Les Juifs en Afrique du Nord
Ce qu�il est d�usage d�appeler l�Afrique
du Nord comprend le Maghreb c�est-�-dire le Maroc, l�Alg�rie et la Tunisie ainsi
que la Libye : tous ces pays ont �t� originellement peupl�s de tribus berb�res
et ont subi l�influence de diverses colonisations : la Carthaginoise sur le
littoral maghr�bin, la Grecque en Cyr�na�que, la Romaine, la Vandale et la
Byzantine dans toute la partie Nord de l�Afrique jusqu�� l�Atlantique et l�Arabe
jusqu�au Sahara. Rarement la Berberie a �t� unie : d�incessantes guerre
tribales ainsi qu�un esprit d�ind�pendance farouche ont fait que les tribus
berb�res se soient laiss�es dominer par d�autres puissances tout en maintenant
leur autonomie dans les r�gions int�rieures; seule l�invasion arabe arrivera �
assimiler graduellement les berb�res, quoique d�une fa�on incompl�te.
Origines
De nombreuses l�gendes font remonter
l��tablissement des Juifs en Afrique du Nord � l��poque du roi Salomon : les
relations commerciales avec les Ph�niciens qui poss�daient plusieurs comptoirs
sur la M�diterran�e m�ridionale, semblent en �tre l�origine. Le Sud
ouest marocain puis Carthage semblent avoir �t� les premiers centres juifs.
D�autres l�gendes mentionnent l�arriv�e de Juifs appartenant aux dix tribus du
royaume d�Isra�l exil�es par les Assyriens (VIIe si�cle av. J.C.).
De nombreux t�moignages attestent
l�existence d�une importante colonie juive en Libye. Cette derni�re avait pris
racine � l��poque des Ptol�m�e d��gypte qui confiaient � des colonies juives des
garnisons prot�geant les r�gions limitrophes de l��gypte (Sina�, Yev,
Cyr�na�que). � l��poque romaine, les Juifs sont d�j� dispers�s dans le bassin
m�diterran�en, et l�on retrace une pr�sence juive � Carthage en Tunisie et �
Volubilis au Maroc.
La destruction du Second Temple en 70
sera suivie d�une importante dispersion des Juifs dans le bassin m�diterran�en.
Le monde juif s�attache alors au rachat des exil�s. En l�an 115, les Juifs de
Cyr�na�que se r�voltent et, durant 3 ans, contr�lent la Cyr�na�que et le nord de
l��gypte afin de s�emparer de la Jud�e et d�y restaurer l�ind�pendance. Mais,
sous l�empereur Hadrien, la r�volte est s�v�rement mat�e. La r�pression est
telle que de nombreux Juifs cherchent refuge au-del� du lim�s
romain en Maur�tanie.
Les �crits chr�tiens datant des IIIe
et IVe si�cle t�moignent d�une importante concurrence entre juda�sme
et christianisme. Apr�s la christianisation de l�Empire romain, l��glise
d�Afrique pers�cute les communaut�s juives qui s��tablissent alors dans les
r�gions int�rieures et entrent en contact avec les tribus berb�res dont elles
font le pros�lytisme : au Ve si�cle l�on fait �tat de plusieurs
tribus berb�res juda�s�es. Une p�riode de calme relatif suivra l�occupation de
l�Afrique du Nord par les Vandales. En 535, les Byzantins se rendent � nouveau
ma�tres de l�Afrique malgr� l�opposition combin�e des Juifs et des Vandales; la
promulgation d��dits anti-Juifs (les � novellae �) poussent plus les Juifs vers
la Maur�tanie partiellement soumise. En 610 les conversions forc�es commencent
� Carthage. En Espagne, cependant, la pers�cution des Juifs par les rois
Visigoths entra�ne une importante �migration vers la Mauritanie.
