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On s’éloigne toujours plus d’une solution négociée

On s’éloigne toujours plus d’une solution négociée (info # 011911/14) [Analyse]

Par Sami El Soudi©Metula News Agency

 

D’après Al-Ahram(les pyramides), le plus grand quotidien égyptien, le Hamas réclame désormais la dissolution du gouvernement palestinien d’unité nationale.

 

Citant un baron du Hamas à Gaza, Ismail Radwan, le cabinet d’union aurait déçu et il devrait rendre son tablier. Le Hamas, selon les mêmes sources, serait à la recherche d’une solution alternative "qui remplirait ses obligations à l’égard du peuple palestinien".

 

Le Mouvement de la Résistance Islamique (Hamas) reproche au Fatah de M. Abbas de ne pas préparer les élections générales, présidentielles et provinciales, qui devaient se tenir six mois après la signature de l’accord pour la création du gouvernement commun, signé au Caire le 2 juin dernier.

 

En réalité il ne s’agit que d’un prétexte, car ce qui ennuie effectivement les califes de Gaza, c’est leur propre incapacité à utiliser la couverture offerte par le soi-disant gouvernement d’unité pour sortir l’enclave côtière de son isolement, sans toutefois se départir du pouvoir absolu et autoritaire qu’ils y exercent.

 

Hanya et compagnie auraient voulu que les policiers de l’Autorité se déploient aux points de passage avec l’Egypte et Israël, sans armes et privés d’authentiques prérogatives, pour continuer à gérer le trafic des marchandises à leur gré, exactement comme avant Rocher Inébranlable. Ils entendaient – et ne s’en sont pas cachés – recommencer à détourner des matériaux de construction afin de réparer les tunnels et les ouvrages militaires détruits par Tsahal, tout en renouvelant la contrebande d’armes, de munitions et de devises, en réhabilitant les galeries passant sous la frontière égyptienne.

 

De plus, le Hamas comptait également sur la réouverture du poste frontière de Rafah afin de rétablir son influence sur la rue cairote pour aider ses mentors des Frères Musulmans malmenés par le Président al Sissi.

 

Mais ledit Abdel Fattah al Sissi n’entend desserrer l’étau autour de Gaza que si les policiers de l’AP exercent un contrôle réel et total sur les check-points, et qu’ils le fassent respecter du bout de leurs fusils si nécessaire.

 

Jusqu’à leur hypothétique déploiement, la frontière reste fermée, les livraisons de ciment, en accord avec Jérusalem, se font au compte-goutte – au rythme actuel il faudrait 50 ans pour réparer les dégâts de Rocher Inébranlable – et surtout, Sissi s’empresse de construire un no man’s land sur ses 13 kilomètres de frontière commune avec Gaza, afin d’empêcher toute activité de contrebande et d’infiltration vers le Sinaï.

 

Considérant que le projet initial de 500 mètres de largeur n’était pas suffisant, il vient de décider de la doubler. Pour réaliser cette "bande de sécurité" anti-Hamas, il est en train de détruire un millier de maisons appartenant à des Palestiniens établis du côté égyptien de la frontière - après la débâcle de la Guerre des Six Jours, quand Gaza était rattachée à l’Egypte -, promettant à leurs occupants des dédommagements qui ne leur seront jamais versés.

 

L’opposition du gouvernement égyptien contre le Hamas n’est pas sur le point de se dissiper alors que les soldats de son armée tombent chaque jour dans des embuscades tendues par des islamistes jouissant du soutien de Gaza. En fait, la situation dans le Sinaï rappelle de plus en plus celle qui sévit en Irak et en Syrie et l’on peut presque parler d’un conflit ouvert et permanent.

 

Il résulte de ce qui précède qu’Hanya et sa dictature sont entièrement dépendants d’Israël pour l’ensemble de leur approvisionnement. Des discussions impliquant des institutions internationales sont en cours, en vue d’instaurer un suivi de l’usage des matériaux de construction devant servir exclusivement à restaurer les maisons des civils. Mais les procédures envisagées sont terriblement compliquées, le Hamas faisant son possible pour conserver la capacité de brouiller la traçabilité des produits qui seraient importés.

 

Dans ces conditions, Gaza continue de patauger dans ses ruines et de consommer les denrées qui lui sont fournies par ses ennemis de Jérusalem. L’essentiel étant que la Résistance Islamique se trouve dans l’incapacité prolongée de se réarmer, de reconstituer ses stocks de roquettes et autres munitions.

 

C’est d’ailleurs cette faiblesse qui fait que le front reste parfaitement calme, hormis le tir de deux obus de mortier par une organisation islamique dissidente il y a quelques semaines, dont les auteurs ont été retrouvés puis sévèrement châtiés par les miliciens d’Hanya. Ce n’est assurément pas le moment d’exciter les Israéliens. 

