Résumé
Faute de documents historiques ou encore de preuves
archéologiques, anthropologiques ou linguistiques déterminantes, le passé de
l’Afrique du Nord est encore entouré de mystère. La présence de comptoirs
carthaginois en Afrique du Nord et en Espagne est certes mentionnée dans la
littérature de l’Antiquité, et certaines sources latines du temps de l’Afrique
du Nord romanisée constituent généralement le point de départ des études
historiques. Les indices historiques couvrant la période préromaine ont été
recueillis grâce aux écrits grecs et romains, et parfois mêmes arabes, par des
historiens modernes de culture non hébraïque. Les écrits bibliques, talmudiques
ou midrashiques, de même que les légendes locales, constituent une somme
d’information, qui, sans donner de réponses définitives, peut contribuer à une
meilleure exploration de l’Antiquité dans cette région.
Les
sources historiques
La Bible ne mentionne pas directement l’Espagne ou l’Afrique
du Nord comme lieux marqués par l’Histoire. Les relations commerciales et les
expéditions navales avec les Phéniciens remonteraient au roi Salomon. Les
écrits grecs (Hérodote, Scylax, Hécatée, Polybe, Strabon et Ptolémée
d’Alexandrie) ont généralement entouré la Maurétanie à laquelle ils avaient peu
accès d’une dimension relevant du Merveilleux. Mis à part la traduction vers le
grec d’une stèle carthaginoise décrivant le périple d’Hannon, les écrits
carthaginois ont quant à eux disparus. Les écrits latins (Salluste, Pline
l’Ancien, Flavius Josephe et Antoine Auguste) sont relativement peu nombreux.
Les écrits chrétiens d’Afrique (Tertullien, St-Augustin) et les écrits byzantins
(Moïse de Corène et Procope) apportent des témoignages intéressants. Les écrits
des historiens et géographes arabes (Ibn Abd el Hakim, Idrissi et Ibn
Khaldoune), de même que les légendes locales transmises au fil des âges peuvent
également venir étayer certaines théories. L’Exégèse biblique du Talmud et du
Midrash ou encore les traductions anciennes de la Bible font état d'un
certain nombre de théories ou jettent des éclaircissements qu’il y a lieu
d’explorer en rapport avec les autres sources historiques et de replacer dans
leur contexte historique propre. L’onomastique relevant de l’anthroponymie ou
de la toponymie peut venir corroborer plusieurs thèses.
Les
hypothèses sur l’origine des berbères
Tarshish biblique fait l’objet de nombreuses spéculations et
certains rapprochements intéressants peuvent être faits avec les sites puniques
de la partie occidentale du bassin méditerranéen. L’Afrique – qui se réfère au
nord est tunisien dans l’Antiquité – porterait selon Flavius Josèphe le nom
d’Épher, petit-fils d’Abraham et de Ketora. La théorie de l’origine cananéenne
des habitants de la Berbérie
est avivée par certaines légendes locales, par le Talmud et aussi par les
témoignages de Moïse de Corène et de Procope. Cette théorie est également
reprise pour les Puniques dans le Talmud; par ailleurs, St-Augustin rapporte que
les paysans puniques se considéraient comme cananéens. De fait, les dieux
puniques rappellent le polythéisme des anciens Hébreux. La théorie de l’origine
philistine est alimentée par des légendes locales et est particulièrement choyée
auprès des historiens arabes. On la retrouve également dans des textes
rabbiniques ultérieurs mais probablement pour désigner l’ennemi traditionnel des
Israélites. Un Midrash mentionne la Berbérie comme un des lieux d’exil éventuel
des dix tribus du royaume d’Israël. Quelques passages du Talmud déplorent la
cruauté des Berbères, mais se réfèrent sans doute aux représailles par les
légions romaines relativement à la révolte juive sous Trajan et dirigées par le
chef berbère Lucius Quiétus. Toutefois, l’hypothèse de prosélytisme des
Berbères relatée par les auteurs arabes, la présence de sectes judaïsantes et la
distanciation progressive de la Synagogue et de l’Église relatées par les
auteurs chrétiens d’Afrique ne sont pas mentionnées dans les écrits talmudiques
ou midrashiques.
Conclusion
Les hypothèses talmudiques et bibliques sont présentées
parfois comme spéculations. Elles peuvent encore refléter une certaine vérité
maquillée par la légende. Elles peuvent également s’inscrire dans un contexte
apologétique, celui des luttes idéologiques notamment avec les communautés
grecques. Il n’en demeure pas moins que les écrits exégétiques de la Bible font
partie des incunables traitant du passé lointain de l’Afrique du Nord et qui
sont à la disposition de l’historien.
David Bensoussan
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