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LE MEZROB DE BARBE BLEUE
31 août 2004, 22:38
LE MEZROB DE BARBE BLEUE DE CHARLE PERRAULT


l était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d'or et d'argent, des meubles en broderies, et des carrosses tout dorés. Mais, par malheur, cet homme avait la barbe bleue: cela le rendait si laid et si terrible, qu'il n'était ni femme ni fille qui ne s'enfuît de devant lui.



ne de ses voisines, dame de qualité, avait deux filles parfaitement belles. Il lui en demanda une en mariage, et lui laissa le choix de celle qu'elle voudrait lui donner. Elles n'en voulaient point toutes deux, et se le renvoyaient l'une à l'autre, ne pouvant se résoudre à prendre un homme qui eût la barbe bleue. Ce qui les dégoûtait encore, c'est qu'il avait déjà épousé plusieurs femmes, et qu'on ne savait ce que ces femmes étaient devenues.



a Barbe-Bleue, pour faire connaissance, les mena, avec leur mère et trois ou quatre de leurs meilleures amies et quelques jeunes gens du voisinage, à une de ses maisons de campagne, où on demeura huit jours entiers. Ce n'étaient que promenades, que parties de chasse et de pêche, que danses et festins, que collations: on ne dormait point et on passait toute la nuit à se faire des malices les uns aux autres ; enfin tout alla si bien que la cadette commença à trouver que le maître du logis n'avait plus la barbe si bleue, et que c'était un fort honnête homme. Dès qu'on fut de retour à la ville, le mariage se conclut.

Au bout d'un mois, la Barbe-Bleue dit à sa femme qu'il était obligé de faire un voyage en province, de six semaines au moins, pour une affaire de conséquence ; qu'il la priait de se bien divertir pendant son absence ; qu'elle fît venir ses bonnes amies ; qu'elle les menât à la campagne, si elle voulait ; que partout elle fît bonne chère.



oilà, dit-il, les clefs des deux grands garde-meubles ; voilà celles de la vaisselle d'or et d'argent, qui ne sert pas tous les jours ; voilà celles de mes coffres-forts où est mon or et mon argent ; celles des cassettes où sont mes pierreries, et voilà le passe-partout de tous les appartements. Pour cette petite clef-ci, C'est la clef du cabinet au bout de la grande galerie de l'appartement bas: ouvrez tout, allez partout ; mais, pour ce petit cabinet, je vous défends d'y entrer, et je vous le défends de telle sorte que s'il vous arrive de l'ouvrir, il n'y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère.
Elle promit d'observer exactement tout ce qui lui venait d'être ordonné, et lui, après l'avoir embrassée, il monte dans son carrosse, et part pour son voyage. Les voisines et les bonnes amies n'attendirent pas qu'on les envoyât quérir pour aller chez la jeune mariée, tant elles avaient d'impatience de voir toutes les richesses de sa maison, n'ayant osé y venir pendant que le mari y était, à cause de sa barbe bleue, qui leur faisait peur. Les voilà aussitôt à parcourir les chambres, les cabinets, les gardes-robes, toutes plus belles et plus riches les unes que les autres. Elles montèrent ensuite aux garde-meubles, où elles ne pouvaient assez admirer le nombre et la beauté des tapisseries, des lits, des sofas, des cabinets, des guéridons, des tables et des miroirs où l'on se voyait depuis les pieds jusqu'à la tête, et dont les bordures, les unes de glace, les autres d'argent et de vermeil doré, étaient les plus belles et les plus magnifiques qu'on eût jamais vues. Elles ne cessaient d'exagérer et d'envier le bonheur de leur amie, qui, cependant, ne se divertissait point à voir toutes ces richesses, à cause de l'impatience qu'elle avait d'aller ouvrir le cabinet de l'appartement bas .


lle fut si pressée de sa curiosité, que, sans considérer qu'il était malhonnête de quitter sa compagnie, elle y descendit par un petit escalier dérobé, et avec tant de précipitation qu'elle pensa se rompre le cou deux ou trois fois. Etant arrivée à la porte du cabinet, elle s'y arrêta quelque temps, songeant à la défense que son mari lui avait faite, et considérant qu'il pourrait lui arriver malheur d'avoir été désobéissante ; mais la tentation était si forte qu'elle ne put la surmonter : elle prit donc la petite clef, et ouvrit en tremblant la porte du cabinet.
D'abord elle ne vit rien, parce que les fenêtres étaient fermées. Après quelques moments, elle commença à voir que le plancher était tout couvert de sang caillé, et que, dans ce sang, se miraient les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs: c'était toutes les femmes que la Barbe-Bleue avait épousées, et qu'il avait égorgées l'une après l'autre. Elle pensa mourir de peur, et la clef du cabinet, qu'elle venait de retirer de la serrure, lui tomba de la main.



