Myriam Ackermann-Sommer, la première femme rabbin orthodoxe moderne de France
Elle n’a que 26 ans, mais dans son domaine, elle est une pionnière. Myriam Ackermann-Sommer vient d’être ordonnée rabbin le 25 juin au sein de la communauté juive orthodoxe qu’elle a fondée avec son mari, Émile Ackermann, également ordonné à ses côtés.
Si elle n’est pas la première femme rabbin de France, elle est la première issue du courant orthodoxe moderne, quand ses sœurs s’identifient au courant libéral du judaïsme. Et c’est une véritable révolution, car chez les juifs orthodoxes (majoritaires en France), confier le rabbinat à une femme est considéré comme contraire à la loi juive.
Un “pari fou” et une école rabbinique à New York
L’histoire du couple a commencé par un « pari fou », raconte Émile Ackermann. « Myriam m’a dit : Quand tu as du temps libre, tu ouvres la Torah, tu étudies le Talmud, tu devrais peut-être être rabbin “. A elle, qui montre aussi une forte appétence pour les textes de la tradition juive, il répond : « Il suffit d’être rabbin ! »
Les voilà embarqués dans une aventure qui les mène dans les écoles rabbiniques orthodoxes new-yorkaises, conformément à leur courant. Myriam Ackermann-Sommer choisit la Yeshivat Maharat, « la première institution au monde à nommer des femmes rabbins orthodoxes ».
Une formation qu’ils suivent d’abord sur place, puis, contraints par le Covid-19, à distance depuis la France. Pendant ce temps Élise, leur fille, aujourd’hui âgée d’un an et demi, voit le jour.
Emile et Myriam Ackermann aux côtés de leur fille, à Paris, le 29 mai 2023. AFP ou concédants de licence
Converti à l’adolescence
Pourtant, rien ne prédestinait Myriam Ackermann-Sommer à devenir rabbin. Baptisée Marie à la naissance, elle a grandi à Perpignan et explique avoir reçu une « éducation chrétienne, pas très poussée ». Sa mère, d’origine juive tunisienne, s’était convertie au christianisme.
Mais à 15 ans, trois ans après la mort de son père, l’adolescente Marie renoue avec ses attaches juives, se rapprochant de son grand-oncle, un rabbin. Deux ans plus tard, elle demande à être appelée « Myriam », traduction de son prénom en hébreu.
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C’est à l’âge de 21 ans qu’elle rencontre son futur mari, Émile Ackermann, “un soir de Shabbat en 2017”, note Le Monde. Il est alors étudiant en droit à Créteil, et l’initie à la tradition juive orthodoxe au sein de sa famille strasbourgeoise. Deux semaines après leur rencontre, ils se fiancent, ils assurent la soirée au quotidien.
Fervente orthodoxe moderne, il n’est pas question pour elle d’abandonner ses études. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure, elle a également obtenu une Agrégation d’anglais en 2019 et est actuellement doctorante à Sorbonne Université. Sa thèse porte sur le deuil dans la littérature juive américaine. Parallèlement, elle est enfin diplômée du Conservatoire de Lyon en flûte traversière.
Une « start-up synagogue » avec un « rabbanite »
Le couple a ainsi choisi de créer leur communauté, « Ayeka », une « start-up synagogue », comme ils aiment l’appeler, à Paris, dans le quartier Bastille. « Nous sommes les premiers en France à revendiquer le courant orthodoxe moderne », souligne Émile Ackermann.
« Je suis moderne, développe-t-elle, dans le sens où je veux être en dialogue constant avec la société civile. Je veux inclure les femmes dans les rites et dans l’étude, je les encourage à poursuivre des études supérieures. Et je suis orthodoxe dans le sens où je garde les commandements, je fais Shabbat et je suis casher (code alimentaire juif) », explique Myriam Ackermann-Sommer au Monde.
« Dans notre synagogue », les femmes ne sont pas reléguées « à l’étage ou dans une autre pièce », comme dans une synagogue orthodoxe classique, précise le nouveau rabbin. Hommes et femmes sont “au même niveau”, seulement temporairement séparés par un paravent au milieu de la salle “le temps des prières”.
Avec, au premier plan, la volonté « de donner une place aux femmes, de les intégrer dans tous les aspects de la vie religieuse », y compris par le rabbinat, explique Myriam, qui commente chaque jour en araméen le Talmud dans un podcast et a mis un institut théologique féminin, structure unique en France.
Elle-même deviendra la « rabbanite » de leur communauté : un titre choisi en clin d’œil à celle qui désigne historiquement « la femme du rabbin », celle « à l’écoute des fidèles », qui « répond aux questions ». ou « donne des leçons ». « C’est une gestion à double sens » de la communauté : offices, célébration de mariages ou de funérailles, organisation de bar et bat-mitsvah, accompagnement des fidèles et enseignement.
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