LA VICTOIRE N'APPARTIENT JAMAIS AUX LACHES NI AUX CRIMINELS
Par Guy Millière, essayiste, écrivain et professeur à l'Université de Paris
Rentrant tout juste d'un séjour de plusieurs semaines à l'étranger, je ne peux m'empêcher de penser que j'arrive en territoire occupé. Occupé mentalement par une pensée unique fondamentalement anti-américaine, anti-israélienne et « pro-palestinienne ». Occupé médiatiquement par des journalistes qui ne semblent plus, à de très rares exceptions près, capables de cacher leurs préférences idéologiques et leurs préjugés.
On parle à longueur de journée, dans les media, de la souffrance des Libanais : je peux la concevoir, et je ne doute pas que la population libanaise souffre, mais j'aimerais vivement entendre parler, aussi, et dans les mêmes proportions, de la population israélienne, qui n'abrite sur son sol aucune organisation terroriste. J'aimerais qu'on parle du soutien des Libanais chiites au Hezbollah qui se conduit comme un Etat dans l'Etat et qui prend les populations civiles en otage. J'aimerais qu'on parle des efforts extrêmes faits par l'armée israélienne pour éviter de blesser des civils, de la façon dont le Hezbollah utilise des boucliers humains, des raisons pour lesquelles Israël coupe le Hezbollah de toute ligne d'approvisionnement venue de l'extérieur, par voie terrestre, aérienne ou maritime. J'aimerais aussi qu'au lieu de se contenter d'interroger les
Libanais de France qui ont de la famille au Liban, on s'intéresse aussi aux membres de la communauté juive française qui ont de la famille en Israël.
Pour avoir une image équilibrée de la situation, je dois me tourner vers la presse ou les radios juives, ou les média américains, comme on écoutait Radio Londres il y a soixante ans. Depuis mon retour, je n'ai pas encore repris contact avec mes amis juifs français, mais je ne doute pas de leur sentiment de solitude et d'incompréhension, et je dois dire, d'emblée, que je partage ces sentiments, comme je partage ceux de la population israélienne en ces temps d'épreuve où il lui faut faire, une fois de plus, preuve d'opiniâtreté et de courage.
L'une des expressions que je ne peux littéralement plus supporter est «communauté internationale ». Je ne sais pas ce que c'est que la « communauté internationale ». Si c'est l'ONU, celle-ci me fait penser à une assemblée de lâches et de cyniques, où quelques rares hommes, représentant de rares pays équilibrés, défendent leurs valeurs. Heureusement que George Bush a nommé aux Nations Unies un homme de la trempe de John Bolton. Sinon, ces derniers jours, c'eût été encore le pays agressé qui aurait fait l'objet d'une condamnation quasi unanime. La « communauté internationale » ne me paraît pas davantage correspondre au G8 qui vient de se réunir à Saint-Pétersbourg et où seul George Bush a affirmé clairement le droit d'Israël à se défendre contre une organisation terroriste.
Je ne supporte plus, non plus, des expressions telles que « cycle de la violence », comme si la violence était une chose en soi, sans cause ni effet, et comme s'il n'y avait pas de différence entre l'action d'un pays démocratique pour se défendre et les exactions de groupes terroristes pour détruire et tuer.
La guerre, il faut être lucide, ne fait vraisemblablement que commencer. Israël est confronté à des organisations, le Hamas et le Hezbollah, qui n' existent que pour imposer leur vision de l'islam, pour réaliser les objectifs de leurs patrons de Téhéran et de Damas, en détruisant, tuant, assassinant et en faisant régner la terreur. De telles organisations n'ont pas de légitimité en termes civilisationnels. Elles n'appartiennent pas à la sphère de la civilisation, mais à celle de la pire barbarie exterminationniste.
Ecraser le Hamas, aussi fortement que possible et avec aussi peu de restes que possible, serait une action de salubrité pour la population israélienne, mais aussi pour les populations arabes de Cisjordanie et de Gaza, qui doivent pouvoir se voir proposer un avenir meilleur que le chaos, la haine antisémite et la violence. Et il devrait être temps de dire que l'élection démocratique de criminels ne change pas leur nature de criminels, et montre simplement le degré de pathologie mentale auquel les électeurs qui choisissent de tels représentants se trouvent réduits.
Il en est de même pour le Hezbollah. La population israélienne ne peut vivre sous la menace de missiles tirés par des hommes possédés par le pire fanatisme, et la population libanaise devra, tôt ou tard, se délivrer de la terreur et du climat poisseux que font régner les sbires du cheikh Nasrallah et que disséminent les ondes de la chaîne nazislamiste al Manar.
On peut, hélas, compter sur le gouvernement français pour tenter de sauver le Hamas et le Hezbollah : la visite de Villepin à Beyrouth vise à victimiser le Liban et à accuser Israël, où, d'un point de vue chiraco-villepinien, on ne trouve pas vraiment de victimes.