L�invasion arabe commence � se faire
sentir d�s 661. Le roi berb�re Koceila de la tribu christianis�e des Oureiba
puis la reine berb�re El Kah�na de la tribu berb�re juda�s�e des Djeraoua,
s�opposent � cette invasion. La r�sistance � l�invasion arabe durera jusqu�� la
mort de la Kahena en 700. Au d�but du VIIIe si�cle cependant, la
conqu�te d�Espagne par Tarik se fait avec les Juifs et les Berb�res : malgr� les
lourdes impositions faites aux Juifs � partir de 701, il semble que ceux-ci
aient pr�f�r� jouer la carte arabe plut�t que la carte Visigoth en Espagne o�
ils �taient r�duits quasiment � l��tat d�esclavage.
La p�riode arabe
� la dynastie arabe des Omeyades
(660-749, capitale Damas) succ�de celle des Abbassides (749-1055,
capitale Bagdad). Toutefois, les Abbassides perdent l�Afrique du Nord d�s le
VIIIe si�cle. Les Idrissides r�gnent au Maroc et le r�gne
d�Idris Ie sera marqu� par des luttes et des massacres constants au
sein des communaut�s juives. C�est sous le r�gne d�Idris II que la capitale de
F�s est fond�e en 807 et que commencent alors deux si�cles d��panouissement pour
les communaut�s juives.
Deux centres rabbiniques importants se
d�veloppent � Kairouan en Tunisie et � F�s au Maroc. Ces centres �taient alors
en relations avec les centres talmudiques de Soura et Poumbedita en Irak. De l�
na�tra un essor de l��tude du droit rabbinique ainsi que celui de la grammaire
h�bra�que.
En 900, les tribus berb�res assoient
l�empire Fatimide qui s��tend alors jusqu�au Caire fond� par elles. Leur
r�gne s��tendra jusqu�en 1171. Cependant, des dynasties ind�pendantes
s�installent en Afrique du Nord d�s le d�but du XIe si�cle : les
Zirides en Tunisie � partie de 1007 et les Almoravides au Maroc. Ces
derniers, venus du Sud Marocain, occupent le Maroc et saccagent la ville de F�s
vers 1032. Le roi almoravide Youssef Ben Tachfine stabilise sa conqu�te
d�Espagne au S�n�gal. Il fonde Marrakech en 1062.
Un nouveau mouvement religieux chez les
Berb�res de l�Atlas, le mouvement Almohade dirig� par Ibn Toumert, se
substitue aux almoravides; le roi almohade Abd El Moumein occupe l�Afrique du
Nord toute enti�re. N�admettant pas l�existence de non-musulmans, il oblige
tous les Juifs d�Afrique du Nord � se convertir ou mourir; c�est alors que des
communaut�s enti�res sont mises � mort. � Sigilmassa � au Sud du Maroc � prend
fin ce qui semble �tre jusqu�alors une autonomie juive depuis l��poque romaine.
Lors de son s�jour � F�s, Ma�monide en 1160 sugg�re � tous les faux convertis (anoussim)
de quitter le Maghreb.
Avec la destruction de Kairouan et les
massacres Almohades, prend fin toute une �poque : Kairouan et F�s principalement
mais aussi Ceuta, Mekn�s, Draa, Sigilmassa, Tahert, Tlemcen, Sfax, Gab�s, etc.,
qui avaient donn� naissance � des linguistes tels Dounach Ben Tanim, Dounach Ben
Labrat, Yehuda Ibn Kouraich et Yehuda Ibn Hayoudj qui ont �labor� la grammaire
h�bra�que et la linguistique compar�e. Des voyageurs et g�ographes, tel Avraham
Ben Yaakov Al Israili qui visita le royaume Khazar; des m�decins c�l�bres et
notamment Isaac Israeli qui fonda la premi�re �cole de m�decine du Maghreb. Des
po�tes et des conteurs tels Itshak Ibn Khalfoun et Nissim Ben Jacob. Des
talmudistes tels Hanael Ben Houchiel et Isaac Alfassi (le Rif) dont l��uvre
r�sume et cl�t toutes les halakhot talmudiques jusque l� connues. Le
philosophe Maimonide, qui fut son disciple, r�sume et classe les halakhot
talmudiques dans le Michn� Torah .
