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               MA JEUNESSE DANS LA ALIAH CLANDESTINE 1959-1961
                     SUITE 2          
          par Dan Knafou

 

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Entre temps, nous apprîmes le naufrage du Pisces (Egoz) qui avait à son bord quarante quatre émigrants clandestins. Il n’y eut aucun survivant. Tous périrent noyés ce 11ème jour du mois de janvier 1961. Tout le monde connaît cette tragédie. Incidemment, j’avais à cette époque, des contacts avec un groupe de jeunes qui avaient quitté le Maroc et pendant plusieurs jours, leurs familles et moi-même étions très inquiets du fait qu’ils auraient pu embarquer sur le Pisces ! Par Bonheur il s’avéra que ce n’était pas le cas.

L’organisation décida de publier un tract, dont l’original est toujours en ma possession, destiné à être distribué dans toutes les villes du Maroc. Dix mille tracts ont donc été imprimés. Daphna fut chargée de se rendre à Tanger et de remettre les tracts au groupe responsable de leur distribution dans les boîtes aux lettres de tous les Juifs de Tanger. Cette action s’est répétée dans les principales villes du Maroc. Des haverim d’autres mouvements ont pris part à cette opération d’envergure.


11 - Tract de l'operation Bazak

Nos camarades, ex-prisonniers de Nador, nous téléphonèrent de leur hôtel à Tanger pour nous dire qu’ils s’étaient trouvés nez à nez avec le juge de Nador, lequel y était en compagnie d’une de ses maîtresses. Le juge les menaça de les remettre en prison. Chez nous ce fut le branle-bas de combat pour les déménager et les installer dans un autre hôtel plus sûr et dans une autre partie de la ville. Nous craignions de graves répercussions. Comme les haverim manquaient d’argent, je dus leur apporter les fonds nécessaires. Daphna, avec son paquet de tracts, et moi avec l’argent, nous sommes retrouvés dans le même autobus en direction de Tanger, transgressant les consignes de sécurité, alors que nous aurions dû voyager séparément. Mais, voyez-vous, l’amour fut le plus fort !

À Tanger, Daphna rencontra les haverim qui devaient s’occuper des tracts et me rejoignit auprès de nos camarades sortis de prison. Chacun d’eux nous raconta les péripéties de ce triste moment de leur vie. Quelques semaines plus tard, ils quittèrent le Maroc et arrivèrent sains et saufs à l’Achshara d’Agen.

Le shaliach Simon Meller ayant terminé son mandat au Maroc, nous reçûmes son remplaçant dont je n’ai jamais connu le nom. Nous l’appelions Yves. Nous recevions souvent la visite de shlichim et j’étais chargé de leur faire visiter le Maroc. J’en fis de même pour Yves. Nous envoyâmes aussi une havera, Danielle, et un haver, David, au Machon le Madriche Houtz Laaretz, à Jérusalem. En fait, nous étions heureux puisque la relève arriverait un an plus tard.

Comme je l’ai mentionné, j’avais quitté le mouvement pour travailler dans la Makela. J’avais hâte de faire Aliya. Les parents de Daphna, que j’avais rencontrés, espéraient que nous nous mariions au Maroc, pour être plus tranquilles. Je n’y voyais aucun inconvénient. Le problème n’était que financier. Mon salaire suffisait à payer mon logement et ma nourriture. Ma mère et mes frères se trouvaient déjà en Israël. Mon père, qui était encore au Maroc, a été présenté à ma future belle-famille et, ce jour là, ils sont convenus d’une date pour notre mariage, le 19 février 1961. Et moi qui n’avais même pas de quoi acheter une alliance ! Mes beaux parents se chargèrent d’organiser la cérémonie chez eux avec l’aide de mon père. Celui-ci offrit une gourmette à Daphna et acheta nos alliances et mon costume de mariage. Quatre jours avant le mariage, je reçus l’ordre de me mettre au frais et de renoncer à toute activité. J’étais brûlé ! Nous étions très ennuyés, car tout était prêt pour le mariage et personne de la famille n’était au courant de mes activités. Tous pensaient que je travaillais pour une compagnie d’assurance. Ces quelques jours d’incertitude furent un moment difficile.

Je me demande aujourd’hui quel supplice aurait été le pire : être arrêté ou vivre 43 ans avec la même femme ? Mais le jour du mariage arriva sans incident et se déroula en présence d’une trentaine de convives.

Le lendemain, nous rendîmes visite à mes beaux-parents. En descendant de voiture, je vis mon beau-père faisant les cent pas en bas de l’immeuble. Nous comprîmes tout de suite que quelque chose n’allait pas. Il avait reçu la visite de mon père qui lui avait appris que la police avait fait irruption chez lui le matin même, recherchant un certain Claude Knafou , mon véritable nom ! Il était clair qu’à partir de ce moment nous devions faire nos adieux, sans savoir quand nous nous reverrions.

