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Abdelkebir KHATIB

Envoyé par Darmon william 
Abdelkebir KHATIB
16 mars 2009, 12:25
Salut l'Artiste,
Tu écrivais qu'il y à un art de vivre est qu'il est difficile!
Mon profond respect à ta famille et si peut d'écriture pour le Rbati

William
Re: Abdelkebir KHATIBI
16 mars 2009, 15:17
Vous parlez du deces de Abdelkebir Khatibi.

Qu'il repose en paix.
Re: Abdelkebir KHATIB
31 mars 2009, 03:43
Abdelkébir Khatibi. A la vie, à la mort


Khatibi a mené de front une
intense activité intellectuelle
et littéraire. (TNIOUNI)


Romancier et poète de l’altérité, intellectuel engagé, penseur d’un renouveau de la civilisation arabo-islamique… Khatibi a été tout cela à la fois. Il s’est éteint à 71 ans dans le silence d’un hôpital rbati, mais ses mots et son histoire lui survivront. Portrait d’un géant de la pensée marocaine.


Parce qu’il a les moyens de la figurer, l’artiste n’est pas, face à la mort, un homme comme les autres. Son œuvre est, selon le mot de Zola, “un coin de création vu à travers un tempérament” et, à ce titre, il donne
un visage à sa propre mort. “La mort rôde sous la forme d’un animal, d’un ennemi invisible, d’un paysage insolite, d’un signe de terreur ou d’étouffement. Elle rôde chaque fois que nous sommes lâchés dans le vide par une main invisible. Perte d’équilibre dans l’espace et le temps. Alors nous rêvons notre mort. Parfois, elle survient. Et toujours elle rôde”, écrit Khatibi dans Quatuor poétique, trois ans avant d’affronter sa propre fin. C’est dans une chambre d’hôpital que l’écrivain a rendu son dernier souffle. Affaibli par des troubles cardiaques et hospitalisé depuis plus d’un mois, Khatibi a gardé intacts son esprit vigilant et sa délicatesse légendaire. A son chevet se succèdent amis et admirateurs. Tous emportent avec eux le souvenir d’un homme qui s’est doucement éteint, en pleine possession de ses moyens, avec le regret peut-être de laisser derrière lui des projets inachevés.

La langue de l’hôte
Abdelkébir Khatibi a vu le jour à El Jadida en 1938 dans une famille relativement modeste. Son enfance, sur laquelle il s’est très peu épanché, est marquée par deux énormes pertes : celles de son petit frère et de son père négociant. A douze ans, le jeune Abdelkébir est envoyé au collège Sidi Mohammed de Marrakech où il séjourne de 1950 à 1957. Ce sont ces années d’internat qui lui insufflent la passion des livres. Seul, dans l’obscurité d’un dortoir et à la lueur d’une lampe à gaz, il dévore tous les écrits qui lui tombent sous la main. Il lit Baudelaire et Rimbaud, découvrant à travers eux une “langue silencieuse”, celle de Molière, qui sera aussi son “instrument de travail” ,comme il se plaira à le dire plus tard. A douze ans, il compose ses premiers poèmes et entre de plain-pied dans cette “langue de l’hôte” qu’il ne fera jamais vraiment sienne (selon le titre d’Assia Belhabib, La langue de l’hôte, lecture de Abdelkébir Khatibi, Okad, 2009).

Car Khatibi le dira toute sa vie durant : le français n’est pas sa langue maternelle, il y est venu par un heureux hasard et porte dessus le regard d’un “étranger professionnel”. Il est l’invité de cette langue en même temps qu’il nous y convie. Pétri de cette ambivalence qui fait la force de son œuvre, Khatibi écrira en 2006 : “Le paradoxe de la langue et du poète obéit à ce sentiment d’inquiétude magique. Le poète sent que la langue qu’il parle et qui le parle, lui a été prêtée, comme si elle allait lui être retirée, par extorsion ou par la pesanteur du silence qui nourrit, dans les moments de détresse, sa difficulté de vivre”. Y a-t-il aveu plus courageux que celui d’un poète qui “emprunte” ses mots et confie la crainte de les voir repris par une obscure force supérieure ?