Apr�s l�av�nement almohade
intransigeant, beaucoup de Juifs partent en exil vers l�Andalousie plus
cl�mente. Au royaume de Grenade s�est constitu�e une civilisation
jud�o-arabe extr�mement avanc�e : po�tes, philosophes, astronomes, m�decins et
politiciens de renom ont v�cu en parfaite symbiose avec la communaut� arabe.
Pour ne citer que les plus illustres : Hasdai Ibn Chaprouth, Chmouel Hanaguid,
Yehuda Halevi, Ibn Ezra, Ibn Gabirol et Maimonide. En �crivant � le guide des
�gar�s � o� il essaie de concilier foi et rationalisme, Maimonide aura d�clench�
des controverses des si�cles durant jusque dans l�Espagne catholique.
Au XIIIe si�cle, les Juifs se
r�installent peu � peu en Afrique du Nord; plusieurs restrictions tels l�habit
sp�cial et distinctif, l�imp�t collectif et les corv�es de tous genres, voire
des pers�cutions arbitraires, limitent la libert� des Juifs; n�anmoins, ces
derniers assument une place pr�pond�rante dans le commerce et servent
d�ambassadeurs, de tr�soriers ou de vizirs aupr�s des diff�rents rois et il en
sera ainsi jusqu�� l��poque moderne. L�Afrique du Nord se s�pare alors en trois
royaumes : les M�rinides au Maroc, les Zyanides dans la r�gion de
Tlemcen et les Hafsides en Tunisie; le XIVe si�cle en sera un
calme en Afrique du Nord et l��tude de la Cabale et son amalgame avec la
philosophie est alors tr�s pouss�e. Le philosophe Yehouda Ben Nissim Ibn Malka
en est l�exemple.
En Espagne cependant, les trois grandes
religions se c�toient; les chr�tiens fanatis�s par les moines jaloux de la
prosp�rit� juive commettent des massacres d�une atrocit� in�gal�e � partir de
1391; les r�fugi�s juifs dont beaucoup se soumettaient � la conversion forc�e
pour pouvoir se sauver, affluent en Afrique du Nord, � Alger, Oran, Tunis,
Tripoli, Mostaganem, F�s et Marrakech, renfor�ant le juda�sme nord africain. Au
XVe si�cle, les rois d�Espagne cherchent � garder les Juifs, ne
pouvant apparemment se passer de leurs talents, tandis que le clerg�, lui, m�ne
une campagne anti-juive � outrance. Lorsque Ferdinand d�Aragon et Isabelle de
Castille unissent leurs royaumes, les moines ont les mains libres et c�est
l�Inquisition dirig�e par Torquemada puis l�expulsion des Juifs d�Espagne en
1492. Le Portugal � son tour prend exemple sur l�Espagne en 1496. Ces
expulsions s�accompagn�rent de pillages, massacres, tortures et plusieurs
dizaines de milliers p�rirent de faim, de maladie ou de la main des pirates de
la M�diterran�e.
L��tablissement des r�fugi�s (Megorachim)
renfor�a les communaut�s juives d�j� �tablies (Tochavim) et F�s redevient
le centre spirituel du Maroc. Tunis celui de Tunisie. D�autres continuent leur
route vers la Terre Sainte ou m�me la Gr�ce, la Turquie et la Bulgarie,
cependant que, les marranes d�Espagne et du Portugal � qui ont embrass�
ext�rieurement la foi catholique pour �chapper � leurs pers�cutions �
continueront d�affluer en Afrique du Nord, en Hollande, en Angleterre et en
Turquie au XVIe si�cle.
Au d�but de ce si�cle, des ch�rifs
saadiens originaires du Draa reprennent l�agitation religieuse et en 1553 le
Sultan saadien Al Mahdi occupe la totalit� du territoire marocain alors que
l�Alg�rie, la Tunisie et la Libye tombent aux mains des Ottomans. Des
batailles navales et des exp�ditions punitives caract�risent ce si�cle : Tunis
et Alger seront constamment assi�g�s par la flotte de Charles Quint, alors
qu�Anfa (Casablanca), Azemmour, Mazagan, Safi et Agadir le seront par les
Portugais. En 1578, la bataille des trois rois � Ksar-el-K�bir au Maroc entre
le roi du Portugal et deux pr�tendants au tr�ne marocain, consacre la puissance
Saadienne. Le Sultan El Mansour, tout en contrecarrant les pressions
hispano-portugaises et turques, pousse ses conqu�tes jusqu�� Tombouctou.
