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Raphaël, juif 28 ans

Raphaël, juif 28 ans

 

Propos recueillis par Matthieu Mégevand

"Paroles de croyants" est la nouvelle série du site internet du Monde des Religions qui s’intéresse à celles et ceux qui vivent leur foi intensément tout en demeurant ancrés dans le monde moderne. Cette semaine, Raphaël, juif de 28 ans.

Raphaël a passé toute sa vie à Paris. Né d’une mère tunisienne et d’un père marocain, tous deux de confession juive, il a été élevé dans le respect des traditions religieuses. Après des études de théâtre et un diplôme de commerce, Raphaël est aujourd’hui coach en entreprise. Il s’investit beaucoup dans la synagogue de son quartier, et pratique de manière assidue. A 28 ans, la foi est au cœur de son existence.

La religion au quotidien

"Je fais bien sûr shabbat. Cela signifie que du vendredi au coucher du soleil, jusqu’au samedi soir (lorsqu’apparaissent trois étoiles), je me coupe complètement du monde matériel pour me consacrer au repos, pour voir ma famille, et me tourner vers le spirituel. Concrètement, cela signifie pas de téléphone, pas d’internet, pas de télé, pas de dépense, pas de déplacement, bref, un moment uniquement destiné au repos, à la prière, à bien manger, à voir les gens de la synagogue. C’est un repos qui ressemble à des vacances, et en se coupant de toute la modernité, on revient à des valeurs fondamentales et essentielles, la famille, le partage etc., En plus du shabbat, je mets mes Téfilines (réceptacles en cuir qui contiennent des parchemins de prières) chaque matin et je prie environ une dizaine de minutes. Normalement il faudrait prier une heure, et le mieux serait de le faire avec 10 personnes dans une synagogue, mais je n’ai pas le temps pour cela. Je mange également casher, ce qui est évidemment assez difficile selon l’endroit. Chez moi ou à Paris cela ne pose pas de problème, mais dès qu’il s’agit d’aller à la cantine d’une entreprise ou manger avec des collègues au restaurant, ou quand je pars en vacances, c’est tout de suite beaucoup plus compliqué. Il y a également la question des fêtes juives (comme Pessah ou Yom Kippour) : il y a 13 jours dans l’année où l’on ne doit pas travailler, et ces 13 jours tombent évidemment rarement un dimanche. Il faut donc s’adapter, trouver un compromis avec son employeur. Le fait d’être une minorité implique de vivre avec les règles de la majorité, ce qui est tout à fait normal, et cela signifie devoir s’adapter."

Pourquoi pratiquer

"Dans le judaïsme, la foi et la pratique sont deux choses assez différentes. On peut très bien avoir une pratique forte et une foi faible, ou inversement. Le fait d’être juif n’a d’ailleurs à la base rien à voir avec la foi : est juif celui qui a une mère juive ou celui qui s’est converti. Au moment où l’on est juif, on l’est pour toujours. Je pratique parce que, selon la Torah, cela fait 3300 ans que mon peuple pratique, et cela se passe plutôt bien comme ça. La pratique judaïque m’apporte beaucoup de quiétude, beaucoup de paix, et elle donne les vraies indications.

L’idée du juif, ce n’est pas de nier la matérialité, comme dans d’autres traditions, mais plutôt d’élever la matérialité. L’exemple du repas de shabbat illustre parfaitement cette volonté : on mange, on rit, on chante, après on va faire la sieste, mais tout cela est fait au service de Dieu, dans l’échange et le partage. J’essaye donc d’élever le matériel, que ce soit dans mon travail, dans mes relations, mes loisirs, vers le spirituel. Enfin, on dit dans le judaïsme que nous sommes des "croyants, fils de croyants", ce qui signifie que nous avons reçu la foi et la pratique en héritage de nos pères. Tandis que la foi est sujette au doute, la pratique, elle, doit être stricte car elle est pérenne et nous ramène à la foi. C’est pour cette raison que la transmission est fondamentale. C’est ce qu’ont dit les enfants d’Israël lorsqu’ils on reçu la Torah sur le Mont Sinaï : "D’abord nous ferons, ensuite nous comprendrons". La pratique, avant la foi, constitue l’essence même du judaïsme."

