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Les pirates juifs des Caraïbes

Les pirates juifs des Caraïbes s’exposent au centre Fleg de Marseille

 

Un, garder sa curiosité intellectuelle, deux, retrouver son âme d’enfant, sans pour autant occulter le tragique, qui, toujours, rôde, voilà les trois dispositions qui s’imposent pour embarquer au Centre Fleg, à Marseille, sur les traces des pirates juifs des mers des Caraïbes. Une histoire qui s’étend du XVe au XVIIIe siècle et qui commence dans le drame, l’annexion du Royaume de Grenade par Isabelle la Catholique, et, avec, l’expulsion des Musulmans et des Juifs d’Espagne, l’inquisition. S’il existait des pirates juifs en Méditerranée depuis l’Antiquité, c’est l’Inquisition et leur expulsion qui va pousser des Juifs audacieux, surtout ceux contraints de se convertir au catholicisme, à vouloir se venger des Espagnols, et des Portugais. Les uns s’installent en Méditerranée, d’autres, à la suite de Christophe Collomb, embarquent pour le Nouveau Monde, où ils s’allieront aux Anglais et aux Hollandais pour piller or et produits du Nouveau Monde à leur ennemis communs : Espagnols et Portugais.

 

Martine Yana, la directrice du centre Fleg explique : « Chaque année nous travaillons sur le versant séfarade à l’occasion du festival Horizontes del sur. Et, cette année, avec le groupe de bénévoles qui m’entoure nous avons eu envie de travailler sur les pirates juifs. Un travail rendu d’autant plus possible que vient d’être traduit en français le livre d’Edward Kritzler sur ces pirates ».
Cette épopée commence avec Isabelle la Catholique « qui décide, en 1492, que les Juifs ont un mois pour quitter l’Espagne. Dans le même temps, 25% de la communauté doit se convertir de force. Ceux qui partent s’installent sur le pourtour méditerranéen. Parmi eux, certains deviennent des pirates ».
Et les portraits se succèdent. Ils ne cachent rien des parts d’ombre comme de celles plus lumineuses car ces pirates ne sont jamais réductibles à ce simple statut.

Sinan Reis, bras droit de Barberousse

Première figure évoquée, celle de Sinan Reis, membre d’une famille séfarade ayant fui la péninsule après le décret d’expulsion et qui trouvera refuge dans l’Empire Ottoman. Il devient pirate et le bras droit de Barberousse (il est évoqué dans "Angélique"). Parmi ses hauts faits d’armes on peut citer sa victoire contre l’Armada espagnole en 1538 à la Bataille de Prévéza, considéré par nombre d’historiens comme la plus grande victoire maritime ottomane contre l’Espagne. Ses bateaux étaient frappés de … l’Étoile de David. « Ceux qui ont vu "Angélique" se souviendront sûrement qu’elle tombe amoureuse d’un noble devenu pirate, les auteurs se sont servis de Sinan pour créer ce personnage », indique Martine Yana. 
Samuel Pallache est lui, né au Maroc, en 1550. Marchand, diplomate, pirate, il œuvre pour unir Amsterdam et le Maroc face à un ennemi commun : l’Espagne. « Il sera le premier a obtenir un accord entre un pays chrétien et un musulman. Dans ce même contrat il négocie la présence d’une communauté juive à Amsterdam et la construction de la première synagogue de la ville, dans laquelle on peut voir la tête de mort et les fémurs. Cet érudit est accueilli en héros lorsqu’il décide de venir là, en 1615, pour y finir sa vie ».
Christophe Colomb part pour les Amériques, il découvre un Nouveau Monde. Des juifs, convertis de force et qui n’ont pas renoncé à leur religion en profitent pour fuir l’Espagne. il faut dire ajoute Martine Yana : « l’Inquisition fait régner la terreur. Des gens sont accusés de pratiquer le judaïsme en secret (que l’on qualifiera, de façon insultante, de "marranes"). On surveille les cheminées le samedi pour voir si elles fument, si on fait à manger. On pénètre dans les maisons pour sentir ce que cuisinent les gens. Le saindoux est en effet utilisé pour la cuisine, les Juifs utilisant eux l’huile d’olive ». Ils se joignent donc aux explorateurs, naviguent avec les conquistadors et ont été parmi les premiers colons de toutes les colonies du nouveau monde. « Ils découvrent que l’Espagne et le Portugal sont en guerre avec l’Angleterre et la Hollande. Ils trouvent là un moyen de se venger, de récupérer une partie de leur richesse. Chaque pirate s’allie ainsi à une Nation à laquelle il s’engage à lui remettre 50% de son butin ».

« Ils ont très peu de foi et de loi, mais ils gardent quelques principes communautaires »

« Ces Hommes, précise-t-elleont très peu de foi et de loi, mais ils gardent quelques principes communautaires. Ainsi, ils ne pillent pas le samedi. D’autre part, les galériens, sur les vaisseaux espagnols, sont souvent "des marranes" auxquels ils rendent la liberté. Ils créent de petites villes juives le long des côtes. C’est notamment le cas en Jamaïque, très vite prise par les Britanniques qui permettent aux Juifs de pratiquer leur religion. Ils sont fortement impliqués dans le Code des pirates qui va voir le jour. Ils favorisent le partage à part égale des butins. Font en sorte qu’on ne jure pas sur la Bible lorsque l’on devient pirate mais, en s’asseyant dans un canot ».
Ils aident leur communauté : « Londres est menacé par les Espagnols, ils passent un accord avec Cromwell pour combattre à ses côtés en échange du retour de la communauté juive à Londres ». Entre légende et réalité, l’exposition, conçue et réalisée par le Centre Fleg présente l’histoire d’une vingtaine de pirates juifs.
Michel CAIRE
Une exposition à découvrir jusqu’au 4 juin - Entrée libre, du lundi au jeudi de 9h à 18h, le vendredi matin et lors des activités du Centre Fleg - Plus d’info : centrefleg.com

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