Le mouvement alaouite, nouveau
mouvement asc�te ayant pris naissance dans le Sud Marocain, se raffermit, et en
1664, Moulay Rachid r�gne au Maroc. Son successeur Moulay Isma�l, qui a laiss�
dans l�histoire une image de sultan cruel mais extr�mement ob�i, r�gnera 58 ans
jusqu�en 1727. Sous son r�gne, les Juifs se sentent beaucoup plus en s�curit�
et seront repr�sent�s officiellement par un Naguid. De m�me, ils seront
repr�sent�s par un � Mokadem � ou Zekan Hayehoudim en Alg�rie et
par un Ca�d en Tunisie et en Tripolitaine.
� la mort de Moulay Isma�l, le naguid
des Juifs marocains Haym Ben Attar (auteur du commentaire biblique Or Hahayim)
quitte le Maroc pour Livourne puis la Terre Sainte � J�rusalem o� il r�organise
la communaut� juive.
Trente ann�es d�anarchie suivent la mort
de Moulay Isma�l au Maroc jusqu�au r�gne de Moulay Mohamed ben Abdellah.
Celui-ci fait appel aux Juifs du Maroc pour fonder la ville de Mogador en 1765.
Son fils Moulay Yazid d�cide de faire pendre toutes les personnalit�s juives �
la cour et seule sa mort en 1792 �vite un massacre plus important.
L�attitude des souverains maghr�bins
envers la communaut� juive variera selon les caprices de ces derniers : en
g�n�ral, ils prot�geront les Juifs et c�est pourquoi le mellah � quartier juif �
de F�s c�toie le palais royal. Au cours de l�histoire on verra un roi se porter
au secours des Juifs lors d�un pogrom. Le dernier roi de la dynastie M�rinide
sera destitu� par la populace qui le trouvait trop conciliant envers les
isra�lites. Aux termes d�un accord de paix, un autre roi proposera le saccage
des quartiers juifs durant trois jours; la mort d�un roi sera traditionnellement
suivie d�une razzia des mellahs.
La protection des rois et le fait que la
plupart des positions cl�s du royaume �taient confi�es � des personnalit�s
isra�lites est loin de signifier que la communaut� dans son ensemble vivait de
fa�on ais�e : de par leur qualit� de prot�g�s � dhimmis � les Juifs sont
soumis � un imp�t exorbitant. De plus, ils sont tenus d�habiter un quartier
particulier � le Mellah � d�o� ils ne pourront sortir que d�chauss�s; ils
doivent porter un habit sp�cial et il leur est interdit de monter � cheval. Ils
ne peuvent se d�fendre contre un musulman m�me en cas de l�gitime d�fense, et,
pour la populace musulmane, toute occasion est bonne pour une razzia. Dans les
r�gions int�rieures, l'autorit� du souverain n'est pas affermie et les
communaut�s juives ne peuvent pas toujours jouir de la protection royale. Dans
les montagnes de l�Atlas et dans le Sud, les Juifs vivront � l��tat de servage.
La p�riode coloniale
En 1830, la conqu�te fran�aise commence,
et progressivement, les Juifs d�Alg�rie s�int�grent � la soci�t� fran�aise : �
partir de 1836 la fonction de Mokadem est supprim�e mais dans chaque
conseil municipal un adjoint isra�lite si�ge au c�t� des adjoints fran�ais et
musulmans. C�est ainsi que prend fin l�autonomie juive mill�naire d�Alg�rie.
En 1841 la juridiction des Isra�lites est confi�e aux tribunaux fran�ais;
cependant, un consistoire isra�lite d�Alg�rie est mis sur pied imitant celui de
France. En 1860 les Juifs sont tenus de faire le service militaire, et en 1870,
le d�cret Cr�mieux leur accorde la citoyennet� fran�aise. Ce faisant, le
gouvernement fran�ais rallie � lui la population juive, d�finitivement lib�r�e
de la tutelle musulmane.
