All Africa, 16 mai 2004
La journée avait débuté lentement. Un premier bus arrive aux environs de 09h00 devant La Casa de Espana, trouvant un comité d'accueil plutôt restreint avec des drapeaux et des couleurs.
L'ambiance ressemble fortement à celle des jours qui ont suivi le 16 mai 2003, à la différence près que les séquelles des ignobles attentats de ce triste soir ont disparu et que les portes de l'établissement sont toutes neuves.
Les jeunes qui débarqueront du bus arborant les couleurs nationales commenceront à réchauffer l'ambiance.
Des slogans, l'hymne national et une agitation qui va crescendo sous les regards de plusieurs délégations de journalistes marocains et étrangers.
Quelques minutes avant 09h30, ce sont deux autres bus qui vont arriver, l'un avec des élèves venus de plusieurs établissements de Casablanca, l'autre arrivé de très loin, de Kelaâ de Sraghna et avec ces nouveaux arrivés, l'ambiance s'échauffera au point où les organisateurs de cette initiative intitulée la Caravane de la coexistence, les membres de l'Organisation marocaine de lutte contre la haine et le racisme, auront du mal à mettre en branle le groupe pour sa seconde destination : l'église Saint Anne, boulevard Zerktouni. Sur place, les consignes sont données pour une entrée silencieuse à l'intérieur de l'église et la séance qui sera brève, sera aussi bénéfique pour les jeunes dont la curiosité est aiguisée par la découverte des lieux, du père Antoine qui y officie et de l'histoire de cet édifice construit dans les années 40 du siècle dernier.
Le voyage de ces jeunes atteindra son moment culminant, avec l'arrivée des jeunes de différents quartiers de la ville, au cercle de l'Alliance israélite du Maroc. Des scouts juifs du Maroc ont constitué un comité d'accueil.
La rencontre débutera par l'hymne national, entonné par ces jeunes aux uniformes différents, des deux confessions que rassemblent ce chant et ces couleurs du drapeau national brandi très haut.
Outre les membres du cercle et les participants à cette cérémonie, ces voix juvéniles qui chantent attireront les regards des passants qui jettent un premier coup d'oeil, puis s'arrêtent et participent.
Pendant ce temps-là, l'heure tourne et il faut partir car le programme de la Caravane est encore chargé.
Aux trois bus des jeunes musulmans s'ajoutent les deux bus des scouts juifs pour poursuivre un voyage qui les mène à la synagogue Beit El.
Là, la cérémonie sera plus solennelle, avec un discours du Rabbin Hazout Israël qui donnera un aperçu de l'histoire de cette synagogue avant de faire les prières rituelles pour la paix de l'âme des victimes des attentats, tel que l'a fait son collègue de l'église.
Là encore, l'émotion monte d'un cran et le cortège qui se sera attardé un peu repart vers la Corniche et la Mosquée Hassan II.
Une visite collective sera effectuée à l'intérieur de ce monument de l'architecture et de la spiritualité.
Et un des participants ne pourra pas s'empêcher de dire à un voisin: "C'est le plus beau jour de ma vie".
L'émotion atteindra son comble, à l'étape suivante qui, en étant le lieu final de la Caravane, ne sera en réalité qu'un point de repère pour cette communion nationale qui doit se poursuivre.
Les participants à la Caravane, petits et grands, arrivent au musée du judaïsme marocain avec des étoiles dans les yeux.
Après les mots de bienvenue, prononcés par le président du musée M. Simon Levy, la cérémonie débutera par la levée des couleurs, au son de plusieurs dizaines de voix des jeunes marocains qui, au-delà de leurs confessions et leurs différeences vestimentaires, se fondent en une seule voix, celle de la nation et de cet hymne national. Le spectacle fera pleurer d'émotion de nombreuses personnes qui ont assisté à cette cérémonie, comme elles seront émues par cette accolade et les paroles des trois théologiens Cheikh Soulaimane Khanjari, iman de la mosquée de l'Université Al Akhawaine, le pères Jacques Levrat de l'église franciscaine au Maroc, le Rabbin Mouche Ohayou qui rappelleront l'importance de la paix, la fraternité, la coexistence et l'amour dans le message sacré.
Et cette cérémonie sera clôturée par une allocution du secrétaire d'Etat à la Jeunesse qui, après avoir présidé l'ouverture du Festival de la Tolérance, organisé par son département, au parc "La Casablancaise", vient assister à cette grandiose communion entre des jeunes marocains autour des valeurs de la Nation et de la patrie. Une communion pour le souvenir, pétrie d'émotion et de volonté d'opposer au projet du chaos et de la mort des terroristes et de leurs idéologues, les valeurs de la vie.
"Encercler la haine et le racisme avec l'amour et la vie" pour en extraire les racines malfaisantes, tel que l'a rappelé M. Mohamed El Gahs.