Mais on peut également compter sur Israël et le gouvernement américain pour l'en empêcher, et j'aurais tendance à penser que les vents de saison ne sont guère favorables à la France. La vieille « politique arabe », conçue au temps du gaullisme péremptoire, n'est plus : les gouvernements de l'Egypte, de la Jordanie, de l'Irak, de l'Arabie Saoudite, de Dubaï et de plusieurs autres pays arabes ont fait savoir clairement qu'ils prenaient leurs distances avec le comportement du Hamas et du Hezbollah. Leur langage a été plus clair, cette fois, que celui du Quai d'Orsay, qui prend le risque d'être plus « arabe » que les Arabes comme certains monarchistes autrefois étaient plus royalistes que le roi.
L'écrasement souhaitable du Hamas et du Hezbollah permettra un répit, mais ne mettra pas fin à la guerre. Derrière le Hamas et le Hezbollah, il y a la Syrie et derrière la Syrie, il y a l'Iran. Tant que le régime des Assad restera en place, rien ne sera réglé : certains des chefs du Hamas, d'ailleurs, sont à Damas. Idem pour le régime des mollahs à Téhéran. Tout incite à penser, du reste, que la guerre du Hamas et du Hezbollah contre Israël est une guerre menée par l'Iran par supplétifs interposés. Le régime islamique iranien est en guerre contre Israël et le monde civilisé depuis plusieurs années, sans doute depuis sa naissance en 1979. Certains aveugles volontaires nieront encore les liens entre Al-Qaïda et le terrorisme financé par l'Iran, sous prétexte de la démarcation entre sunnisme et chiisme. Les meilleurs connaisseurs du dossier (tels Michael Ledeen) savent qu'entre terroristes, on peut trouver des terrains d'entente et passer des alliances très concrètes.
La chute des talibans en Afghanistan, puis l'installation d'un régime modéré à Kaboul, a été une mauvaise nouvelle pour Téhéran. La chute de Saddam Hussein aussi, quoi qu'en disent de piètres analystes, et l'Iran n'est pas pour rien, très loin de là, dans le maintien de la violence terroriste en Irak.
L'Iran a réussi, essentiellement grâce aux Européens, à enliser le monde occidental dans les sables de la négociation sans fin dans le domaine du nucléaire. Il en a déduit que l'Occident est faible. Il est également venu à la conclusion qu'Israël, après le retrait de Gaza et des actes de violence restés sans réponse, l'est aussi. En décidant d'attaquer Israël, il pensait se doter d'un avantage décisif et n'attirer que des réactions embarrassées du reste du monde. Il pensait aussi détourner l'attention du dossier nucléaire au moment où on commençait à parler de « sanctions contre Téhéran ». La fermeté sans faille de la réaction d'Israël, le soutien des Etats-Unis à cette fermeté, l'accord tacite des régimes arabes avec Israël et les Etats-Unis ont montré que l'Iran faisait fausse route.
A Washington, on compare la situation à une partie d'échecs. L'Iran a poussé vers l'avant ses cavaliers, Hezbollah et Hamas, pour tenter la déstabilisation. Comme prévu, les pions européens se sont couchés, Chirac en tête. Israël et les Etats-Unis résistent.
A Jérusalem et à Washington, on subodore que la paix mettra Téhéran « échec et mat ». Dans une conversation récente, Norman Podhoretz, analyste de la Quatrième Guerre mondiale et fin connaisseur de la doctrine Bush, m'a assuré, au cours d'un entretien à paraître dans Israël magazine, que George Bush ne quitterait pas la Maison Blanche avant que le dossier iranien ne soit classé de manière claire et nette. Je ne doute pas un seul instant qu'il sache de quoi il parle. Je le cite ici comme une façon de dire aux soldats et au peuple israélien que si, en Europe, on a, selon toute apparence, davantage de sympathie pour le régime des mollahs et ses tentations totalitaires et génocidaires que pour le courageux combat d'Israël pour sa survie et la paix, il n'en va pas de même en Amérique, en très haut lieu.
Certains reprochent à Bush de ne pas encore en avoir fait davantage, je sais. La position d'Israël n'est pas facile et vaut à l'Etat hébreu, aujourd'hui, dans les médias français et européens, un traitement indigne, insupportable, et qui pourrait rappeler des temps plus saumâtres. Bush a vraisemblablement autant d'ennemis qu'Israël, et il en a dans son propre pays, dans les médias et les cercles politiques où on rêve, à l'européenne, de retour au cynisme ou de défaite préventive et veule. Il fait face, autant qu'il le peut, et tous les hommes attachés aux valeurs de la civilisation doivent lui en savoir gré. Il dit ce qui doit l'être sans mentir, cela le distinguant de la plupart de ses interlocuteurs européens. Il permet à Israël de disposer de temps pour nettoyer les caches d'armes terroristes, et, éventuellement, frapper Damas.