Le Maroc devient protectorat fran�ais �
partir de 1906; des �meutes dans la ville de F�s tournent au pogrom jusqu��
l�arriv�e des Fran�ais; c�est alors que la biblioth�que juive de F�s o� �taient
conserv�s des manuscrits plusieurs fois centenaires est br�l�e. Le nord du
Maroc devient protectorat espagnol tandis que la Libye est occup�e par les
Italiens. La Tunisie devient protectorat fran�ais en 1881 et en 1910, les Juifs
de Tunisie ont droit � la citoyennet� fran�aise � titre individuel.
� partir de 1860 des �coles de
l�Alliance (Kol Israel Haverim) commencent � s�ouvrir en Afrique du Nord et
entament le processus de francisation des Juifs. La francisation des Juifs
d�Afrique du Nord d�abord combattue par les rabbins s�est peu � peu instaur�e
devenant la langue intellectuelle des communaut�s juives; la vie en Alg�rie
s�identifie rapidement � celle des Juifs de France. La vie juive au tournant de
ce si�cle aura �t� marqu�e par la profusion de mouvements de jeunesse sionistes
religieux ou scouts et d�institutions �ducatives juives. L��crivain Albert
Memmi recevra le prix Goncourt en 1952 pour son livre � La statue de sel �; ses
ouvrages ult�rieurs traiteront de la condition juive et de celle du colonis�.
L��crivain Andr� Chouraqui commence � retracer l�histoire du juda�sme nord
africain. Les cent derni�res ann�es auront vu rena�tre la litt�rature
jud�o-arabe notamment en Tunisie avec Elie Guedj, Hai Serfaty, Eliezer Fabri,
etc. Trente imprimeries h�bra�ques ont vu le jour en Afrique du Nord et plus de
3000 ouvrages en h�breu et en jud�o-arabe y furent �dit�s.
Au d�but du XXe si�cle,
l�antis�mitisme se fait plus virulent parmi les fran�ais en Alg�rie, la violence
anti-juive est ranim�e par l�affaire Dreyfus et l�antis�mite �douard Drummont,
d�put� d�Alger.
L�antis�mitisme fran�ais en Alg�rie
manifeste sa sympathie envers le nazisme et le 5 ao�t 1934, il s�en suit un
massacre � Constantine. Sous le gouvernement Vichyste, qui a collabor� avec
les Allemands pendant l�Occupation au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les
Juifs d�Afrique du Nord sont exclus de la vie publique et des �coles
gouvernementales. Il en sera de m�me en Libye sous l�occupation de l�Italie
fasciste; lors de la prise de la ville par Rommel, le quartier juif � Benghazi
est saccag� par de jeunes libyens; plus de 2000 Juifs seront d�port�s dans le
d�sert du Giadu et plus du quart n'en reviendront pas. Les Juifs seront soumis
aux travaux forc�s en avril 1941; en novembre de la m�me ann�e, les Allemands
occupent l�Est tunisien : les personnalit�s juives sont alors arr�t�es et 5000
travailleurs livr�s aux camps de travail; certains seront d�port�s dans les
camps de la mort en Europe, ou m�me fusill�s sur place.
En Alg�rie o� les Juifs avaient combattu
sous le drapeau fran�ais en 1870 et lors de la Premi�re Guerre Mondiale,
constituant ainsi un facteur important de la R�sistance fran�aise, la
l�gislation antis�mite persiste apr�s le d�barquement alli� en novembre 1941 et
le g�n�ral fran�ais Giraud pr�pare des camps d�internement pour les Juifs. Ce
n�est que lorsque De Gaulle sera le ma�tre incontest� de la R�sistance et
pr�sident du Comit� de Lib�ration en fin 1943 que la condition des Juifs
d�Afrique du Nord s�am�liore.
Au Maroc, le Sultan Mohammed V s��tait
ouvertement oppos� aux mesures racistes prises � l��gard des Juifs par le
gouvernement de Vichy; cependant, lors du d�barquement alli�, il y aura un
pogrom � Casablanca. En Libye o� la brigade juive de Palestine �tait entr�e en
contact avec la population juive apr�s la bataille d�El Alamein, deux pogroms
�clatent en 1945 puis en 1948, et l�ann�e m�me verra le d�part en bloc de la
communaut� juive (31000) � destination d'Isra�l.