près avoir un peu repris ses sens, elle ramassa la clef, referma la porte et monta à sa chambre pour se remettre un peu ; mais elle n'en pouvait venir à bout, tant elle était émue. Ayant remarqué que la clef du cabinet était tachée de sang, elle l'essuya deux ou trois fois ; mais le sang ne s'en allait point: elle eut beau la laver, et même la frotter avec du sablon et avec du grès, il demeura toujours du sang, car la clef était fée, et il n'y avait pas moyen de la nettoyer tout-à-fait : quand on ôtait le sang d'un côté, il revenait de l'autre.
La Barbe-Bleue revint de son voyage dès le soir-même, et dit qu'il avait reçu des lettres, dans le chemin, qui lui avaient appris que l'affaire pour laquelle il était parti venait d'être terminée à son avantage. Sa femme fit tout ce qu'elle pu pour lui témoigner qu'elle était ravie de son prompt retour.


e lendemain, il lui redemanda les clefs ; et elle les lui donna, mais d'une main si tremblante, qu'il devina sans peine tout ce qui s'était passé.
- D'où vient, lui dit-il, que la clef du cabinet n'est point avec les autres ?
- Il faut, dit-elle, que je l'aie laissée là-haut sur ma table.
- Ne manquez pas, dit la Barbe-Bleue, de me la donner tantôt. Après plusieurs remises, il fallut apporter la clef. La Barbe-Bleue, l'ayant considérée, dit à sa femme:
- Pourquoi y a-t-il du sang sur cette clef ? - Je n'en sais rien, répondit la pauvre femme, plus pâle que la mort.
- Vous n'en savez rien ! reprit la Barbe-Bleue ; je le sais bien, moi. Vous avez voulu entrer dans le cabinet ! Eh bien, madame, vous y entrerez et irez prendre votre place auprès des dames que vous y avez vues. Elle se jeta aux pieds de son mari en pleurant, et en lui demandant pardon, avec toutes les marques d'un vrai repentir, de n'avoir pas été obéissante. Elle aurait attendri un rocher, belle et affligée comme elle était ; mais la Barbe-Bleue avait le coeur plus dur qu'un rocher.
- Il faut mourir, madame, lui dit-il, et tout à l'heure.
- Puisqu'il faut mourir, répondit-elle en le regardant les yeux baignés de larmes, donnez-moi un peu de temps pour prier Dieu.
- Je vous donne un demi-quart d'heure, reprit la Barbe-Bleue ; mais pas un moment davantage. Lorsqu'elle fut seule, elle appela sa soeur, et lui dit:
- Ma soeur Anne, car elle s'appelait ainsi, monte, je te prie, sur le haut de la tour pour voir si mes frères ne viennent point: ils m'ont promis qu'ils me viendraient voir aujourd'hui ; et, si tu les vois, fais-leur signe de se hâter. La soeur Anne monta sur le haut de la tour ; et la pauvre affligée lui criait de temps en temps:
- Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et la soeur Anne, lui répondait:
- Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l'herbe qui verdoie.


ependant, la Barbe-Bleue, tenant un grand coutelas à sa main, criait de toute sa force à sa femme :
- Descends vite ou je monterai là-haut.
- Encore un moment, s'il vous plaît, lui répondait sa femme. Et aussitôt elle criait tout bas:
- Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et la soeur Anne répondait:
- Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l'herbe qui verdoie.
- Descends donc vite, criait la Barbe-Bleue, ou je monterai là-haut.
- Je m'en vais, répondait la femme ; et puis elle criait:
- Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
- Je vois, répondit la soeur Anne, une grosse poussière qui vient de ce côté-ci...
- Sont-ce mes frères ?
- Hélas ! non, ma soeur : c'est un troupeau de moutons...
- Ne veux-tu pas descendre ? criait la Barbe-Bleue.
- Encore un moment, répondait sa femme ; et puis elle criait:
- Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
- Je vois, répondit-elle, deux cavaliers qui viennent de ce côté-ci, mais ils sont bien loin encore.
- Dieu soit loué ! s'écria-t-elle un moment après, ce sont mes frères. Je leur fais signe tant que je puis de se hâter. La Barbe-Bleue se mit à crier si fort que toute la maison en trembla. La pauvre femme descendit, et alla se jeter à ses pieds tout épleurée et tout échevelée.
- Cela ne sert à rien, dit la Barbe-Bleue ; il faut mourir. Puis, la prenant d'une main par les cheveux, et de l'autre, levant le coutelas en l'air, il allait lui abattre la tête. La pauvre femme, se tournant vers lui, et le regardant avec des yeux mourants, le pria de lui donner un petit moment pour se recueillir.
- Non, non, dit-il, recommande-toi bien à Dieu ; et, levant son bras... Dans ce moment, on heurta si fort à la porte que la Barbe-Bleue s'arrêta tout court. On l'ouvrit, et aussitôt on vit entrer deux cavaliers, qui, mettant l'épée à la main, coururent droit à la Barbe-Bleue.