Un pont entre deux rives
En 1958, le baccalauréat en poche, Khatibi prend le chemin de Paris et de la mythique Sorbonne où il entame des études de sociologie. En pleine guerre d’Algérie, il s’enflamme, à l’instar de ses camarades de la Maison du Maroc, pour l’indépendance du Maghreb et prend sa carte au Parti communiste marocain, là où tant d’autres jeunes intellectuels, engagés et idéalistes, se sont retrouvés à un moment ou à un autre : les Laâbi, Serfaty, Belal, etc. Un ancien étudiant de la Cité universitaire à Paris se souvient : “Abdelkébir était un vrai militant, mais pas de ceux qui prônent l’option révolutionnaire. Il assistait à toutes nos réunions et intervenait régulièrement, toujours posément, sans virulence. Son penchant pour la littérature semblait déjà plus prononcé que son goût pour l’action politique”.

A son retour au Maroc, après avoir soutenu la première thèse sur le roman maghrébin, Khatibi mène de front une intense activité intellectuelle et littéraire. Il participe à la création du Syndicat national de l’enseignement supérieur et, en 1971, publie son premier roman, peut-être le plus fameux : La mémoire tatouée, autobiographie d’un décolonisé (Editions 10-18). Le titre et le sous-titre de cette œuvre majeure de littérature marocaine suggèrent déjà ce qui reviendra de manière récurrente dans la production de Khatibi : la thématique de l’altérité et son corollaire de l’identité. Tout le long de son œuvre, pour faire sienne la différence d’autrui, Khatibi invitera ainsi au voyage à travers le temps (Pèlerinage d’un artiste amoureux, Le Rocher, 2003) comme à travers l’espace (Un été à Stockholm, Flammarion, 1990), dans un parcours initiatique qui doit lui permettre de se réapproprier une identité en mouvement.

L’artiste et l’intellectuel
Qu’il soit critique littéraire (Figures de l’étranger dans la littérature française, Denoël, 1987) ou romancier (Tryptique de Rabat, Blandin, 1993), ce qu’écrit Khatibi est toujours éminemment personnel et rappelle de près ou de loin son expérience de la différence. Il n’en renonce pas moins à cultiver une identité, non pas religieuse, mais culturelle, conçue comme un système de valeurs. Tout en étant fortement influencé par Nietzsche, prophète de la post-modernité et du dernier homme, Khatibi a consacré une grande partie de ses travaux à la redécouverte du patrimoine culturel marocain et arabo-islamique (Art calligraphique de l’islam, Gallimard, 2001. Du signe à l’image, Le tapis marocain, Lak international, 2001. Le corps oriental, Hazan, 2002). Mais il a toujours mesuré son engagement et rares sont ses textes aux propos virulents (une exception notable : Vomito blanco : le sionisme et la conscience malheureuse, Denoël, 1974). En 1975, il est directeur de l’Institut de sociologie et ses cours connaissent un succès croissant, quand Hassan II décide de supprimer des universités les départements de philosophie et de sociologie.

Un coup dur que Khatibi encaisse sans se départir de sa réserve. Mais il connaîtra aussi la reconnaissance officielle. D’abord en dirigeant le Bulletin économique et social, puis en prenant la tête de l’Institut universitaire de recherche scientifique. Mohammed VI le fera même Professeur émérite ad vitam aeternam. On a parfois reproché à Khatibi de n’être ni écrivain, ni philosophe, ni même poète. A ceux-là, il répondait : “Je profite de cette non identification”. Avec lui, le Maroc perd effectivement un ovni de la scène intellectuelle. Respecté à droite comme à gauche, attentif à la valeur des hommes plus qu’à leur appartenance idéologique, il a survolé les polémiques et ne s’est politiquement engagé qu’avec parcimonie (L’alternance et les partis politiques, Eddif, 1999). Il laisse derrière lui le souvenir d’un esprit brillant, trop libre pour s’enchaîner à des causes incertaines.


