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Mekn?s, Quelques mois apr?s...
07 juin 2010, 07:07
Bonjour à tous,

Je suis Youssef Mellouki.

Quelques mois après le tragique événement ayant eu lieu à Meknès - Maroc, j'ai l'immense honneur de pouvoir partager avec vous un article le concernant.





C'était le vendredi.

Le ciel était gris et le vent hivernale soufflait les djellabas des croyants en direction de la mosquée. BaBrahim marchait avec sa canne et ses pas lents en essayant d'éviter les cours d'eau des petites ruelles de la médina afin de ne pas mouiller sa babouche jaunes en cuir usé.

Sa djellaba était marron, l'image de la personne âgée ayant sacrifié sa vie pour offrir à sa famille un minimum de quoi se nourrir, grâce aux petits dirhams gagnés de la vente des dattes à Koubt Souk, le marché traditionnel de la médina. Il était l'image aussi du père de grande foi et de respect de toute une génération.

Il avait l'habitude d'acheter, auprès des marchands ambulants en face de la mosquée, quelques bananes pour gagner le sourire de ses petits enfants, autour de la table du couscous du vendredi.

Il était toujours le premier à arriver à la mosquée pour être aux premiers rangs lors de la prière. Ce jour là il avait une sensation particulière, une légèreté, une liberté, un sourire esquissé sur son visage. Il regarda le ciel pluvieux et remercia dieu. La pluie ne s'était pas arrêté une seconde. Pénétrant profondément les piliers et les murs en terre de l'ancienne mosquée.

La prière commença avec des centaines de croyants présents, l'un des moments fort où les gens se mettent incroyablement unis et égaux autour du même objectif s'éloignant de la vie matérielle et cédant la place à la spiritualité.

Les cœurs des croyants liés au ciel. Les aiguilles de toutes les montres du monde marquaient les secondes l'une après l'autre. Tels des tambours forts indiquant l'approche de la fin.

La pluie quant à elle continuait son abattement sur le paysage fragilisant de plus en plus la structure du minaret.

BaBrahim à peine capable de suivre les mouvements de la prière en raison de l'âge, il était assis, ses mains sur les genoux, l'index de sa main droite vers le ciel et la langue lisant discrètement des versées du coran.

Les motifs décorant la mosquée racontaient au monde leurs histoire datant de plusieurs centaines d'années. Depuis leur création. Nous rappelant les outils modestes de l'artisan, sa finesse, sa rigueur, sa persévérance, sa détermination et surtout sa fierté à participer dans la construction de ce lieu de culte. Un privilège et un honneur inégaux dans la culture musulmane.

Les piliers du minaret murmuraient souvent leur maladie, une maladie qu'on a jamais voulu écouter quoique visible.

La scène ressemblait à un gigantesque orchestre symphonique en colère, la pluie faisant les percussions, les battements des cœurs des croyants faisaient les grosses caisses, les murmures des structures chantaient les basses, les voix des marchants ambulants simulaient la réverbération de l'ambiance.

La pluie continua et le rythme de l'orchestre s'accélérait de plus en plus à la vitesse d'une météorite. Le son devint de plus en plus fort entendu même à l'autre bout de l'univers exprimant la colère, le chagrin et la tristesse.

Tous les instrument s'arrêtèrent d'un coup, marquant une pause d'un silence spatial. Quand soudain, les structures du minaret de déchaînent et tous l'orchestre reprends avec rage profonde l'image de la mosquée en cours d'effondrement sur ses croyants.

Les grosses caisses et les basses baissèrent le rythme et les percussions, la pluie, continuaient au même tempo prestissimo pour que les cordes reprennent et chantent debout, la tête baissée des mélodies touchant les profondeurs de nos cœurs.

BaBrahim s'est retrouvé dans le noir entouré de terre, par dessus par dessous. Son corps entrain de trembler. La poussière lui laissait peu d'air à respirer. Son cerveau n'était plus capable d'interpréter les signaux multiples de son corps entre sa poitrine percée par le fer, sa jambe cisaillée, son épaule cassée. Il compris qu'il lui restait quelques petites secondes à vivre. Il fit un sourire de soldat courageux et prononça les derniers mots que tout musulman rêve de pouvoir de prononcer avant son heure, et ferma les yeux. A jamais ! Son âme quitta son corps vers le ciel telle une plume d'une blancheur angélique caressée par le vent et la pluie en direction du ciel.

Les petits enfants de BaBrahim blessés dans le cœur vinrent en toute leur force cherchant leur grand-père en écartant les pierres et les madrier. Ils se battaient en toute leurs forces afin de pouvoir sauver une personne qui tenaient absolument à ce qu'elle rentre à la maison ce soir là. Leur cris rappelaient les gémissement des loups sauvages se propageant dans une immense foret de ruines.

Après des heures et des heures de recherches, l'esprit effondré réalisant l'espoir minuscule de retrouver BaBrahim en vie, ils décèlent une djellaba qu'ils connaissent par cœur entourant un visage pâle à peine reconnaissable par la poussière. Un corps inerte dégageant de la sagesse mais qui malheureusement disparaîtra à jamais.

Ils portèrent le cadavre malgré leur forces épuisées, marchant quelques dizaines de mètres et s'arrêtant pour se reposer quelques instants. Ils le menèrent à la maison incapable de comprendre qu'il a fallut la mort de 41 personne pour qu'on réalise que la mosquée était effectivement dans un état critique. Incapable d'imaginer qu'il y avaient des personnes qui se sont couchées ce soir même alors que des dizaines de familles ont été réduites pour une raison dont elles ont une responsabilité plus ou moins directe. Incapable de comprendre le théâtre expliquant que la pluie était responsable de l'effondrement et non pas les travaux de reconstructions qui n’ont pas été exécutés à temps.

BaBrahim rentra à la maison pas dans sa djellaba, mais dans un drap blanc qui l'accompagnera désormais pour l'éternité.

L'incident ayant eu lieu est un parmi des dizaines d'autres qui peuvent se reproduire à n'importe quel instant. Les activités sismiques sont très actives ces derniers temps. La tragédie serait de taille si un tremblement de terre frappe l'une de nos villes impériales, telles que Fes, Meknès, Marrakech ou encore Salé. Et malgré tout, on continue à faire ce qu'on a toujours fait. Dire que l'année prochaine, l'ancienne médina, ce patrimoine mondial reconnue par l'Unesco, sera reconstruite. Quant aux petits enfants de BaBrahim, ils rêveront encore et encore de voir une conscience professionnelle à la hauteur du chagrin, de la blessure éternelle dans leurs cœurs et qui ne guérira jamais.

Youssef Mellouki
www.youssef-mellouki.net



Modifié 1 fois. Dernière modification le 07/06/2010 07:10 par youssefmellouki.
Re: Mekn?s, Quelques mois apr?s...
08 juin 2010, 07:10
Bonjour youssefmellouki,


Je te souhaîte la " BIENVENUE " dans ce forum.

Merci d'avoir relater ce sujet de ce tragique événement,qui nous rend triste et surtout de la perte de tant de vies humaines à cause de la vétusté du Minaret.

La douleur de ces familles a été pénible à supporter,les cicatrices seront assez longues à s'èstempées,nous laissons le temps de faire son oeuvre,nous sommes à Dieu et nous lui retournons.

Mes amitiés.




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