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Les Communautés Juives du Todra

Les Communautés Juives du Todra.

 

 

Une population juive de onze cents hommes environ vivaient à Asfalou, Tinerhir et Taourirt. Asfalou en comptait six cents, Tinerhir trois cents et Taourirt deux cents.

On y trouvait, classés par ordre d’importance numérique, les familles Malka, Elkoubi, Abetan, Abitbol, Ohana, Pérez et Edery, dont les trois premières habitaient Asfalou ; à Taourirt, se trouvaient les Benchimol, Soussan, Benhaim et Elkaim. Enfin à Tinerhir, Illouz, Assouline, Elhadad et Abenhaim.

En 1920, le village de Taourirt fut détruit et ses habitants s’installèrent à Tinerhir et Asfalou.

Bien que vivant parmi les berbères, ces Israélites s’expriment tous en langue arabe.

Traditionalistes dans toute l’acceptation du terme, ils observent minutieusement les préceptes de la Torah et les recommandations des Rabbins.

Ils se marient sous le régime « mosaique » et ignorent tout des réformes des expulsés de Castille. Ils marient leurs filles entre cinq et six ans et il est rare pour celles dépassant cet âge de trouver un prétendant.

La « Chéhita » est pratiquée chez eux selon les coutumes de Meknès.

La croyance aux mauvais esprits s’y trouve très répandue et pour n’importe quelle maladie on a recours à des exorciseurs. Certains juifs passent pour maîtres dans cet art, mais les musulmans y excellent davantage.

Ces Israélites sont particulièrement hospitaliers. Chaque indigent de passage est hébergé et reçoit des dons ; quand il s’agit d’un rabbin, ils font preuve envers lui de plus de générosité.

Les membres des familles Abehssera, de Tafilalet, et Cohen, de Dadès, leur font très souvent des visites. A ceux-là ainsi qu’aux « colarim » (collecteurs au profit d’œuvres de charité) un mode de réception tout particulier est réservé.

Choisissant pour hôte une famille parmi les plus aisées, ils doivent obligatoirement être conviés par tous les autres riches de la ville et, au cours des cérémonies organisées en leur honneur, ils touchent la « nédaba » (don) dont ils fixent eux-mêmes le montant.

 

RAPPORT AVEC LEURS VOISINS

En dépit de l’insécurité et de l’extrème indigence des habitants, la région de Toudgha a produit une pléiade de rabbins érudits dont les principaux sont : Chalom Benchimol, Abraham Illouz (de Touarzit), Joseph Malka, son fils Naim et son petit-fils Jacob ; Yahia Malka dont le fils Moise est à l’heure actuelle Grand Rabbin à Beni Mellal ; son frère Salomon (ex-grand rabbin du Soudan Egyptien) et son fils Jacob ; Isaac Malka (décédé à Rabat) ; Aaron Abetan, Chalom Elkoubi et son frère Mimoun (sécédé à Fès), tous originaires de Asfalou. Enfin Moise Soussan, Isaac Abenhaim, Abraham Illouz et son frère Yahia de Tinerhir. En outre, il convient de citer le rabbin Mimoun Malka, originaire de Asfalou, se trouvant actuellement à Tinerhir.

Les plus illustres furent les rabbins Joseph, fils de Haim Malka qui avec son disciple Yahia Malka, forma beaucoup de jeunes rabbins ; le très vénéré Chalom Benchimol, surnommé « Hassid Kadoch ».

Formant chez eux des Yéchivot (écoles talmudiques), ils prodiguaient l’enseignement du Talmud et des « Poskim » (droit) pendant les mois vacants de l’année. Il semble que la génération qui les précéda connut aussi de très grands rabbins (conf Nère Hamagharabi, de Mohribam, vol 1, chap. 72) qui malheureusement, ne laissèrent aucun ouvrage.

Il faut attribuer cette carence totale à leur condition d’existence exceptionnelles leur interdisant de consigner les fruits de leurs longues et profondes médiations.

 

EXODE DES HABTITANTS

Les grands malheurs qui sévirent sur cette poignée de juifs retranchés dans l’extrême sud du Maroc, finirent par les décider à aller à la conquête  de cieux plus cléments. Ceux qui eurent le bonheur d’échapper à cet enfer purent enfin gouter les joies d’une vie de tranquillité et de bien être.

 

PERIODE DE TERREUR

En 1920, une catastrophe indescriptible s’abattit sur ces pauvres hommes. Un guerrier arabe du Tafilalet nommé « Bba Ali », fort réputé pour sa barbarie, fut envoyé pas son chef « Belkacem » à Toudgha. Dans chaque bourgade qu’il foula, il se livra à des atrocités abominables. Partout où il passa, il ne laissa que des hécatombes.

Arrivé à Toudgha, il installa son quartier général àTaourirt où, ayant appris que la grande majorité des habitants juifs le fuyait, il s’empara d’une bonne partie des restants qu’il fit pendre.

De toutes les communautés de la région où les nouvelles de sa fureur bestiale se répandirent, des juifs accoururent et s’offrirent à lui comme esclaves.

Les musulmans d’Asfalou et Tinerhir, sachant d’avance le sort qui les attendait s’ils se rendaient à ce tyran, décidèrent de s’expliquer avec lui par les armes.

