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ZORAN MUSIC est mort le 25 mai 2005

Envoyé par vanessaorient 
ZORAN MUSIC est mort le 25 mai 2005
27 mai 2005, 09:28
ZORAN MUSIC

propos recueillis par Vanessa DELOUYA



Peintre déraciné d'origine slovène, Zoran Music vit entre Paris et Venise. Une consécration lui est réservée au Grand Palais dès le 4 avril 1995. On pourrait dire de lui que c'est un peintre assis, à la manière des orientaux, de ceux qui attendent l'événementiel : que la lumière advienne. Pour avoir longtemps médité sur le paysage intérieur des hommes, Music réussit à peindre l'inénarrable, à faire un « tableau » de sa vision vécue à Dachau. Peintre de la transhumance, du dedans et du dehors, des cathédrales et des portraits, de l'univers concentrationnaire aux déserts dalmates, il transfigure la mémoire en « trésor » d'où il puise indéfiniment. Ses tableaux sont des offrandes issues des traversées-trouées. Recevons-les comme les relais de transmission d'un peintre survivant, devenu anachorète.

Zoran Music, témoin d'un événement insoutenable: - Dachau, que pouvez-vous en dire aujourd'hui, à 85 ans?

L'énormité des camps et ce qui s'y déroulait n'est pas mesurable. L'insoutenable, je l'ai vécu, il m'est apparu bénéfique ultérieurement. Avec du recul, il me semble que cet accident date d'un siècle, tout comme d'hier. En fait, c'est le caractère omniprésent d'un événement qui finit par être positif, nous incitant à une réflexion active.

Vous avez dit: « Ce ne sont pas les yeux qui travaillent mais ce qu'on porte en soi.. Il faudrait pouvoir travailler les yeux fermés. »

L'image rendue serait plus authentique sans le recours des yeux, la mémoire y suffirait. On s'encombre souvent de superflu, de détails.

Pensez-vous que sans chercher à l'être, tout art est commémoratif ?

Certainement. On ne raconte que soi-même et rien d'autre. L'art illustratif ne me touche pas à cause de sa superficialité.

Transfigurer le désastre en lui donnant une dimension métaphysique, là est votre force. En êtes-vous conscient ?

Cette dimension et cette force dont vous par-lez, je les espère mais ne les contrôle pas. Trop de conscience conduit à un système. Je me méfie des formulations rhétoriques. Ma préoccupation première est d'éviter l'illustration. Ce qui importe, dans la création, c'est d'où elle revient, par quoi elle a été traversée.

Comment échapper au thème récurrent qui nous obsède ?

Pourquoi y échapper ! L'obsession peut présager un aspect positif, tel un trésor vers lequel on revient pour s'y plonger.

Peindre l'insoutenable pour le conjurer, l'exorciser ?

La notion d'insoutenable est relative souvent inconsciente. Tout vécu finit par vous imprimer : Ça reste en nous, jusqu'à modifier notre mentalité positivement. Le besoin d'exorciser ce « vécu » ne s'est pas imposé à moi. La période « dalmate » en rapport avec mon enfance, m'est revenue comme un rêve. Peut-être comme un répit pour estomper momentanément Dachau.

L'artiste est porteur d'un « trésor » dites-vous, la mémoire comme tréfonds inépuisable ?

Certes, la mémoire a une fonction de puits, mais ou s'arrête l'eau ? On n'y pense pas c'est l'œuvre qui répond à toutes ces questions.

En 1972, vous revenez à la thématique des chantiers des camps avec une série intitulée: « Nous ne sommes pas les derniers. » Qu'entendez-vous par ce titre ?

Dans les camps de Dachau, entre nous, nous formulions une conviction : « Jamais plus une chose pareille ne se répétera. » Vingt cinq ans plus tard, aujourd'hui même, l'histoire et l'actualité démentent notre souhait. D'où le titre de cette série.

Klimt, Schiele, Goya, Gréco, Bacon, Giacometti, vous ont touché. Qu'en est-il de Primo Lévi, Paul Celan, Georges Perec ?

Si j'étais écrivain, je ne me serais pas attardé sur des illustrations mais sur des souffrances intérieures, invisibles. L'illustration sous toutes ses formes me gêne, elle est fatalement superficielle. Dans une toile, ce qui importe, c'est la lumière rendue ; dans un livre, ce que l'on retient, c'est l'émotion véhiculée par les personnages : la narration n'est que broderie. Paul Celan, par sa concision et sa pudeur m'est plus proche.

