Bonjour à tous
je ne sais pas ce que ça vaut mais ça m'a fait sourir...ce fameux boulevard à sefrou, je suis sure que nous avons tous de bons ou mauvais souvenirs de ce boulevard et que certains se retrouveront dans cette lecture.
bonne lecture (article trouvé sur le net)
La "pratique du boulevard" à Sefrou -1967-
Écrit par Robert
Vendredi, 16 Juillet 2004 00:00
La coutume voulait en ce temps-là qu' une partie de la ville déambulât
en fin d'après-midi les jours de semaines, voire dans la journée et le soir les
samedis, dimanches et jours de fête. Cette pratique commençait de manière
soutenue à partir du printemps jusqu'à la fin de l'été, le long du boulevard
Mohammed V de l'hôtel des Cerises jusqu'à la station Total, dite "Tobaly" et
retour, cela plusieurs fois, plusieurs heures durant.
Cette pratique permettait aux uns et aux autres de se rencontrer, de faire un brin
de causette et de continuer son chemin jusqu'à la rencontre suivante. Le plus
souvent, des groupes de deux, trois ou quatre amis ou amies, se tenant
parfois par la main, effectuaient ce parcours le plus souvent y compris au milieu
de la chaussée le samedi soir et sans doute le dimanche aussi.
Des marchands de brochettes, postés aux endroits stratégiques (le cinéma des
Cerises, le café des Platanes, la station de service Tobaly, en particulier,
proposaient un choix intéressant de sandwiches (brochettes de viande de
mouton, de saucisses de foie, de keftas de dromadaire ou/et de boeuf…). La
viande, agrémentée de coriandre et de sauce pimentée était placée dans une
demi-kesra, ce pain plat caractéristique du Maroc, particulièrement bon
lorsqu'il était encore chaud et que l'on retrouve également dans d'autres pays. Au
printemps, ces odeurs de brochettes se mêlaient parfois avec la douce
odeur dégagée par les bigaradiers en fleurs dont le parfum d'exhalait
particulièrement au coucher du soleil.
Les mercredis, samedis et dimanches constituaient les journées "cinéma". C'était
une occasion supplémentaire de déambuler sur le boulevard avant et après la
séance.
A cette occasion, des groupes de jeunes hommes croisaient des groupes de
jeunes filles, se lançant des blagues et de compliments destinés à faire plus ample
connaissance. Tout cela était gentil, jamais agressif et restait donc
correct. Là, pas de trace visible d'insistance allant au-delà de la décence!
Ces promenades "rituelles" agrémentaient, à partir du printemps jusqu'à l'automne,
nos fins d'après-midi et soirées. Ainsi le boulevard Mohammed V s'animait sans
qu'il ne fût besoin d'artifices comme cela se produit dans les grandes
villes avec des boutiques et leurs slogans publicitaires diffusant une musique plus
proche du bruit que de la musique réellement d"ambiance. Ainsi Sefrou démontrait
que par elle-même, par ses habitants seuls, cette petite ville était
capable "sui generis" de créer " l'événement" comme l'on dit aujourd'hui. Rien
de factice dans l'animation, rien "d'importer" de la grande ville, tout
purement "sefrioui"!
Ces promenades relaxantes étaient aussi l'occasion de prolonger la vie sociale de
manière moins formelle et de régler certains comptes et différents. Il est arrivé qu'à
la suite d'une bagarre entre deux personnes, avec comme conséquence
un nez cassé et un arrêt de travail de 3 semaines (arrêt de complaisance,
semblait-il, car il permettait à partir de ce délai d'engager une action devant un
tribunal!), l'on fasse appel à l'Ingénieur municipal qui était en bon
terme avec les deux et jouissait apparemment d'une réputation d'impartialité. C'est
donc au cours de l'une de ces promenades que je fus interpellé par l'un d'entre eux
alors qu'il était assis buvant un café crème à la terrasse du café situé
près de la station Total, tenue par Mimoune Tobaly. Il m'expliqua la situation,
indiquant qu'il avait été agressé par l'une de nos connaissances communes et qu'il
souhaitait que l'on pût régler le différent à l'amiable. Je ne sais pas qui
était réellement l'agresseur, mais c'est l'agresseur désigné qui était en arrêt de
travail, gisant sur son lit de douleur chez lui!
Continuant mon chemin et retournant vers le cinéma des Cerises, je fus interpellé
par le frère du "blessé", sirotant lui un thé à la menthe à la terrasse du café
des Platanes.
Il me raconta à peu près la même histoire que précédemment, le responsable
n'étant évidemment pas son frère, mais l'autre protagoniste.
J'étais particulièrement surpris de cette façon de traiter les différents, car je n'y
étais pas accoutumé, et je fus encore plus surpris que l'on fasse appel à moi,
qui somme toute n'était qu'un étranger qui était supposé ne pas connaître
suffisamment les coutumes marocaines!
Rapidement, je me pliai de bonne grâce à cette coutume et y pris beaucoup de
plaisir, car effectivement, cela me permit de mieux comprendre le fonctionnement
de la société de Sefrou à cette époque.
Aujourd'hui, en 2004, cette pratique se perpétue-t-elle avec la même ferveur
qu'avant, permettant ainsi à chacun de rencontrer réellement par hasard quelqu'un
perdu de vue depuis longtemps ou bien de revoir, en l'ayant espéré, un
ami ou une connaissance presque comme par hasard tout en l'ayant programmé
en quelque sorte.
Sans doute aurais-je l'occasion de le tester lors d'un tout prochain voyage à Sefrou
tant attendu!