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Au devant de nous, j’ai cru identifier un éparpillement de taudis qu’on pouvait qualifier de village en raison de son apparente absence d’organisation – Qu’est-ce que c’est ? ai-je interrogé.
- Un lieu de rassemblement pour individus de même nature !.
- Anne n’est tout de même pas.. ? – Je n’ai pas fini tant cette idée me faisait de la peine.
- « Je ne crois pas ». m’a assuré Albert.
J’allais répondre, « D.ieu merci » quand l’idée m’est venue que le sort d’Anne était peut-être pire. J’ai vainement tenté de chasser ces pensées. C’était injuste vis-à-vis d’elle, je le savais, mais l’influence maléfique de cette Sphère inferieure avait un effet débilitant sur mes pensées.
Sur notre droite des individus allaient et venaient sans but, tandis que d’autres se tenaient immobiles, tous étant pratiquement en haillons. Qui pouvaient-ils etre ?- Qu’avaient-ils bien pu faire – ou négliger de faire- pour se retrouver là ?
Nous sommes passés a quelques mètres d’un petit groupe, composé au bien d’hommes que de femmes. Albert avait eu beau me dire qu’Anne ne se trouvait probablement pas parmi eux, je n’ai pas pu m’empêcher de scruter les représentantes du sexe féminin. Personne ne nous a accordé un regard.
« Ils ne peuvent pas nous voir ? Me suis-je enquis.
- Si !, mais nous ne représentons aucun intérêt a leurs yeux. Ils sont trop absorbés par leurs propres préoccupations ».
La tête baissée et les bras ballants, ceux-ci regardaient fixement par terre, figés dans leur malheur. je suis sur, qu’ils ne nous ont pas entendus passer, et pas un n’a paru prendre conscience de notre presence.
A présent, j’arrivais a distinguer leur traits, malgré la pénombre . Ce spectacle m’a coupé le souffle.
- « Il faut t’y faire, m’a conseillé Albert. Tu en verras bien d’autres «
- Son ton était quasi dénué de compassion, ce qui m’a fait dresser une oreille inquiète. Albert était-il en train de changer, lui aussi, sous l’impact de cet endroit ?. Et s’il s’avérait incapable d’y résister, comment pouvais-je espérer y arriver, moi ?.
-
- J’ai frémi et reporté mon regard sur les êtres qui nous entouraient. – Il était impossible qu’Anne soit du nombre- ! Impossible !.
Leurs traits étaient exagérés, comme ceux des gens atteints d’acromégalie ; ils composaient moins des visages humains que des caricatures boursouflées.
« Dis-moi qu’elle n’est pas la » ai-je supplié quelques instants plus tard.
- Elle n’est pas –là » a-t-il soufflé, j’ai poussé un long soupir de soulagement !
Nous sommes arrivés au niveau d’un jeune homme couché par terre. Ses vêtements étaient crasseux et tout déchirés. J’ai cru tout d’abord qu’il nous regardait, mais en fin de compte, a l’orientation de ses prunelles, j’ai compris qu’il contemplait ses propres pensées. C’était un regard de détresse intense, entièrement repliée sur elle-meme1.
- Pourquoi ont-ils ce aspect-là ? ai-je demandé.
- L’apparence physique régresse en même temps que l’esprit s’altère avec le temps en reflétant nos actes, nos pensées. Ce que tu constates ICI, n’est que le prolongement logique – encore qu’effroyable – de ce processus.
- - Ils sont d’un sinistre ! me suis-je exclamé.
- Tu peux le dire. Leur auto-contemplation n’a rien de tres réjouissant !.
- Ils ont tous été.. Ils sont tous abominables a ce point-là ?
- Oui ! Chris, essaie de m’entendre quand je t’affirme que ceci n’est rien a coté de ce aui nous attend. Ces êtres ne se sont peut-être pas rendus coupables de péchés innommables. Mais toute transgression, même mineure, se trouve aggravée, assombrie par le voisinage. D’individus responsables de violations comparables. Chaque personne démultiplie, amplifie les imperfections de ses congénères. La misère ne va jamais seule, dit-on sur terre. On devrait plutot dire ; La misère accompagnée ne cesse d’empirer !.
Car, ICI, rien ne s’équilibre, vois-tu. Tout est négatif, et cette animation inversée se nourrit d’elle-même, en engendrant un désordre constamment accru. Ceci est « La Sphère des Extrêmes » - Et les extrêmes même relativement bénins, sont susceptibles de composer un environnement pénible. As-tu remarqué les auras !.
La lumière était si pauvre, que cela ne m’avait pas frappé, mais il a suffi qu’il attirée mon attention. Elles « les auras » étaient toutes dans les tons gris-brun – des tons tristes, déprimants, fangeux.
« - Dois-je en conclure que ces gens sont tous logés a la même enseigne ? »
- Essentiellement, oui. Et c’est une des plaies de cette Sphère. Ils ne peuvent nouer des liens car, au fond ils sont tous pareils ; ils seraient vain pour eux de rechercher la compagnie d’autrui. Ils n’y trouveraient que le reflet fidele de leurs propres défauts !.
