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Harper et Israël

Lysiane Gagnon
La Presse

Il est si rare de voir un chef de gouvernement prendre des positions de principe qu'il faut reconnaître au premier ministre Harper un singulier courage dans l'appui indéfectible qu'il manifeste à Israël.

Au sommet du G8, c'est lui qui a insisté pour éliminer de la résolution sur le Proche-Orient l'allusion aux «frontières de 1967» contenue dans le discours du président Obama. C'est ce bout de phrase, cependant modéré par une autre allusion à des «échanges de territoires», qui avait suscité la colère du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Ce dernier aurait demandé par téléphone à M. Harper d'intercéder en faveur d'Israël.

On peut reprocher à M. Harper de s'aligner constamment, quasi aveuglément, sur les positions du gouvernement Nétanyahou, dont l'inflexibilité face aux revendications palestiniennes fait l'objet de nombreuses critiques en Israël même, où l'opinion publique est extrêmement diversifiée. Mais on ne peut certainement pas lui reprocher de nourrir des arrière-pensées d'ordre électoral.

Les juifs, au Canada, constituent une très petite minorité. En 2006, on en a recensé 315 120. De toute façon, la majorité des juifs vote en fonction de toutes sortes de critères, dont la politique du Canada à l'égard d'Israël n'est pas le principal. Sans compter ceux qui ne ressentent aucun attachement particulier à l'État juif.

Toute position trop marquée de M. Harper en faveur d'Israël risque en outre de lui aliéner la population d'origine arabe, qui comptait 350 000 personnes en 2001, et qui est, depuis, en forte expansion démographique parce que c'est un groupe relativement jeune qui affiche un fort taux de natalité. La proportion des juifs au Canada a au contraire tendance à décliner.

Autrement dit, si M. Harper ne faisait qu'un calcul électoraliste, il aurait tout intérêt à atténuer son appui à Israël et à revenir à la position traditionnelle des gouvernements libéraux, qui ménageaient la chèvre et le chou.

Effectivement, le parti-pris pro-israélien manifesté par M. Harper depuis ses tout premiers jours au pouvoir ne lui a rien rapporté en termes de bénéfices électoraux.

Par exemple, aux dernières élections fédérales, les deux comtés québécois qui comptent une forte concentration de citoyens d'origine juive, Westmount-Ville-Marie et Mont-Royal (une circonscription englobant aussi Côte-Saint-Luc), ont réélu les libéraux Marc Garneau et Irwin Cotler. Et cela, même si les candidats conservateurs étaient tous deux avantageusement connus dans la communauté juive, et même s'ils avaient misé, dans leur campagne, sur le préjugé pro-israélien du gouvernement Harper.

Dans Mont-Royal, on reprochait en particulier à M. Cotler, lui-même juif, de ne pas s'être assez fermement dissocié de l'ignoble conférence de Durban en 2001, une initiative onusienne qui s'était métamorphosée en festival antisémite. M. Harper, une fois au pouvoir, avait décidé que le Canada ne participerait pas à la seconde conférence de Durban.

L'engagement de M. Harper en faveur d'Israël n'est certainement pas, non plus, une question d'argent. Les dons sont plafonnés depuis 2003, et de toute façon le Parti conservateur n'a nul besoin d'argent, étant largement financé par ses militants.

Les multiples prises de position de M. Harper en faveur d'Israël auraient-elles nui à l'obtention d'un siège au Conseil de sécurité? L'appui massif de l'Europe et de l'Amérique latine au Portugal, l'autre concurrent, a sans doute compté bien davantage. Ce qui a pu nuire aux chances du Canada tient surtout à l'ineptie diplomatique dont a fait preuve, en général, le gouvernement Harper, qui a un côté provincial et ne maîtrise pas les codes internationaux.

M. Harper, quant à lui, a réagi fort placidement à ce revers, en faisant valoir que quelles que soient les conséquences, il ne regrettait pas d'avoir appuyé la seule démocratie du Moyen-Orient. Voilà tout de même quelque chose de rare en politique.

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