l reconnut que c'étaient les frères de sa femme, l'un dragon et l'autre mousquetaire, de sorte qu'il s'enfuit aussitôt pour se sauver ; mais les deux frères le poursuivirent de si près qu'ils l'attrapèrent avant qu'il pût gagner le perron. Ils lui passèrent leur épée au travers du corps, et le laissèrent mort. La pauvre femme était presque aussi morte que son mari, et n'avait pas la force de se lever pour embrasser ses frères. Il se trouva que la Barbe-Bleue n'avait point d'héritiers, et qu'ainsi sa femme demeura maîtresse de tous ses biens. Elle en employa une partie à marier sa soeur Anne avec un jeune gentilhomme dont elle était aimée depuis longtemps ; une autre partie à acheter des charges de capitaines à ses deux frères, et le reste à se marier elle-même à un fort honnête homme, qui lui fit oublier le mauvais temps qu'elle avait passé avec la Barbe-Bleue.
ORALITÉ

La curiosité, malgré tous ses attraits,
Coûte souvent bien des regrets ;
On en voit, tous les jours, mille exemples paraître.
C'est, n'en déplaise au sexe, un plaisir bien léger ;
Dès qu'on le prend, il cesse d'être
Et toujours il coûte trop cher.

UTRE MORALITÉ

Pour peu qu'on ait l'esprit sensé
Et que du monde on sache le grimoire,
On voit bientôt que cette histoire
Est un conte du temps passé.
Il n'est plus d'époux si terrible,
Ni qui demande l'impossible,
Fût-il malcontent et jaloux.
Près de sa femme on le voit filer doux ;
Et, de quelque couleur que sa barbe puisse être,
On a peine à juger qui des deux est le maître.
PEAU D'ANE
31 août 2004, 22:41
PEAU D'ANE DE CHARLES PERRAULT


Il était une fois un roi si grand, si aimé de ses peuples, si respecté de tous ses voisins et de ses alliés, qu'on pouvait dire qu'il était le plus heureux de tous les monarques. Son bonheur était encore confirmé par le choix qu'il avait fait d'une princesse aussi belle que vertueuse ; et ces heureux époux vivaient dans une union parfaite. De leur mariage était née une fille, douée de tant de grâce et de charmes, qu'ils ne regrettaient pas de n'avoir pas une plus grande lignée. La magnificence, le goût et l'abondance régnaient dans son palais ; les ministres étaient sages et habiles ; les courtisans, vertueux et attachés ; les domestiques, fidèles et laborieux ; les écuries, vastes et remplies des plus beaux chevaux du monde, couverts de riches caparaçons: mais ce qui étonnait les étrangers qui venaient admirer ces belles écuries, c'est qu'au lieu le plus apparent un maître d'âne étalait de longues et grandes oreilles.

Ce n'était pas par fantaisie, mais avec raison, que le roi lui avait donné une place particulière et distinguée. Les vertus de ce rare animal méritaient cette distinction, puisque la nature l'avait formé si extraordinaire, que sa litière, au lieu d'être malpropre, était couverte, tous les matins, avec profusion, de beaux écus au soleil et de louis d'or de toute espèce, qu'on allait recueillir à son réveil. Or, comme les vicissitudes de la vie s'étendent aussi bien sur les rois que sur les sujets, et que toujours les biens sont mêlés de quelques maux, le ciel permit que la reine fût tout à coup attaquée d'une âpre maladie, pour laquelle, malgré la science et l'habileté des médecins, on ne put trouver aucun secours. La désolation fut générale. Le roi, sensible et amoureux, malgré le proverbe fameux qui dit que le mariage est le tombeau de l'amour, s'affligeait sans modération, faisait des voeux ardents à tous les temples de son royaume, offrait sa vie pour celle d'une épouse si chère, mais les dieux et les fées étaient invoqués en vain.