Religion et monde moderne

"Je suis toujours allé à l'école laïque, j’ai toujours voulu participer à la société républicaine et ne pas vivre dans une bulle, et cela demande un certain nombre de compromis. Mon petit frère par exemple a choisi de s'installer en Israël pour pouvoir vivre dans une société majoritairement juive. Ce n’est pas mon cas. Manger casher, faire shabbat, respecter les fêtes juives peut poser un certain nombre de problèmes pratiques, mais j’essaye de m’adapter. Il y a, par ailleurs, toute une tradition de vie minoritaire dans le judaïsme qui fait presque partie de notre identité. On sait que nos valeurs, nos convictions, ne sont pas forcément dominantes. Avoir une spiritualité forte permet de faire la part des choses entre la frénésie du monde moderne, toujours en mouvement, et les valeurs spirituelles, qui elles, ne bougent pas. La famille, la tolérance, l’échange, le respect de l’autre etc.

Il faut réussir à séparer ce qui relève des valeurs juives et certains côtés pernicieux du monde moderne. C’est cela être au service de Dieu : savoir ce qui provient de la vérité et savoir ce qui vient du mauvais penchant. Mais je pense encore une fois que l’on peut presque tout élever au niveau spirituel. Concernant des questions sensibles comme l’avortement ou la contraception, le judaïsme (en tout cas en France) a une vision assez pragmatique des choses : il s’agit de refuser les dérives, mais si l’on est face à un cas grave, l’avortement est possible. De même la contraception, dans le cadre du mariage et selon les règles, est tolérée.

Concernant l’homosexualité, j’ai un avis assez partagé. D’après le judaïsme, c’est évidemment complètement proscrit, mais je pense que fondamentalement, lorsqu’on est homosexuel, on n’y peut rien. A partir de là, généralement dans les communautés juives, on ne va rien cacher mais essayer de prier, travailler, pour changer la personne. C’est un peu comme une addiction dont on ne peut rien mais que l’on essaye de corriger. Dans le judaïsme, en règle général, on lutte contre ses pulsions. L’idée est donc de tenter de réfréner ces pulsions, y compris homosexuelles, considérées comme une épreuve voulue par Dieu. Je ne suis pas contre le mariage civil des homosexuels, en revanche, je suis contre le mariage religieux. Car le judaïsme se pratique par rapport à la famille, et le principe de la famille juive n’est pas seulement de s’aimer mais de transmettre, et la transmission des valeurs juives dans un couple homosexuel me semble impossible.

De manière générale, l’homme et la femme n’ont pas le même rôle dans le couple juif : l’homme est là pour amener la spiritualité, il doit faire un travail d’étude des textes et ramener la lumière de la Torah dans son foyer. C’est le pilote. La femme est copilote, et s’occupe de la matérialité de la maison, c’est-à-dire de créer le récipient qui va permettre d’accueillir la spiritualité. Il ne s’agit bien sûr pas de partage des tâches quotidiennes, les deux font la vaisselle ou le ménage, mais plutôt de rôles attribués par Dieu selon les qualités spécifiques de chacun. La femme est plus sensible, a une meilleure vision de l’organisation, tandis que l’homme est beaucoup plus dans le questionnement. Encore une fois, il y a derrière nous 3300 ans d’expérience pour montrer que cela fonctionne très bien comme cela."

Religion et science moderne

"L’état de la science évolue, les valeurs juives, elles, sont toujours présentes. Einstein disait qu’"un peu de science nous éloigne de Dieu, beaucoup de science nous en rapproche". Dans le judaïsme, on part du principe que la Torah est vérité, que son contenu est vérité, et ensuite la science fait des découvertes qui changent, évoluent etc. Concernant par exemple la théorie de l’évolution que j’ai tendance à accepter, elle n’est pas en contradiction avec le récit de la création de la Genèse, dans laquelle on trouve des allusions à des "reptiles géants" qui correspondraient aux dinosaures par exemple. Au final, il y a assez peu de contradictions entre le judaïsme et la science, au contraire, les découvertes scientifiques qui sont faites ont plutôt tendance à aller dans le sens du judaïsme. Concernant la Torah et ses commentaires, il y a des choses qui, selon moi, ne peuvent pas avoir été écrites par des humains, il y a d’ailleurs des mathématiciens qui ont fait un travail de probabilités sur certaines occurrences, et cela semble confirmer l’origine divine de la Torah."

 

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