Nous nous cachâmes dans mon appartement secret. Ainsi commença notre union dans une prison dorée. Roger B…, dont j’ai parlé plus haut, devint notre ange gardien. Il nous rendait visite presque tous les jours et nous apportait des victuailles et des nouvelles. Il nous était formellement interdit de sortir. Malgré cela, Daphna descendait à l’épicerie tous les matins pour téléphoner à ses parents et les rassurer. Elle leur racontait que notre voyage de noces à travers le Maroc se passait très bien... En réalité, nous n’avions aucune activité à part écouter de la musique, manger et le reste. C’est fou, quand je me rappelle de cette période. Être enfermé tant de temps avec une jolie fille, ce serait mon rêve aujourd’hui. À l’époque, je n’ai pas su apprécier ce moment. La patience n’était pas une de mes vertus. Notre seule bouffée d’air frais venant de l’extérieur était la visite quotidienne de Roger.

Daphna détenait un passeport marocain encore valide. Quant à moi, l’organisation me fabriqua un passeport français portant un pseudonyme. Puis, l’éternelle question posée à Roger : À quand le départ ?

Le 26 février 1961, nous apprîmes par la radio le décès du Roi du Maroc, Mohammed V. Le Maroc entier était en émoi. La communauté juive manifesta son deuil en défilant dans les rues de Casablanca. Nous pouvions les voir défiler sous notre balcon.

La radio ne diffusait que des prières en Arabe et parfois un peu de musique classique. Nous écoutions donc le seul disque de Jacques Brel en notre possession et, particulièrement, nos chansons favorites, « Ne me quitte pas » et « La valse à mille temps ». Et Roger qui revenait tous les jours avec son petit panier !  


12 – Les juifs rendent hommage à Mohamed V

Enfin, un beau matin, il nous indiqua que nous devions nous préparer à un départ imminent, et nous fit part du scénario à suivre : Daphna partirait seule sur le vol à destination de Paris faisant escale à Rabat. Quant à moi, Roger me conduirait par la route à l’aéroport de Rabat où j’embarquerai dans l’avion qui nous emmènerait, Daphna et moi, vers Paris et la liberté.

Le grand jour arriva donc, le 8 mars 1961. Nous suivîmes le scénario à la lettre. L’avion de Daphna fit escale à Rabat, comme prévu. Je présentai mon passeport au douanier, le cœur battant. Il y apposa son tampon et le mit de côté avec d’autres passeports. Cette situation m’inquiéta et je redoutai le moment où on me dirait : « Monsieur vous ne pouvez pas partir ! ». L’heure du départ approchait et toujours pas de passeport. La mort dans l’âme, je me décidai à retourner au guichet pour y réclamer mon passeport. À ma grande surprise, le douanier, arborant un grand sourire, s’excusa et m’expliqua qu’il l’avait mis par erreur en dessous d’une pile de passeports appartenant à une famille de dix personnes. J’aurais pu l’embrasser ! Je passai la barrière avec soulagement et retrouvai Daphna qui m’attendait, inquiète, dans l’avion. Nous ne nous parlions pas. Sécurité, sécurité !

Nous étions heureux de quitter le Maroc sans aucun problème et d’arriver enfin à Paris. Dès notre arrivée, nous  prîmes contact avec l’Ambassade d’Israël et nous rencontrâmes un membre du Renseignement qui nous  expliqua les circonstances dans lesquelles j’avais été brûlé, et comment la police avait pu remonter jusqu’à mon père : un groupe d’adolescents, émigrants clandestins, avait été arrêté à la frontière et les parents de ce groupe convoqués pour interrogatoire. Le père d’une des filles – qui elle-même ne connaissait pas l’identité de la personne venue la chercher –, fut requis de divulguer un nom. Sous la pression de la police, et la peur que sa fille soit inquiétée il craqua et, connaissant ma famille et sachant que j’avais été en Israël, donna mon nom.


12 – Le Garin Solelim à Agen

Après trois semaines passées à Paris, nous partî­mes pour Agen rejoindre notre Garin. Trois mois plus tard, nous quittions l’Achshara pour arriver enfin en Israël le 30 juin 1961.

  Montréal, le 27 octobre 2004

 

Je tiens à remercier ma femme pour sa patience légendaire et mon ami Jean-Patrick Krief pour sa contribution à ce récit.

 

Humblement, Dan Knafou

 

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 DAFINA 

Repas traditionel du chabbat, ce mets a base de ble, pois chiches et viande etait cuit toute la nuit dans un four ferme a basse temperature. Le mot vient de l'Arabe dafina/adafina qui veut dire "couvert, etouffe".
Cliquez ici pour la recette.

 

 


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