 

La direction du Hamas sait pertinemment que même s’il en avait l’intention - ce qui n’est pas le cas - Abbas ne peut rien faire pour desserrer l’étreinte autour de Gaza, la décision se trouvant dans les mains de Jérusalem et surtout du Caire. Mais l’encerclement sécuritaire et politique dans lequel il se trouve ne lui convient pas, lui qui rêvait d’un aéroport et de faire libérer les terroristes détenus en Israël et qui l’avait promis aux Palestiniens comme raison de subir la guerre de cet été.

 

Le Hamas n’a participé au gouvernement d’union que pour remettre les pieds en Cisjordanie et assurément pas pour confier les clés de la bande côtière au Fatah. Car il saisit évidemment aussi que celui qui contrôle les entrées des personnes et des marchandises dans Gaza règne de facto sur ce territoire. Et il n’en a pas chassé le Fath’, en juin 2007, occasionnant la mort violente de 150 Palestiniens, pour le rendre sans combattre à l’OLP.

 

Le Mouvement de la Résistance Islamique possède en cela un allié de poids en la personne de Binyamin Netanyahu, qui ne l’a pas éradiqué en août alors qu’il en avait les moyens, mais qui s’est contenté de le stériliser, sachant que personne ne l’obligera à signer un accord de paix avec nous tant que les djihadistes gouverneront dans l’enclave côtière.

 

Je ne cesse de le répéter depuis des années dans ces colonnes : nul ne peut exiger de la part de Jérusalem qu’elle fasse la paix avec la moitié des Palestiniens alors que l’autre moitié continuerait à œuvrer à son éradication ; ce qui explique aussi que c’est l’Egypte qui exige le déploiement des policiers armés de Ramallah aux frontières de la Bande, alors que l’on n’a jamais entendu cette exigence prononcée par le chef de l’exécutif israélien.

 

Ces considérations font que Mahmoud Abbas a décidé de jouer à fond une autre carte ; celle qui consiste à imposer diplomatiquement l’existence d’un Etat palestinien à Israël, sans négociations et sans aucun accord, et donc, sans aucune concession de sa part.

 

C’est ainsi qu’il s’active avec succès à obtenir la reconnaissance de cet Etat par les démocraties européennes et qu’il mise sur l’appui du canard boiteux1 Obama au Conseil de Sécurité cet hiver, lorsqu’il y présentera la même demande de reconnaissance de la Palestine en tant qu’entité étatique.

 

Même si les chances d’y parvenir sont minces et que les décisions des parlements européens dans ce sens sont uniquement symboliques, Abbas mise surtout, en choisissant de maximiser ses revendications, sur sa chance de devenir le leader de tous les Palestiniens, et de mettre en exergue la volonté indéfectible du 1er ministre hébreu de conserver le statu quo en gelant les discussions avec l’Autorité.

 

Pour ce faire, Ramallah entretient artificiellement la violence à Jérusalem afin de conserver le différend israélo-palestinien au premier rang des préoccupations de la communauté internationale, au moins jusqu’à la discussion sur l’indépendance de la Palestine au Conseil de Sécurité.

 

Il est aidé en cela par l’engouement que suscitent les images en provenance d’Irak et de Syrie, qui mettent en exergue les succès et la férocité de l’Etat Islamique. Peu de gens en dehors du Moyen-Orient sont capables de mesurer l’impact que suscite l’EI sur la population palestinienne, en particulier sur les jeunes en manque d’action et en quête de célébrité.

 

Je passe le plus clair de mon temps, ces dernières semaines, à mesurer cet impact en conduisant des sondages d’opinion, et suis en mesure de vous assurer qu’il est extrêmement conséquent ; la plupart de mes compatriotes ressentent de l’empathie et même de la fierté à l’annonce des "triomphes" d’el Baghdadi et de ses combattants.

 

En Occident, on se méprend sur l’effet qu’opère sur les foules sunnites les décapitations de mécréants, la mise en vente des femmes des vaincus et les massacres perpétrés par les soldats hystériques de l’islam conquérant. Ici, ce n’est pas le dégoût humaniste européen qui prime mais l’admiration ; laquelle génère des vocations de meurtres et de martyrs auprès de centaines de jeunes Palestiniens, ce qui promet des lendemains difficiles pour la police israélienne.

 

Abbas surfe sur cette passion lorsqu’il affirme que la présence de Juifs sur l’esplanade des mosquées "souille" les lieux saints de l’islam, et que "Jérusalem est à nous et pas à eux".

