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Qui est Iris Ferreira, première rabbine ordonnée en France ?

Qui est Iris Ferreira, première rabbine ordonnée en France ?

 

Seule sa kippa mauve et rouge éclabousse son allure fluette de couleurs vives. Humble et intense, Iris Ferreira, 29 ans, est la première femme rabbine ordonnée en France en juillet 2021. Sa chevelure châtain encadre sa peau pâle percée de grands yeux bleus un peu sombres. Elle commente sobrement : « Cela montre que les choses changent petit à petit, donc c’est positif pour la France ». Dans un pays farouchement laïc, être une femme et occuper un ministère religieux relève bel et bien de l’exception.

Contrairement à la tradition voulant que les rabbins officialisent leur ministère dans le pays où ils ont suivi leurs études – en l’occurrence pour Iris, au Léo Baeck College de Londres –, la jeune femme a été intronisée en France. Car, en juin, la future rabbine a été empêchée de se rendre en Angleterre en raison des restrictions sanitaires dues à la pandémie de Covid-19. Elle a donc reçu la semikha (transmission d’autorité d’un rabbin à un autre) de la rabbine Pauline Bebe à Paris.

Ces raisons purement logistiques créent toutefois un précédent au sein du judaïsme libéral français, dépourvu de séminaire sur son territoire et plus attaché à une adaptation de la loi juive aux sociétés contemporaines que le mouvement orthodoxe. En France, les quatre femmes rabbines déjà en exercice – Pauline Bebe, la première, Delphine Horvilleur, Floriane Chinsky et Daniéla Touati – ont toutes été ordonnées à l’étranger. Iris exerce depuis septembre au sein de la communauté juive libérale de Strasbourg.

Assise, toute droite, dans la synagogue parisienne de la rue Mouffle (XIe arrondissement) où Pauline Bebe officie depuis sa création en 1995, Iris Ferreira s’apprête à donner ses premiers cours devant une petite assistance. Si la jeune rabbine reconnaît sa fierté d’être la première à avoir été ordonnée en France, elle n’en fait pas un étendard féministe pour autant. Iris assure être avant tout attachée à l’égalité entre les femmes et les hommes. « En libérant la parole des victimes, le mouvement #meetoo a réveillé un état de conscience, analyse-t-elle. Cela a eu un impact positif aussi chez les hommes qui, inconsciemment, reproduisent des schémas violents. » Pour elle, la société « construit des rôles définis » pour les femmes comme pour les hommes, ce qu’elle regrette. « Il est difficile d’en sortir, je l’ai observé chez les juifs orthodoxes. »

Retour à la foi

A l’âge de 20 ans, en Vendée, Iris a fréquenté la discrète communauté juive orthodoxe des Sables d’Olonne (Vendée). « J’y ai tout appris, les prières, l’office, se souvient-elle, mais j’étais frustrée. ». Iris sait bien qu’il lui est impossible de « prendre une part active à l’office » et de « monter à la Torah » puisque les femmes sont exclues du rabbinat. « Les femmes orthodoxes ne peuvent pas accéder à tous les domaines de la littérature juive, elles sont moins instruites, j’ai été témoin de ces restrictions, constate-t-elle. Savoir que tous les jours de ma vie cela ne changerait pas… c’était difficile. J’apprends bien ce que je veux ! »

Les capacités intellectuelles d’Iris peuvent la propulser où bon lui semble, elle en est convaincue depuis l’école primaire. Très tôt, son rythme de développement intellectuel se révèle supérieur à celui de son âge. L’enfant est diagnostiquée « haut potentiel ». Malgré une scolarité brillante suivie dans des classes spécialisées, majoritairement masculines, dans l’enseignement privé toulousain, Iris garde un souvenir amer de ces temps de formation : « Mes années d’adolescence ont été difficiles, solitaires et compliquées. »

Dans la foulée de l’obtention de son bac scientifique, elle enchaîne des études de médecine, mais la quatrième année se révèle fatale. « Nous étions immergés à l’hôpital, raconte-t-elle. Une fatigue importante s’est installée. » Côtoyer la mort et la souffrance des patients éprouve la jeune externe. « Je n’avais aucun filtre, je n’arrivais pas à me blinder. Je craignais une erreur induite par la fatigue. »

Epuisée psychiquement et mentalement, Iris Ferreira renonce à ses études de médecine, quitte Toulouse pour les Sables d’Olonne, et amorce son retour à la foi et à la culture juive. « Déjà à l’adolescence, se remémore-t-elle, j’avais beaucoup d’interrogations sur le divin, je ne savais pas encore à quelle religion me rattacher parce que j’avais une histoire familiale un peu floue. Moi-même, je ne savais pas où me situer. » Ses parents d’origine portugaise et espagnole comptent dans leur famille des chrétiens, des juifs et des musulmans.