La reine, sentant sa dernière heure approcher, dit à son époux qui fondait en larmes:
- Trouvez bon, avant que je meure, que j'exige une chose de vous: C'est que s'il vous prenait envie de vous remarier...

A ces mots, le roi fit des cris pitoyables, prit les mains de sa femme, les baigna de pleurs, et, l'assurant qu'il était superflu de lui parler d'un second mariage: Non, non, dit-il enfin, ma chère reine, parlez-moi plutôt de vous suivre. L'État, reprit la reine avec une fermeté qui augmentait les regrets de cc prince, l'État doit exiger des successeurs, et, comme je ne vous ai donné qu'une fille, vous presser d'avoir des fils qui vous ressemblent: mais je vous demande instamment, par tout l'amour que vous avez eu pour moi, de ne céder à l'empressement de vos peuples que lorsque vous aurez trouvé une princesse plus belle et mieux faite que moi ; j'en veux votre serment, et alors je mourrai contente.

On présume que la reine, qui ne manquait pas d'amour-propre, avait exigé ce serment, ne croyant pas qu'il fût au monde personne qui pût l'égaler, pensant bien que c'était s'assurer que le roi ne se remarierait jamais. Enfin elle mourut. Jamais mari ne fit tant de vacarme: pleurer, sangloter jour et nuit, menus droits du veuvage, furent son unique occupation. Les grandes douleurs ne durent pas. D'ailleurs, les grands de l'État s'assemblèrent, et vinrent en corps prier le roi de se remarier.


ette première proposition lui parut dure, et lui fit répandre de nouvelles larmes. Il allégua le serment qu'il avait fait à la reine, défiant tous ses conseillers de pouvoir trouver une princesse plus belle et mieux faite que feu sa femme, pensant que cela était impossible.
Mais le conseil traita de babiole une telle promesse et dit qu'il importait peu de la beauté, pourvu qu'une reine fût vertueuse ; que l'État demandait des princes pour son repos et sa tranquillité ; qu'à la vérité, l'Infante avait toutes les qualités requises pour faire une grande reine, mais qu'il fallait lui choisir un époux ; et qu'alors ou cet étranger l'emmènerait chez lui, ou que, s'il régnait avec elle, ses enfants ne seraient plus réputés du même sang ; et que, n'y ayant point de prince de son nom, les peuples voisins pourraient lui susciter des guerres qui entraîneraient la ruine du royaume. Le roi, frappé de ces considérations, promit qu'il songerait à les contenter.

Effectivement, il chercha, parmi les princesses à marier, qui serait celle qui pourrait lui convenir. Chaque jour on lui apportait des portraits charmants, mais aucun n'avait les grâces de la feue reine: ainsi il ne se déterminait point. Malheureusement il s'avisa de trouver que l'Infante surpassait encore de beaucoup la reine sa mère en esprit et en agréments. Sa jeunesse, l'agréable fraîcheur de ce beau teint enflammèrent le roi d'un ton si violent, qu'il ne put le cacher à l'Infante, et il lui dit qu'il avait résolu de l'épouser, puisqu'elle seule pouvait le dégager de son serment. La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa s'évanouir à cette horrible proposition. Elle se jeta aux pieds du roi son père, et le conjura, avec toute la force qu'elle pût trouver dans son esprit, de ne la pas contraindre à commettre un tel crime.
e roi, qui s'était mis en tête ce bizarre projet, avait consulté un vieux druide pour mettre la conscience de la princesse en repos. Ce druide, moins religieux qu'ambitieux, sacrifia, à l'honneur d'être confident d'un grand roi, l'intérêt et l'innocence et de la vertu, et s'insinua avec tant d'adresse dans l'esprit du roi, lui adoucit tellement le crime qu'il allait commettre, qu'il lui persuada même que c'était une oeuvre pie que d'épouser sa fille. Ce prince, flatté par les discours de ce scélérat, l'embrassa et revint d'avec lui plus entêté que jamais dans son projet: il fit donc ordonner à l'Infante de se préparer à lui obéir.

