Musulmans et juifs marocains de Hollande se retrouvent ? La Haye

La ville d'Amsterdam et plusieurs localités hollandaises vivent, depuis mardi, une intense semaine de retrouvailles entre les communautés musulmane et juive marocaines, ponctuée d'une série de contacts et débats autour de la tradition marocaine et de ses valeurs de respect et de tolérance, ainsi que d'un volet festif, co-organisé par la Fédération mondiale des Juifs marocains (FMJM) et le Collectif associatif de l'Alliance mondiale des organisations des marocains à l'étranger (AMOME). Les diverses activités qui ont ponctué cette manifestation ont été marquées par la présence d'une délégation conduite par André Azoulay, conseiller de S.M. le Roi, comprenant notamment Rachid Benmokhtar, président de l'université Alakhawayn, l'ambassadeur de S.M. le Roi à La Haye, Ali El Mhamedi et des membres du collectif organisateur. La délégation a été ainsi reçue en audience, mercredi à La Haye, au palais Royal Noordeinde, par le Prince Héritier des Pays-Bas, S.A.R. le Prince d'Orange Willem-Alexander et son épouse la Princesse Maxima des Pays Bas. Lors de cette entrevue, le Prince Héritier des Pays Bas a exprimé aux membres de la délégation son admiration pour la communauté marocaine établie en Hollande en louant ses différents apports et contributions et l'intérêt que son pays accorde au Royaume du Maroc et à la richesse de sa culture.

Auparavant, la délégation a eu des entretiens avec le Maire de La Haye, Wim Deetman et a eu des échanges de vues avec une délégation parlementaire néerlandaise composée de tout l'éventail politique des Pays-Bas. La délégation a eu, jeudi, un entretien avec le Maire d'Amsterdam, Job Cohen. Ces différents entretiens, axés particulièrement sur la situation de la composante allochtone des Pays-Bas, et particulièrement les membres de la communauté marocaine, ont permis de mesurer le choc et le stress social produit par l'assassinat, le 2 novembre 2004, du cinéaste Théo Van Gogh (47 ans) et ses retombées sur le plan intercommunautaire.

Cela étant, ces mêmes politiques s'accordent à souligner que ce meurtre commis par un Néerlandais d'origine marocaine est un "acte individuel" qu'on ne doit pas confondre avec l'ensemble d'une communauté issue d'un pays, dont l'Histoire millénaire témoigne de la parfaite coexistence entre marocains musulmans et ceux de confession juive. Ces discussions ont également permis d'aborder une série de questions ayant trait à la citoyenneté et de saisir le souci exprimé par les politiques néerlandais de rattraper certaines lacunes au niveau des politiques migratoires et de gestion communautaire, notamment celles se rapportant à l'assimilation culturelle.

Ces moments d'intenses échanges ont été l'occasion pour la délégation marocaine de rappeler aux différents interlocuteurs néerlandais que dans l'Histoire du Maroc, le problème des deux communautés, musulmane et juive, ne s'est jamais posé en terme d'intégration ou d'assimilation, mais dans le respect de l'autre et de sa croyance et que même les petites crises qui ont émaillé ce riche parcours ont toujours été vite circonscrites, à telle enseigne que les juifs marocains qui ont quitté le royaume continuent, aujourd'hui, à clamer leur marocanité par fidélité à leur patrie mère et à ses valeurs, et en reconnaissance à la sollicitude de ses monarques, notamment le geste de Feu S.M. Mohammed V envers ses sujets de confession juive face au gouvernement de Vichy.

Outre ses discussions, la délégation, qui a inauguré mercredi au musée biblique d'Amsterdam, une exposition intitulée "Leihud du Maroc" puisée dans la riche collection du psychanalyste maroco-belge, Paul Dahan, a été l'hôte d'une rencontre-débat sur le thème "Assimilation-adaptation" à l'Université d'Amsterdam, avec la participation d'André Azoulay, Rachid Benmokhtar, le maire d'Amsterdam, Job Cohen, ainsi que d'autres intervenants.
A l'issue de ce débat, qualifié de "riche et fructueux", la délégation a eu un entretien avec le maire d'Amsterdam qui a porté notamment sur la situation de la communauté marocaine et des perspectives d'emploi notamment en faveur des jeunes marocains issus de l'immigration.

Jeudi, les membres de la délégation marocaine ont participé à une rencontre dans un collège périphérique de la ville d'Amsterdam où ils ont mené, avec des élèves d'origine marocaine, un franc débat sur les questions de l'identité, de la culture et de la tradition marocaines. Ces moments forts ont été suivis par d'autres moments, tout en émotion, lors d'une rencontre avec des membres de la communauté marocaine de la première génération ainsi que des membres de la communauté juive marocaine qui ont sollicité du Conseiller royal de transmettre à Sa Majesté le Roi leur attachement à leur mère patrie et à ses valeurs.

Dans la même cité, la délégation s'est également rendue dans une école Maïmonide où elle a discuté avec ses élèves sur des questions d'actualité, notamment la question du Moyen Orient et sa crise angulaire opposant l'Etat d'Israël et les Palestiniens. Ces échanges ont été l'occasion pour les membres de la délégation marocaine ainsi que pour ses interlocuteurs de souligner notamment que l'Etat d'Israël ne pourra jamais vivre en paix tant que les Palestiniens ne disposeront pas d'un Etat national indépendant et respecté.

Durant cette même journée, la délégation a eu une rencontre avec des responsables d'une société financière qui a porté sur les opportunités d'investissement au Maroc ainsi que sur les nouvelles techniques de management financier et ses répercussions sur les échanges.

La délégation a également visité la synagogue juive portugaise, un monument de plus 350 ans, bâti par des juifs portugais qui avaient fui l'Inquisition et trouver refuge à Amsterdam. Cette synagogue, dont l'un de ses fondateurs est un juif natif de Fès, abrite actuellement l'une des premières traductions du Coran en langue espagnole.

Par la suite, les membres de la délégation ont été conviés à visiter le musée de résistance d'Amsterdam qui, à l'instar de tout le Royaume des Pays Bas, célèbre le 60e anniversaire de sa libération de l'occupation nazie, et dont l'exposition permanente vient d'être rehaussée d'un pavillon dédié aux soldats marocains qui ont contribué à la libération de ce pays aux côtés des forces alliées, et dont plus d'une centaine d'eux, tombés sur le champs d'honneur, ont été inhumés sur le territoire hollandais.

Lors de la cérémonie de présentation de l'exposition, le voeux d'un patronage royal pour cette exposition permanente a été exprimé devant le conseiller de S.M. le Roi, en signe de gratitude à la sollicitude des Souverains du Maroc envers les membres de la communauté juive marocaine et en reconnaissance à l'acte héroïque de Feu S.M. Mohammed V face au gouvernement de Vichy.


Les contacts de la délégation marocaine, qui ont également permis d'avoir des échanges avec les milieux d'affaires et universitaires hollandais, ont été l'occasion pour explorer les voies de coopération et de partenariat avec l'Université Alakhwayn, notamment pour des opportunités de stages et d'échanges académiques.

Le programme de cette grande manifestation, organisée par le tissu associatif et abondamment commentée par les médias néerlandais, devait s'achever hier samedi par une journée dédiée au folklore marocain dans sa diversité.