 

Certes, Yoram Cohen, le chef du contre-espionnage israélien n’a pas entièrement tort quand il contredit le chef de son gouvernement en affirmant que Mahmoud Abbas n’incite pas à la violence contre les Israélites. D’abord parce que c’est Binyamin Netanyahu qui fait tout ce qu’il peut pour noircir le trait en présentant le président de l’Autorité Palestinienne comme un extrémiste comparable dans ses objectifs à Hanya et à Mashal, ce qui est terriblement exagéré. Tout ce que Netanyahu désire, c’est que personne ne l’oblige à négocier avec le petit raïs de la Moukata de Ramallah.

 

Ensuite, parce qu’Abbas privilégie effectivement la carte diplomatique qu’il est en train de jouer et n’a aucune intention d’allumer les feux d’une troisième Intifada dont les résultats seraient contre-productifs pour son projet. Abbas n’est pas un général, c’est un survivant ; un petit politicien sans pouvoirs qui n’existe que par ses manipulations et qui en est parfaitement conscient.

 

Ce qui ne l’empêche pas, bien au contraire, d’amplifier des rumeurs destinées à entretenir la violence et la haine, telle la mise en cause d’Israël pour la pendaison du conducteur de bus Youssouf Hassan al Ramouni, dans laquelle elle n’est strictement pour rien. Ou ces accusations délirantes selon lesquelles les Juifs auraient décidé de s’en prendre à la mosquée al Aksa (la plus lointaine) pour reconstruire leur temple à sa place.  

 

Les lecteurs de la Ména doivent savoir que l’AP, à l’instar de la plupart des musulmans, nie l’existence du temple de Salomon édifié 1 700 ans avant la construction des deux mosquées à Jérusalem. Pour protéger leur mensonge, ils s’opposent mordicus à toute entreprise archéologique qui pourrait dévoiler au monde leur imposture.

 

De même qu’ils passent sous silence le fait qu’al Aksa a été bâtie en 705 sur le site de l’Eglise Notre-Dame, érigée en ce lieu saint par l’empereur Justinien, en 530 après J.-C. Il est vrai, d’autre part, que Jérusalem n’apparaît nulle part dans le Coran et que Mahomet ignorait plus que probablement jusqu’à l’existence de cette cité.

 

Cela, c’est la vérité historique, ce qui n’empêche nullement que des milliers de croyants soient aujourd’hui prêts à sacrifier leur vie pour la sauvegarde de ce qu’on leur a affirmé constituer le 3ème lieu saint de l’islam. Et factuellement, politiquement, c’est cela qui importe.

 

Alors, pendant qu’Abou Mazen dénonce l’attaque de civils dans une maison de prière à Har Nof, son parti, le Fatah, sur sa page officielle Facebook, annonce la distribution de sucreries "pour célébrer l’opération de Jérusalem menée afin de venger l’exécution du martyr Youssouf al Ramouni [le chauffeur de bus] et les violations de la mosquée al Aksa". Quant à Jamal Tiraoui, porte-parole du même Fatah, il a informé sur le site Web d’Al Watan News (la patrie), que le mouvement "approuvait l’opération-martyr à Jérusalem" et qu’ "il escortait les martyrs de la famille Abou Jamal jusqu’au paradis".

 

Ce double langage, comparable à celui de Netanyahu qui prétend vouloir faire la paix tout en agissant pour qu’elle soit impossible, cristallise une situation gelée.

 

On ne peut guère demander à Abou Mazen de négocier avec le 1er ministre israélien alors que celui-ci notifie chaque semaine l’agrandissement d’implantations existantes et la création de milliers de logements à Jérusalem-Est. Ce, spécifiquement alors que l’avenir de ces territoires doit être déterminé par la négociation au terme des traités signés entre les deux parties.

 

Dans le même registre, on ne peut attendre du gouvernement hébreu qu’il reconnaisse l’existence d’une entité résolument hostile, dont les chefs parlent de souillure lorsque des Israélites arpentent le sommet du temple de Salomon et sanctifient l’assassinat collectif et raciste de paisibles civils.

 

Voici malheureusement où nous en sommes : en présence de deux gouvernements incapables de se résoudre au fait que les communautés qu’ils dirigent sont condamnées à coexister harmonieusement ou à vivre indéfiniment dans le sang. Reste qu’à regarder la situation en face, nous sommes plus proche d’une guerre de religion que d’un rapprochement d’aucune sorte, et que cette remarque vaut, hélas, pour tout le Moyen-Orient, ce qui n’engage pas les hommes à devenir raisonnables.

 

 

 

Note :

 

1C’est ainsi que l’on nomme, aux Etats-Unis, un président qui ne jouit plus du soutien du Congrès ou dont le mandat arrive à son terme.

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