A la tête de plusieurs dizaines de milliers de guerriers qu’il enrôla sous son commandement, Bba Ali attaquait partout, de préférence le vendredi soir, convaincu que les juifs n’oseraient pas transgresser le Sabbat pour apporter leur concours aux défenseurs arabes de la ville.

Mais les juifs déjouèrent ses intentions. Ils participèrent ouvertement au combat même le samedi, et c’est grâce à leur héroïsme qu’ils parvinrent à le repousser  à trois reprises. Les femmes et les enfants étaient chargés de ramasser dans les rues de la ville les gros cailloux que les hommes, du haut des remparts, jetaient sur la tête de l’agresseur. Quelques fois, on utilisait pour ce genre d’opération les meules de moulin ou de l’eau bouillante.

Les juifs avaient la spécialité de la fabrication de la poudre à canon dont l’un des composants, le salpêtre, se trouvait en abondance dans la ville même. Ils fabriquaient en outre les obus et chargeaient le jour les cartouches des balles utilisées la veille au soir.

Après que l’ennemi eût perdu tout espoir d’envahir la ville, il l’assiégea. Toutes les portes furent fermées. On prit soin même d’obstruer les fenêtres au moyen de planches, afin de se mettre à l’abri des projectiles que pouvaient lancer des tireurs isolés.

Pendant sept mois que dura le siège, nul ne pouvait sortir hors de la ville. Quelques musulmans et très peu d’Israélites terriens habitués à emmagasiner dans leurs greniers des provisions alimentaires pour toute l’année, ne sentirent pas les effets de cette situation, sauf en ce qui concerne les denrées relativement secondaires tels le sucre, le sel, la viande, etc… dont ils étaient privés comme le restant de la population.

Les autres juifs par contre qui vivaient de leur commerce ou de leur artidsanat dans les quartiers environnants souffrirent atrocement de la faim. Quatre vingt deux d’entre eux moururent d’inanition et furent enterrés sans linceul dans la ville même (le cimetière étant hors de la ville).

Pour apaiser leur faim pendant ces longs mois de siège, des habitants se hasardaient souvent au mépris du danger, à forcer le blocus pour aller couper dans les champs voisins quelques herbes dont ils se nourrissaient tout comme des bêtes.

Heureusement pour eux, cette affreuse situation ne dura pas plus longtemps.

A l’aube du 15 Ab, les bruits des canons de l’armée libératrice se fit entendre au loin. Au paroxysme de la joie, les villes assiégées explosèrent en un vacarme épouvantable de youyous, de tambourins, de chants et de danses.

Surpris par la nouvelle de la défaite de l’armée ennemie et par la mort de son chef tyrannique, ces habitants furent comme propulsés hors de leurs foyers vers les quartiers environnants que l’occupant avait évacués en hâte, abandonnant sur place un important butin.

On devine aisément l’acuité de l’attrait que devait avoir, sur les yeux affamés des misérables assiégés, la présence de telles richesses. Avec une avidité indescriptible, ils se ruèrent sur toute nourriture et s’empressèrent d’en apporter à ceux des leurs incapables de se déplacer.

Les premiers rayons du soleil avaient à peine vaincu l’obscurité de la nuit que soudain les rues et le centre de la ville furent remplis de céréales, de bétail et de toutes sortes de produits alimentaires.

Il est évident que tous participèrent à cette rafle. Des enfants agés de six ou sept ans pénétrèrent avec une rare audace à l’intérieur des maisons que l’ennemi venait à peine de quitter.

A la vue du beau pain de froment doré qu’ils ne devaient plus rêver de revoir, ils ne purent contenir l’envie irrésistible d’en consommer gloutonnement. Malheureusement cette joie tarit bientôt. Leurs organismes s’étant déjà habitués à l’herbe et aux dattes vertes, ils furent pris soudain d’un malaise terrible et nombreux en périrent atrocement. L’abondance fit plus de victimes que la disette.

Mais là n’est pas le tout. Une fois l’occupation achevée, les exactions, les exactions du gouverneur qui fut laissé à Tinerhir commencèrent.

Durant deux ou trois ans, la population souffrit terriblement de la botte de ce gouverneur. Mais il arriva un moment où, à bout de patience, ils se révoltèrent contre lui, recrutèrent des mercenaires du « djebel », investirent des chefs guerriers et s’opposèrent à son autorité dictatoriale.

Dès lors, l’anarchie complète règna dans cette région transformée aussitôt en un vrai champ de bataille. Les militants montagnards, déferlant par dizaines de milliers sur la plaine, mettaient systématique au pillage toutes les maisons, n’oubliant surtout pas de réserver la primeur de leurs exploits redoutables à celles où habitaient nos malheureux coreligionnaires.

Un grand nombre de ces derniers fut assassiné, d’autres dépouillés de tous leurs biens et jusqu’aux vêtements qu’ils portaient sur eux. Mêmes les cimetières ne furent pas épargnés. Les pitoyables survivants pris de légitime dégoût, quittèrent leurs villes et s’établirent pour la plupart à Casablanca et Rabat.

Cette anarchie se prolongea, jusqu’ne 1932, année où la France civilisatrice, étendant sa protection à toute cette région fit régner le calme et la prospérité dans ce territoire.

 

Contribution à l'Histoire du Judaisme Marocain - La voix des Communautés - Octobre 1953.

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