Sans prévenir, Albert s’est tourné vers la droite. J’ai suivi son regard et surpris pour la première fois un mouvement - relativement – rapide : un homme se faufilait en trainant la patte derrière une cahute.
« - Mark ! » a crié Albert.
Ça alors ! Il connaissait cet homme !
Albert a poussé un soupir accable. L’homme ne réapparaissait pas. « A présent, chaque fois qu’il me voit, il se sauve !.
- Tu le connais ?
- - Il y a tres longtemps que je travaille sur son cas. A plusieurs reprises j’ai cru que le message était passé , qu’il avait enfin compris que rien ne le retenait ici, qu’il était responsable de son infortune, mais… Il a secoué la tête ! Il refuse d’y croire.
-Qui est-ce ?
- Un homme d’affaires. Un homme qui dans la vie ne s’est jamais préoccupé d’autre chose que d’accumuler les richesses. Il n’a passé que tres peu de temps avec sa famille, ses amis. Jour et nuit, sept jours par semaine et trois cent soixante-cinq jours par an, il n’a pensé qu’a se remplir les poches !.
« Alors, il se sent trahi. Il estime, qu’il a mérité une récompense. – Moi qui ai travaillé si dur !, se lamente-t-il en permanence. J’ai besoin d’insister, il ne fait que répéter sempiternellement la même chose. Comme si son obsession exclusive du profit se justifiait d’elle-même. Un don de temps en temps a une œuvre de charité et, il était persuadé d’etre un type généreux.
Tout a coup ! je me suis figé. Sur ma gauche se tenait une femme ressemblant tant a Anne que j’en ai eu la certitude « C’était-elle ! Je me suis élancé.
Albert m’a retenu a temps, - Ce n’est pas Anne !.
« Ton impatience de la retrouver te la montre ou elle n’est pas « m’a-t-il prévenu !.
Mais elle ressemble a Anne ! – Je l’ai regardé a deux fois et constaté qu’en effet la ressemblance était loin d’etre frappante. Moi qui n’avais jamais souffert d’hallucinations
Pendant ma vie, allais-je commencer maintenant ?
Je ne quittais pas cette femme des yeux. Elle était assise par terre, toute recroquevillée, couverte de la tête aux pieds de fins fils noirs entrecroisés. Immobile, elle fixait des yeux sans vie sur un point situé droit devant elle. Non rectificatif – comme le jeune homme vu un peu plus tot, elle avait le regard tourné vers l’intérieur, vers les ténèbres de son propre esprit.
- Elle ne peut pas rompre ses fils ?
Si, et cela ne lui couterait pas le moindre effort. Le malheur c’est qu’elle ne croit pas que ce soit possible, que l’esprit soit omnipotent. Sa vie sur terre a certainement était placée sous le signe de la frustration et de l’autosatisfaction. Et ICI, cette disposition est exacerbée pour donner ce que tu as sous les yeux.
- J’au cru, qu’elle ressemblait a Anne, ai-je répondu un peu perdu.
- Rappelle-toi ce que nous a dit cet homme, tout a l’heure. Il faut rester en permanence sur le qui-vive »
Nous sommes repartis. Nous avons traversé le village informe et silencieux et laissé derrière nous sa misérable population muette.
Tout-a-coup, je ressentais une lassitude rappelant celle qui m’avait accablé juste apres ma mort. Faute de vigueur, je me suis surpris a marcher vouté, adoptant ainsi l’attitude de ceux qui n’entouraient.\
Albert m’a saisit le bras pour m’obliger a me redresser » Ne te laisse pas contaminer, sinon nous n’arriverons jamais jusqu'à Anne. ! Notre voyage ne fait que commencer !.
Je me suis contraint a me tenir droit, en me concentrant sur ma lutte incessante contre la fatigue . La récompense n’a pas tardé a se manifester.
- Il faut rester conscient, m’a rappelé Albert, en faisant référence aux avertissements de l’inconnu.
- -« Tu es de nouveau vouté » m’a averti Albert.
- « Bon sang ! je n’ai même pas eu le temps de m’en rendre compte !. Cette petite pensée avait des conséquences immédiates. J’ai fait le vœu de tenir le coup. Je refusais de succomber sans résistance aux noires influences de cette Sphère.
- - « ‘ Ce lieu est tres puissant « ! ai-je soufflé.
- « Seulement si tu t’y autorises ‘ » !.
- Il faut parler ai-je alors songé. L’ennemi c’était le silence, les réflexions négatives.
- - Qu’est-ce que c’étaient que ces fils, sur le corps de cette femme ? me suis-je donc enquis !.
