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Nouvelles élections en Israël, par DAVID BENSOUSSAN

Nouvelles élections en Israël

DAVID BENSOUSSAN

Professeur de sciences à l'Université du Québec

POINT DE VUE / À nouveau, les élections en Israël n’ont pas été suffisamment concluantes pour permettre de former une coalition gouvernementale qui soit clairement majoritaire. Les deux principales factions politiques (droite du Likoud dirigée par Bibi Netanyahou) et centre droit Bleu-blanc dirigé par Benny Gantz) ont obtenu un nombre quasi équivalent de sièges. Toutes deux dépendent des alliances avec des petits partis pour former une coalition qui réunisse plus de 60 des 120 sièges du parlement israélien, la Knessset.

Les résultats

Le parti du Likoud a obtenu 31 sièges. Ses alliés traditionnels sont les partis religieux : d’une part les ultra-orthodoxes Chass (9) et Yahdouth Hatorah (8) et d’autre part les petits partis de la droite religieuse Yémina (7) unis par la très dynamique Ayélet Shaked qui est elle-même laïque.

Le parti Bleu-blanc (33) se veut plus inclusif et n’exclut pas une coalition qui comprenne le parti arabe Hareshima Hamésoutéfét (13) qui est une coalition de quatre partis unis essentiellement pour présenter une liste unique. Le parti Bleu-blanc est critique des partis religieux qui monnayent leur appui au Likoud par des concessions qui affectent l’ensemble de la société israélienne.

Le parti de gauche Avodah dirigé par Amir Perets a obtenu 7 sièges et la gauche dure de l’Union démocratique (anciennement Mérets) à laquelle s’est joint l’ancien premier ministre Éhud Barak a obtenu 6 sièges.

Israel Beiténou (9) est un parti de droite formé originellement par les ressortissants de l’ancienne Union soviétique. Son leader Avigdor Liberman a été très critique de Bibi pour n’avoir pas eu recours à des méthodes plus radicales pour éliminer les tirs de roquettes à partir de Gaza. Qui plus est, il est farouchement opposé à la dispensation de service militaire octroyée aux religieux orthodoxes tout comme à leur système de scolarité autonome qui se concentre sur des textes religieux et refuse d’enseigner des matières essentielles comme les mathématiques et l’anglais! Ce parti détient la balance du pouvoir et son leader Liberman se prononce pour un gouvernement d’union nationale et exige l’intégration des ultra-orthodoxes dans le système éducatif et le service militaire. Il refuse une coalition comprenant les partis arabes dont les porte-paroles se sont radicalisés au cours des dernières années. Il pourrait obliger le Likoud et le parti Bleu-blanc à se coaliser, ce qui mettrait fin à la participation des partis religieux au gouvernement selon leurs conditions. Une autre possibilité consisterait à déclencher de nouvelles élections et cette perspective n’est guère populaire.

Les grands problèmes de l’heure

Quels sont les grands problèmes de l’heure? L’économie se porte bien et le premier ministre Bibi a tissé des liens personnels étroits avec les leaders des grandes puissances Trump (États-Unis), Poutine (Russie), Modi (Inde). Xi Jinping (Chine) et bien d’autres encore. Le parti du Likoud s’est prononcé sur l’annexation de la vallée du Jourdain qui de toute façon est acceptée par la majorité des partis comme frontière de sécurité du territoire exigu d’Israël — la distance qui sépare la Méditerranée du Jourdain équivaut à la longueur de la rue Sherbrooke à Montréal. Le dialogue avec l’Autorité palestinienne — qui est à couteaux tirés avec le Hamas à Gaza — n’évolue pas; traditionnellement, l’Autorité palestinienne a refusé des accords (dont ceux de Taba en 2001) qui comprenaient des concessions israéliennes très poussées, y compris sur Jérusalem. La préoccupation principale est celle du danger iranien.

L’avenir

Ces élections qui se sont déroulées dans la plus grande sérénité mettent en exergue deux réalités particulières : celle de la minorité arabe et celle des partis religieux ultra-orthodoxes.

Les Arabes d’Israël ont tous les droits démocratiques. Leur niveau économique s’est substantiellement amélioré et cela s’est accompagné par une baisse de natalité. Ils s’intègrent beaucoup mieux à la réalité socio-économique du pays. Le service militaire est optionnel et n’est guère populaire actuellement. Il y a eu un courant de palestinisation chez les Arabes israéliens ces dernières années beaucoup souhaitent une accélération de la solution de deux États; toutefois, les sondages montrent que dans leur écrasante majorité, ils tiennent à leur citoyenneté israélienne.

Les ultra-orthodoxes se dispensent du service militaire. Leur système d’éducation est exclusivement centré sur l’étude des textes religieux. Des dizaines de milliers ne travaillent pas, se consacrent aux études religieuses et ne contribuent pas à l’essor économique du pays. Ils sont convaincus qu’à leur façon ils défendent le pays, ce qui enrage la majorité de la société israélienne. Leur taux de natalité est encore élevé (7,1 enfants par femme) par rapport à la moyenne nationale (3,1 enfants par femme), mais est en régression.

Il y a actuellement 1,8 million d’écoliers (une augmentation de 37% depuis 2001) et il est prévu une augmentation de 9,4% d’ici 2024. Dans les 5 prochaines années, la proportion des élèves enregistrés dans des écoles laïques va passer à 43,8% (diminution de 15%); celle des écoles religieuses croîtra de 13,2%; celle des écoles ultra-orthodoxes augmentera de 16,6% (augmentation de 60% par rapport à l’an 2001) si le système religieux orthodoxe ne se réforme pas.

Israël est une nation économiquement développée et le taux de chômage est bas (3,7%). Le secteur des femmes arabes est sous-employé, mais la tendance est à la hausse. Par contre, le secteur ultra-orthodoxe est définitivement sous-employé chez les populations masculines. Quelques signes montrent qu’une petite minorité d’ultra-orthodoxes commence à s’engager dans des études universitaires ou même à l’armée. Mais la grande majorité d’entre eux constitue une puissance intellectuelle qui n’est pas intégrée dans les rouages économiques en raison de son éducation hiératique.

Rappel à la réalité 

Au cours de ce nouveau tour électoral, Bibi Netanyahou a subi un revers, mais il n’a pas dit son dernier mot. Il est certain que si une coalition gouvernementale venait à se former, les ultra-orthodoxes perdraient beaucoup de leur influence; ils se devront d’assurer une meilleure éducation séculière et remplir leur devoir civique (le service militaire), ce sans quoi l’État d’Israël ne pourra assumer la réalité de leur importance démographique.

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