu Zafrani a été étroitement associé, après 1956, à l’introduction de l’enseignement de la langue arabe dans les programmes des écoles de l’Alliance israélite universelle, devenue Ittihad Al Maghrib. Il a conçu et rédigé ses livres et ses articles en se fondant sur une profusion d’archives et de toutes sortes de documents, notamment en hébreu.

L’un de ses principaux ouvrages s’intitule fort significativement “Deux mille ans de vie juive au Maroc: Histoire et culture, religion et magie”. Ses publications, basées sur une approche scientifique rigoureuse, sont devenues depuis leur parution autant de références incontournables pour les chercheurs du monde entier travaillant sur le judaïsme marocain.

L’hommage qui lui est rendu par l’Académie du Royaume du Maroc en sa qualité de membre correspondant a été l’occasion tant d’un retour sur ses travaux que de communications portant sur divers thèmes ayant trait aux Juifs marocains, à leurs conditions de vie dans les villes et les campagnes du pays, aux apports inter-communautaires et à l’esquisse d’un état des lieux et des perspectives de recherches sur le judaïsme marocain.

Ont pris part à cette conférence, qui s’est déroulée en présence de M. André Azoulay, conseiller de SM le Roi, une pléiade d’académiciens, de professeurs et de chercheurs de renom.

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