- « L’esprit est comparable a un rouet, a expliqué Albert. Durant l’existence, il tisse en permanence une trame aui, au moment du trépas, nous enveloppe pour le meilleur et pour le pire. Dans le cas de cette femme : le maillage concrétise le piège ou l’ont enfermée ses préoccupations égoïstes. Elle n’est pas en mesure de… »
Je n’ai pas entendu la suite. Mon regard avait été attiré par un groupe de gens accroupis ou agenouillés autour d’une chose que je ne voyais pas encore. Tous nous tournaient le dos et portaient rapidement leur main a leur boche. Ils étaient bouffis.
« Ils mangent, m’a informé Albert !, ils s’empiffrent !.
- Mais ils n’ont pas de corps … !
- Ils ne peuvent parvenir a la satiété, tu as raison Ils n’agissent que par habitude, sur la foi de leurs souvenirs ; ils croient seulement se nourrir. En fait, ils sont comme des ivrognes engloutissant une boisson qui n’existe que dans leur tête !.
J’ai détourné les yeux de ce répugnant spectacle. Car ces gens Robert ! Évoquaient des bêtes sauvages se repaissant d’une charogne.
Je hais cet endroit ! Me suis-je écrié intérieurement.
« Chris !, tiens-toi droit !. »
Sur notre gauche, s’élevait a présent un bâtiment assez haut, tout gris, aux allures d’entrepôt délabré. Les portes étaient également imposantes, en étaient ouvertes. Distinguant a l’intérieur une foule en mouvement composée de centaines de personnes, j’ai plissé les yeux. Avec un peu de chance – Anne serait peut-être …
Tout a coup, j’ai du m’arrêter. Les vibrations émanant de l’édifice m’avaient heurté avec une telle puissance que j’ai poussé un cri étranglé, comme si on m’avait réellement frappé
J’ai suivi des yeux les silhouettes évoluant dans l’obscurité caverneuse ; leurs vêtements pendaient tristement sur leur corps décharné, leurs traits étaient tirés, leur teint blafard. Toutes avançaient tête basse, sans prêter attention aux autres. J’ignore par quel miracle je lisais dans leurs pensées comme dans un livre. Elles tournaient toutes autour d’un même thème désolé ; « « Nous sommes ICI pour toujours, et pour nous il n’y a pas d’espoir ! » »
Mais ce n’est pas vrai ! Me suis-je exclamé. Pour l’amour d’Anne, je ne pouvais me permettre de croire une chose pareille.
« C’est vrai, du moment qu’ils en sont convaincus » a commenté Albert.
Je ne pouvais plus voir ça. C’est sans doute cela, « l’enfer » la morosité sans fin, la…
Chris !?
- Voila que je recommence, « je me voutais, mes gestes ralentissaient, je vieillissais a vue d’œil.
Je ne serais donc jamais capable de lutter contre le lugubre ascendant de ce lieu ? Ii n’y avait donc aucun espoir pour que…
« Chris ! » a répété Albert. Une fois de plus. Il s’est arrêté pour me forcer a me redresser..
Il m’a fermement saisi les deux bras et a plongé son regard dans le mien, j’ai senti un mystérieux influx parcourir mon corps en me rendant un peu d’énergie. !
Il faut rester sur le qui-vive !.
Je suis désolé, ai-je marmonné. Non, ce n’est pas désolé, qu’il faut etre « Mais Fort ! »
En fin de compte, le silence ne régnait pas partout.
Bientôt ont retenti des cris de colère, des bruits de querelle ; des voix stridentes, sauvagement vindicative.
Je n’ai pas tardé a en découvrir l’origine.
Le contact physique n’existait pas. On ne se battait qu’avec des mots- des mots méchants, voire cruels, de véritables agressions verbales. Une brume nuisible planait juste au-dessus des têtes, la fusion des auras fangeuses, traversées d’écœurants éclairs rouges.
Albert, m’avait prévenu ; Nous approchions d’une zone ou se regroupaient les esprits violents. Il en existait d’autres, et celle-ci était la plus bénigne, car ici au moins la brutalité restait orale.
« Ici et Ailleurs « !
Nous avons décrit un cercle autour des attroupements furieux et j’ai senti des bouffées de venin se diriger contre nous. Ils ne nous connaissaient pas, et cela ne les empêchait pas de nous haïr de toutes leurs forces.
« Sont-ils dangereux pour nous ? Ai-je voulu savoir.
« Il nous suffit de refuser leur courroux. Ils ont plus de chances de nuire aux vivants, qui n’ont pas connaissance de leur existence.
Heureusement leurs pensées massées prennent rarement pour cible un individu unique. Lorsque cela se produit, toutefois, les mentaux supérieurs plus puissants, s’en avisent et dissipent leurs émanations nocives, afin qu’elles ne fassent pas de dégâts sur la Terre !. »
Evidemment ! « il existe des vivants particulièrement réceptifs a ces émanations, ils vont jusqu'à s’ouvrir a elles. On n’y peu rien. C’est le revers de la médaille du Libre Arbitre. Tout homme, toute femme est naturellement capable de nourrir des pensées vénéneuses !.
MOLLY