Qu'est-ce qui est tapi derrière le tableau ?

Ces interrogations concernent le regardant, pas le peintre. L'Artiste doit exprimer sa vérité, faire un avec elle. Il voudrait être dans la toile et la toile dans lui. Ne plus savoir où il commence, où elle finit. Le tableau n'est pas créé intentionnellement : l'artiste le porte sur tout un parcours et le transmet dans un second temps.

Souvent, l'artiste part d'un morcellement d'identité et tente de peindre pour se rassembler, se définir par là -même. L'œuvre a-t-elle un tel pouvoir d'unité ?

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de morcellement comme point de départ. L'idée de chercher ou de se chercher m'est étrangère. L'artiste devrait être porteur d'un monde intérieur déjà constitué. Le temps et la maturité contribuent à un rapprochement vers sa vérité. Là est l'essentiel.




© Les Etats Généraux de la Psychanalyse - 2001 -







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Culture

Zoran Music, mort à Venise
Le peintre italo-slovène, dont l'œuvre a longtemps été hantée par les atrocités nazies perpétrées au camp de Dachau où il fut déporté en 1944, est décédé mercredi à Venise à l'âge de 96 ans.

Par Alain DREYFUS
jeudi 26 mai 2005 (Liberation.fr - 16:54)





rente-six croquis fébriles, souvent déchirés ou balafrés: ce sont les seuls survivants des deux cents dessins que Zoran Music exécuta en cachette lors de sa captivité à Dachau en 1945. Celui qui a ramené un témoignage unique de l'univers concentrationnaire est mort mercredi dernier à Venise à 96 ans, a annoncé jeudi Jean Clair, son mentor, directeur du musée Picasso.

Né en 1909 à Gorizia, une ville frontalière entre Italie et Slovénie, Music a débuté à Vienne, où triomphaient alors Egon Shiele et Gustav Klimt. Il poursuit son apprentissage à Zagreb et découvre les expressionnistes allemands, Otto Dix et Georges Grosz. Son éducation picturale l'entraîne aussi à Madrid où il copie des Goya et des Gréco, tout en élaborant des toiles douces, aux teintes sourdes, effacement de formes dans un brouillard. Arrêté en 1944 à Venise par la Gestapo, sur le soupçon d'activités antifascistes, il est immédiatement déporté. Les images qu'il rapporte de Dachau sont des instantanés de l'enfer: pendus hallucinés pantalon aux chevilles, cadavres nus aux membres fins comme des pattes d'insecte, ou tête-bêche dans de pauvres cercueils, orbites béantes, bouches édentées et sexes proéminents.

Artiste reconnu depuis les années 70, Zoran Music, qui partageait sa vie entre Paris et Venise, a encore longtemps pratiqué l'autoportrait, en dépit d'une vue chancelante, mettant en scène sa haute silhouette, nue ou en toge, en quelques coups de fusain sur de grandes trames écrues.

Les Galeries nationales du Grand Palais avaient consacré à Zoran Music une grande exposition en 1995, inaugurée par François Mitterrand, un de ses proches, qui rassemblait 112 peintures et 149 œuvres sur papier - dessins, gouaches, aquarelles.

La même année, Zoran Music avait fait une importante donation aux collections publiques françaises, dont dix feuilles sur les trente-six de la série exécutée par l'artiste à Dachau, qui sont conservées au cabinet d'art graphique du musée d'art moderne au Centre Pompidou.



[www.liberation.fr]







Modifié 1 fois. Dernière modification le 29/05/2005 01:45 par Dafouineuse.
Re: ZORAN MUSIC est mort le 25 mai 2005
29 mai 2005, 05:06
DE SON VIVANT CET ARTISTE FORMIDABLE N A PAS EU TANT DE GRANDES EXPOSITIONS CONTRAIREMENT A DES ARTISTES TRES MEDIATISES TYPES BUREN OU SAINT PHALLE
ESPERONS QUE SA MORT DECLANCHE DES REMORDS A CERTAINS CONSERVATEURS POUR LES PROVOQUER ET LES INITIER A MONTER DES EXPOS DIGNES DE CET ARTISTE ET A LE FAIRE CONNAITRE DU GRAND PUBLIC
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