Bio express

1938. Naissance à El Jadida
1950. Collégien interne à Marrakech, Khatibi découvre la langue française
1958. Départ pour la France où il entame des études de sociologie
1971. Publication de son premier roman, La mémoire tatouée
1975. Il est directeur de l’Institut de sociologie lorsque Hassan II supprime ce département de l’enseignement supérieur
1983. Ecrit Amour bilingue (Editions Fata Morgana)
1994. Prend la direction de l’Institut universitaire de la recherche scientifique et obtient le Grand prix de l’Académie française
2004. Publie Pèlerinage d’un artiste amoureux (Editions Le Rocher)
2008. Parution de sa dernière œuvre, un “autoportrait” intitulé Le scribe et son ombre (Editions de La différence)
2008. Décès à l’hôpital Sheikh Zayed de Rabat. Khatibi est inhumé au cimetière Achouhada

[www.telquel-online.com]
Re: Abdelkebir KHATIB
31 mars 2009, 05:12
Je salue avec emotionla memoire de Katibi, dont j'ai suivi quelques cours a l'Institut de sociologie dans les annees 1970. J'en garde le souvenir d'un brillant intellectuel, d'un "montreur de chemin".

Voici disparue une des grandes figures des Sciences humaines au Maroc, quelques annees apres Paul Pascon.
Re: Abdelkebir KHATIB
31 mars 2009, 05:44
Voici la chronique de Karim Boukhari :

Citation

La mémoire tatouée

Laissez-moi vous dire que Abdelkébir Khatibi, qui vient de nous quitter à 71 ans, était un grand penseur marocain. Passeur d’idées généralement inspiré, il est, après le grand Abdellah Laroui, celui qui a incarné le mieux cette image de passerelle et de jointure entre nous et les autres. Il a inscrit, à sa manière, à son niveau, ce petit point nommé Maroc sur la carte du monde. Il y a de quoi lui être reconnaissant. Sans verser dans l’éloge dithyrambique, ni dans l’exaltation béate. Ce n’est pas le genre de la maison, non. Khatibi, de sa voix douce mais éraillée, abîmée, avec sa moue fatiguée, ses yeux plissés, enfouis derrière des lunettes de myope, ce Khatibi-là incarnait une marocanité certaine. Il
sentait le bled. De toute son œuvre, on peut retenir deux livres majeurs, aux noms aussi clinquants que le verdict d’une cour de cassation : La mémoire tatouée et La blessure du nom propre, tous les deux édités chez Denoël. Ils sont d’une lecture difficile mais utile, très utile. Ces livres ont beaucoup compté, le sociologue et anthropologue y exprime tout son art, cette façon qu’il avait de transcrire le très local en le mettant à la portée de l’autre, celui qui ne sait pas, ne connaît pas. Khatibi réfléchit local et écrit universel.

Il s’est toujours invité à une langue, la française, qui n’est pas la sienne. C’était juste un outil de travail, un instrument bon à domestiquer, le véhicule intelligent d’une pensée entièrement dédiée au local. Je vais vous raconter une anecdote. Un jour, à la fin des années 1990, Khatibi a été invité dans un salon parisien à l’occasion de l’année du Maroc en France. Le règne de Hassan II respirait son dernier souffle, mais on ne le savait pas encore. Cet après-midi, j’avais le choix entre une bonne sieste crapuleuse et une conférence avec Khatibi. Je choisis Khatibi… Il s’est très mal défendu ce jour-là, face à une rafale de questions sur le mal-être marocain, le peu d’espace de liberté individuelle et politique concédé par les tenants du régime hassanien. Une déception. “C’est ça, ton Khatibi ?”, me lança, défiant, un ami à la fin de la conférence. Ben oui, c’était ça, pas le meilleur des tribuns, ni des représentants de la langue de Molière. Pas le meilleur des ambassadeurs, ni des poètes. Juste un bon, un très bon sociologue marocain, l’un des rares, ou l’un des premiers, avec Laroui, à avoir transgressé les dogmes qui ont si longtemps cadenassé la pensée marocaine, l’empêchant de s’ouvrir à l’universel. En 1988, il confiait ses doutes à Kalima (in “Regards sur la culture marocaine”) : “Je ne sais pas si les livres sont des victoires…”. Eh bien si. Parce qu’ils restent.
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