« Iris enchante le texte » rabbine Pauline Bebe

Mais si Iris peine à se projeter dans l’avenir, son goût pour les langues la tenaille. N’a-t-elle pas présenté au bac l’anglais, l’espagnol, le portugais et le chinois ? Elle débute un cursus d’hébreu contemporain à la Sorbonne et à l’Institut national des langues et cultures orientales (Inalco). A la même époque, elle entend pour la première fois une femme rabbine s’exprimer lors d’une conférence : Delphine Horvilleur. « Cela a ouvert une possibilité », commente Iris. Elle se rapproche alors de la communauté libérale à Paris, de son rabbin Pauline Bebe et débute ses études talmudiques à Londres jusqu’au mois de juillet 2021 où elle devient rabbine.

« Iris est pleine d’intensité, elle est rigoureuse, passionnée et créative, décrit Pauline Bebe, alors qu’Iris s’éclipse. La tradition juive veut en effet que les compliments envers une personne soient formulés en son absence. « Elle ne choisit jamais la facilité lorsqu’elle commente les racines hébraïques des textes ». La qualité de ses observations talmudiques se double d’une exigence existentielle. « Iris prend au sérieux le sens de la vie, poursuit-elle, ses analyses psychologiques sont fines. Nous avons besoin de leaders spirituels à la fois éclairés et ancrés dans la société. Iris rapproche les individus de leur tradition, elle la rend accessible. Elle invite au voyage vers soi et vers les autres. Iris enchante le texte. »

Fantasy et cause LGBT

Ce goût pour la transformation de l’ordinaire en magie, Iris le déploie aussi en qualité d’auteure de romans fantasy, sous le pseudonyme de Sara Pintado. « Iris crée des univers inspirés de l’Inde ou de la Perse antique pour des lecteurs entre 15 et 25 ans, explique Morgane Stankiewiez, son éditrice chez Noir d’Absinthe. Ce public est exigeant, il se méfie du manichéisme, et Iris a une capacité immense à se mettre à la place de ses personnages. Elle décrit leurs failles, leur cruauté et leurs nuances. Elle aborde les questions de l’accès des femmes aux savoirs, de l’exclusion ou du genre. »

Le mois de son accès au statut de rabbine, Iris a pris l’initiative d’afficher sur son compte Facebook le drapeau des fiertés LGBTQIA + estampillé d’une étoile de David, signe de son attachement à la cause des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles. Pour la jeune rabbine, les schémas traditionnels de la famille, de la vie de couple et des rôles de genre sont encore « très ancrés dans la société, qui peut avoir du mal à appréhender qu’ils ne correspondent pas nécessairement à tout le monde. Pour moi, poursuit-elle, il est important de favoriser une ouverture vers plus de diversité, afin que ceux qui sont différents ne subissent pas de pressions pour rentrer dans un cadre qui ne leur convient pas, mais soient acceptés tels qu’ils sont. »

« Il m’a fallu du temps pour cesser d’ignorer cette part de moi que je ne comprenais pas »

Cette problématique touche, selon elle, la société française, mais aussi la communauté juive au sein de laquelle la famille, et la transmission « dont elle est le vecteur », sont des « valeurs centrales ». « Montrer qu’il n’y a pas un seul modèle possible me semble très important, insiste-t-elle. Par exemple, le fait d’avoir des enfants est perçu comme très positif, et souhaitable, dans le judaïsme. En même temps, on rencontre aussi des textes qui valorisent tout autant l’adoption ou le fait de transmettre son savoir ailleurs que dans le cercle familial, à ses élèves par exemple. »

Source : Le Monde

Commentaires

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Bravo !
Mais, 5 femmes, 5 rabbines, c'est peu, d'autant plus que cela se passe au sein du judaïsme libéral, alors que la majorité des femmes juives vit au Moyen Age. Combien de siècles faudra-t-il attendre pour que cesse leur ségrégation dans les synagogues ou pour qu'elles puissent être actives, même si elles ne sont pas religieuses, à l'enterrement de leurs proches ? On me dit que c'est de leur faute, qu'elles doivent faire bouger les choses de l'intérieur, or comment ? Puisqu'elles sont exclues !

Il m’est particulièrement difficile de lire un tel article dans votre revue.

DAFINA, qui se veut être à priori, une transmission des valeurs de nos ancêtres en particulier du Maroc n’aurait jamais dû accepter cette parution.

A moins que vos idées aient évolués !

Nos valeurs reposent sur le symbole de la femme, pièce maitresse du foyer juif.

Ce que la Torah condamne comme un ABOMINATION, ces gens là veulent les légaliser. De la même manière qu’ils veulent entièrement REFORMER le judaïsme.

C’est la même guerre qui se passe en Israel pour le KOTEL.

Ne laissons pas passer sans nous taire de tels évènements. C’est notre devoir, c’est notre conscience.

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