� partir de 1946 les mouvements
sionistes Yehouda Halevi et Shivat Tsion sont fond�s. L�immigration ill�gale
ainsi qu�un afflux de volontaires lors de la guerre d�ind�pendance d�Isra�l
commencent alors. Des pogroms perp�tr�s � Dj�rada et Oujda font suite � l�appel
� la � guerre sainte � en Palestine et, d�s 1949, l��migration massive des Juifs
du Maroc et de Tunisie d�bute.
La p�riode moderne
Le XXe si�cle aura �t� marqu�
par un ensemble de tendances complexes au sein des communaut�s : la francisation
intensive s�accompagne souvent d�assimilation; les communaut�s commencent �
r�organiser la vie juive en cr�ant des institutions ad�quates aux temps
modernes. Les mouvements nationaux nord-africains prennent de plus en plus
d�ampleur apr�s 1940. Les d�buts du sionisme vont compliquer le contexte
jud�o-arabe. Au XIXe si�cle, d�j�, une importante �migration
maghr�bine pour la Terre Sainte avait commenc�; c�est ainsi que Tib�riade avait
�t� surnomm�e la petite Mekn�s et � J�rusalem les maghr�bins avaient leur propre
quartier face au Mur des Lamentations. Avec la fondation de l��tat d�Isra�l
commencera l�exode de la grande majorit� de la communaut�.
En 1948 la population juive d'Afrique du
Nord �tait r�partie comme suit : 263000 au Maroc, 130000 en Alg�rie, 101000 en
Tunisie, 38000 en Libye et pr�s de 35000 Maghr�bins (Maaravim) en Isra�l. Les
communaut�s marocaines, tunisiennes et libyennes iront dans leur grande majorit�
en Isra�l, tandis que la communaut� alg�rienne choisira de s��tablir en France
apr�s l�ind�pendance alg�rienne. En 1953 le roi Mohammed V est destitu� au
Maroc, d�clenchant une r�sistance populaire � la pr�sence fran�aise. Le 6
novembre 1955, Mohammed V revient d'exil et peu apr�s, le Maroc et la Tunisie
acqui�rent leur ind�pendance. Des ministres Juifs seront m�me nomm�s :
Benzaquen au Maroc, Blessis en Tunisie; l�immigration pour Isra�l est alors
interdite quoique la plupart du temps les autorit�s fermeront les yeux pour les
d�parts. Il y aura durcissement apr�s que le bateau Pisces charg� d��migrants
clandestins aura coul� au large de Gibraltar, d�clenchant l��motion
internationale. Des manifestations antijuives pr�c�deront la visite du
pr�sident Nasser au Maroc en 1962. � la m�me �poque, des conversions forc�es de
jeunes juives s�ment l�ins�curit� dans la communaut� juive marocaine. Lors de
l�accession de l�Alg�rie � l�ind�pendance, 120000 Juifs alg�riens vont s��tablir
en France, 15000 en Isra�l et 10000 se dispersent dans divers pays.
En Isra�l, la plupart des immigrants
Nord Africains ont peupl� les r�gions frontali�res en Galil�e et au N�gev; ils
b�tissent dans le pays un nombre impressionnant de Mochavim. Dans leur grande
majorit� les populations s�pharades se sentent l�s�es par rapport � l�Isra�l
aschk�naze et v�t�ran. En 1958 �clateront des �meutes � Wadi Salib, � Haifa,
soulevant de fa�on plus aigu� le probl�me du � second Isra�l �, celui des
ressortissants des pays de l�Islam. Depuis 1960, il semble y avoir un
ralentissement de l�alyah en Isra�l malgr� les progr�s �conomiques du
pays; beaucoup choisissent de s��tablir en France, parfois en Espagne ou au
Canada. Aujourd�hui la communaut� juive nord-africaine comprend : 20000 en
Afrique du Nord, 350000 en France, 25000 au Canada, 420000 en Isra�l et 10000
dans d�autres pays.
