Les gens de religions différentes peuvent-ils prier ensemble ?
Morgane Afif
Chrétien, bouddhiste, juif ou musulman : peut-on prier ensemble, alors qu’on ne prie pas le même Dieu ? Comment la prière fait-elle entrer en relation des personnes qui ne partagent pas la même foi ?
La prière est le dialogue intime qui unit une âme à Dieu. Dieu, qui est un Dieu de vie, de joie, mais aussi un Dieu de souffrance, réside dans le cœur de chacun de ses enfants, baptisé ou non. Sainte Thérèse d’Avila elle-même rappelait régulièrement à ses sœurs carmélites que « Dieu marche aussi parmi les casseroles ». Le Seigneur, ainsi, réside en chacun, puisqu’il a « créé l’homme à son image, et selon sa ressemblance » (Gn 1, 26-27), et chaque cœur humain possède en lui une étincelle divine, fût-elle seulement résiduelle. C’est d’ailleurs ce qui fait la dignité de l’homme : on peut ainsi, et l’on doit, même, prier, si ce n’est ensemble, du moins les uns pour les autres.
Prier ensemble sans verser dans le syncrétisme
Quant à savoir si l’on peut prier les uns avec les autres, la réponse est moins évidente. Si l’on peut prier les uns à côté des autres, l’idée même d’une prière commune suppose que celle-ci soit adressée à un même Dieu. Pourtant, chrétiens, bouddhistes, juifs ou musulmans, n’ont précisément pas le même Dieu. Si le Dieu des chrétiens et des juifs conservent la même image du Père, les musulmans ne prient pas un Dieu Trinité, et les religions polythéistes n’ont pas la même conception du divin. Le premier obstacle est donc d’ordre théologique : il n’est pas possible de prier ensemble si l’on se concentre uniquement sur ce qui relève du dogme, de la pensée, des idées et des conceptions religieuses.
C’est seulement dans le silence que ce qui se rapproche d’une forme de communion se déploie, il s’agit alors de retrouver cette simplicité qui nous pousse à aller vers l’autre pour entrer en relation. C’est d’ailleurs le sens même du mot « religion », du latin religo, lier. L’idée, dès lors, n’est pas de s’adresser ensemble à un même Dieu, mais de rendre possible une forme de communion. Comme le souligne le théologien jésuite Javier Melloni, « l’union qui ne peut se produire par le raisonnement et les paroles, se produit dans le silence de la prière ». C’est ce qu’expliquait déjà le cardinal Jean-Louis Tauran †, spécialiste du dialogue avec l’Islam, en se défendant de tout syncrétisme : « Chacun a son expérience de Dieu et chacun va vers Dieu selon ses convictions. Ce que nous pouvons faire, et que nous faisons très souvent quand il y a des réunions avec les musulmans, c’est être en silence, chacun prie en silence, le silence devient prière ».
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