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Tunisie: pèlerinage juif à Djerba

Tunisie: pèlerinage juif à Djerba

 

Les yeux fermés dans la pénombre de la synagogue éclairée de chandelles, Irène formule un voeu avant de déposer un oeuf dans une petite grotte: elle accomplit un des rites du pèlerinage juif à la Ghriba, haut lieu du judaïsme en Afrique, sur l'île de Djerba dans le sud de la Tunisie.

"Que les portes de la Ghriba soient toujours ouvertes et que Dieu protège notre Tunisie!", dit Irène Tatia, juive tunisoise de 75 ans, "heureuse" de sacrifier au rituel du pèlerinage juif les 9 et 10 mai sur l'île touristique, placée pour l'occasion sous haute surveillance sécuritaire.

Selon la légende, tout voeu inscrit sur un oeuf que l'on dépose dans la grotte sacrée finit par se réaliser, le geste accompli par les pèlerins juifs attire même les musulmans.

Des fidèles allument des cierges et chantent en hébreu avec Sylvain Marcinau, venu spécialement du Maroc pour célébrer son mariage à la Ghriba.

"Nous sommes attachés à nos lieux de culte. Célébrer mon mariage ici veut dire que nous sommes en sécurité, que nous ne cédons pas à la peur", dit-il.

Jeudi dernier, le Conseil israélien de sécurité nationale (CNS) a "déconseillé fortement" aux ressortissants juifs de se rendre en Tunisie et particulièrement à Djerba, affirmant que des activistes planifiaient des attentats visant des cibles israéliennes ou juives.

Un avertissement jugé "totalement déplacé" par le chef de la communauté juive à Djerba, Perez Trabelsi. Selon lui, "de nombreux Israéliens avaient programmé de venir mais ont renoncé à cause du battage fait en Israël".

"L'essentiel est que le pèlerinage ait repris sans incident, un gage pour le retour en nombre des pèlerins", renchérit Hayam, un juif djerbien, entre une bénédiction par le rabbin et des gorgées de Boukha, un alcool de figue incontournable à la Ghriba.

Les juifs de Djerba - qui composent la plupart des 1.500 juifs vivant en Tunisie - ont été les plus nombreux à assister au pèlerinage, suspendu l'an dernier à cause des tensions ayant suivi la chute de l'ex-président Ben Ali le 14 janvier 2011.

Peur de l'extrémisme islamiste

D'autres restent prudents, voire inquiets face à une montée de l'extrémisme islamiste que connaît la Tunisie post-révolution.

"Notre maître nous a dit qu'il y avait des manifestations dangereuses donc, il nous a dit de ne pas y aller", explique un élève de l'école talmudique à la Hara Al-Kabira, le grand quartier juif de Djerba.

En janvier dernier, des slogans antisémites, inhabituels en Tunisie, avaient été scandés par des extrémistes lors d'une visite du chef du gouvernement palestinien du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Ils ont été répétés en février lors de la tournée d'un prédicateur radical égyptien.

"Ces extrémistes là vont nous obliger à devenir sionistes contre notre gré", lâche un enseignant souhaitant être rassuré en tant que "citoyen tunisien à part entière".

Un seul et unique Israélien a bravé l'avertissement "pour voir de près à quoi ressemble le pèlerinage juif dans la Tunisie nouvelle", actuellement dirigé par une coalition dominée par le parti islamiste Ennahda.

"La montée des islamistes dans les pays révolutionnaires suscite la crainte des juifs et des israéliens", confie l'homme sous couvert d'anonymat. "C'est dommage, parce que les islamistes ont une chance de montrer le vrai visage de l'islam", ajoute-t-il.

L'esprit à la fête, d'autres visiteurs profitent du beau temps sur les esplanades attenantes à la synagogue. Dans la ferveur religieuse et la réjouissance ils vivent la dernière journée du pèlerinage, sous l'oeil de la police omniprésente.

Chants et danses accompagnent la décoration de "la Mnara", un objet de culte monté sur chariot pour la procession rituelle. Prudence oblige: à défaut de faire le tour habituel des synagogues nombreuses, la procession se contente cette année des limites du portail extérieur de la Ghriba.

Ce pèlerinage, organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive, attirait jusqu'à plusieurs centaines milliers de pèlerins et de touristes. Leur nombre avait dramatiquement chuté après l'attentat revendiqué par Al-Qaïda et qui avait fait 21 morts le 11 avril 2002.

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