Lors de la Guerre des Six Jours en 1967,
la grande synagogue de Tunis est incendi�e. Apr�s la Guerre des Six Jours, il y
a durcissement chez les dirigeants nord africains : le pr�sident Khadafi au
pouvoir depuis 1969 se veut le plus intransigeant des leaders arabes et utilise
ses ressources en p�trole dans sa politique haineusement anti-isra�lienne. Le
Maroc et l�Alg�rie envoient des contingents militaires en Syrie et en �gypte
pour participer � la guerre de Kippour en 1973. Au Maroc, le roi Hassan II
exige que l�on fasse une distinction entre Juifs et sionistes malgr� les
critiques de nombreux politiciens. Il ira m�me jusqu�� proposer un retour des
Juifs au Maroc.
L�attitude du roi Hassan II est
tactiquement suivie par d�autres chefs d��tat arabes : des d�clarations appuyant
le retour des Juifs sont �mises alors que pr�s d�un million de Juifs originaires
des pays arabes ont trouv� patrie en Isra�l, et qu�une g�n�ration bien ancr�e
sur son sol y est n�e. En Syrie et en Irak les Juifs furent longtemps tenus en
otages et n�ont pas droit aux libert�s civiles �l�mentaires; ailleurs au Moyen
Orient il n�y a plus trace des anciennes communaut�s juives. Cependant, l�on
publie dans la plupart des pays arabes de la litt�rature moyen�geuse et
antis�mite; un boycott �conomique et politique tend � vouloir isoler Isra�l de
la sc�ne internationale � grands coups de p�trodollars. Isra�l est exclu des
organisations internationales sportives et culturelles, et des motions de vote
anti-isra�liennes d�ferlent aux Nations unies. Il semble que, parall�lement �
l��volution anti-juda�que puis antis�mite en Europe, l�on passe de
l�antijuda�sme � l�anti-sionisme dans les pays arabes sans vouloir comprendre
que plus jamais, le juif n�acceptera de vivre en minorit� tol�r�e et que, la
nation juive a, tout comme les autres nations, retrouv� sa dignit�. Les
n�gociations entre l��gypte et Isra�l depuis novembre 1976 constituent cependant
un signe pr�curseur d�un d�gel dont il y a tout lieu de se f�liciter.
La revendication sociale des s�pharades
et notamment des originaires d'Afrique du Nord s'exprimera par le mouvement des
Panth�res noires dans les ann�es 70. Parall�lement, le mouvement �tudiant
Oded se lance dans l'action sociale aupr�s des couches d�favoris�es de la
soci�t� isra�lienne. Les ann�es 90 verront na�tre un parti politique religieux
orthodoxe, le Chass, lequel prend une importance majeure au parlement
isra�lienne, la Knesset. Dans les diverses diasporas, les Juifs Nord africains
sont pour la plupart fra�chement �migr�s et leur int�gration, quoique le plus
souvent r�ussie sur le plan �conomique, est encore en qu�te d��quilibre.
Que repr�sentent les traditions et les
valeurs s�culaires du juda�sme et que veut dire �tre Juif? Les attaches
ombilicales avec le monde traditionnel ne sont pas totalement sevr�es; il faut
faire face parfois � d�autres formes d�anti-juda�sme; la pr�pond�rance de
l�actualit� isra�lienne sur la sc�ne internationale ne peut laisser
indiff�rent. Comment donc concilier tant de valeurs inh�rentes dans son nouveau
contexte? Comment s�adapter au monde moderne sans se renier et comment
retourner aux sources sans s�ali�ner? Les multiples d�racinements qu�ont v�cu
les communaut�s nord africaines en ont fait une entit� qui se cherche. La
l�thargie qui a suivi l��ge d�Or s�pharade prend fin et l��veil se fait en un
moment extr�mement critique : ayant cohabit� avec l�Orient et l�Occident, le
tiers monde et le monde occidental, la communaut� juive nord africaine est
appel�e � jouer un r�le de catalyseur dans un monde en crise.
David Bensoussan