La jeune princesse, outrée d'une vive douleur, n'imagina rien d'autre chose que d'aller trouver la Fée des Lilas, sa marraine. Pour cet effet, elle partit la même nuit dans un joli cabriolet attelé d'un gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y arriva heureusement.
La fée, qui aimait l'Infante, lui dit qu'elle savait tout ce qu'elle venait lui dire, mais qu'elle n'eût aucun souci, rien ne pouvant lui nuire si elle exécutait fidèlement ce qu'elle allait lui prescrire.
- Car, ma chère enfant, lui dit-elle, ce serait une grande faute que d'épouser votre père, mais, sans le contredire, vous pouvez l'éviter: dites-lui que, pour remplir une fantaisie que vous avez, il faut qu'il vous donne une robe de la couleur du temps ; jamais, avec tout son amour et son pouvoir, il ne pourra y parvenir.

La princesse remercia bien sa marraine ; et dès le lendemain matin, elle dit au roi son père ce que la fée lui avait conseillé, et protesta qu'on ne tirerait d'elle aucun aveu qu'elle n'eût une robe couleur du temps. Le roi, ravi de l'espérance qu'elle lui donnait, assembla les plus fameux ouvriers, et leur commanda cette robe, sous la consigne que, s'ils ne pouvaient réussir, il les ferait tous pendre. Il n'eut pas le chagrin d'en venir à cette extrémité, dès le second jour ils apportèrent la robe si désirée. D'empyrée(') n'est pas d'un plus beau bleu lorsqu'il est ceint de nuages d'or, que cette belle robe lorsqu'elle fut étalée.
L'Infante en fut toute contrastée et ne savait comment se tirer d'embarras. Le roi pressait la conclusion. Il fallut recourir encore à la marraine, qui, étonnée de ce que son secret n'avait pas réussi, lui dit d'essayer d'en demander une de la couleur de la lune. Le roi, qui ne pouvait lui rien refuser, envoya chercher les plus habiles ouvriers, et leur commanda si expressément une robe couleur de la lune, qu'entre ordonner et apporter il n'y eut pas vingt-quatre heures...

L'Infante, plus charmée de cette superbe robe que des soins du roi son père, s'affligea immodérément lorsqu'elle fut avec ses femmes et sa nourrice.
La Fée des Lilas, qui savait tout, vint au secours de l'affligée princesse, et lui dit:
- Ou je me trompe fort, ou je crois que, si vous demandez une robe couleur, du soleil, ou nous viendrons à bout de dégoûter le roi votre père, car jamais on ne pourra parvenir à faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du temps.

'Infante en convint, demanda la robe et l'amoureux roi donna, sans regret, tous les diamants et les rubis de sa couronne pour aider à ce superbe ouvrage, avec l'ordre de ne rien épargner pour rendre cette robe égale au soleil. Aussi, dès qu'elle parût, tous ceux qui la virent déployée furent obligés de fermer les yeux, tant ils furent éblouis. C'est de ce temps que datent les lunettes vertes et les verres noirs. Que devient l'Infante à cette vue ? jamais on n'avait rien vu de si beau et de si artistement ouvré. Elle était confondue ; et sous prétexte d'avoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre où la fée l'attendait, plus honteuse qu'on ne peut dire.

Ce fut bien pis: car, en voyant la robe du soleil, elle devint rouge de colère.
- Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle à l'Infante, nous allons mettre l'indigne amour de votre père à une terrible épreuve. Je le crois bien entêté de ce mariage qu'il croit si prochain, mais je pense qu'il sera un peu étourdi de la demande que je vous conseille de lui faire: C'est la peau de cet âne qu'il aime si passionnément, et qui fournit à toutes ses dépenses avec tant de profusion ; allez, et ne manquez pas de lui dire que vous désirez cette peau.

L'Infante, ravie de trouver encore un moyen d'éluder un mariage qu'elle détestait, et qui pensait en même temps que son père ne pourrait jamais se résoudre à sacrifier son âne, vint le trouver et lui exposa son désir pour la peau de ce bel animal. Quoique le roi fût étonné de cette fantaisie, il ne balança pas à la satisfaire.

Le pauvre âne fut sacrifié, et la peau galamment apportée à l'Infante, qui, ne voyant plus aucun moyen d'éluder son malheur, s'allait désespérer, lorsque sa marraine accourut.
- Que faites-vous, ma fille ? dit-elle, voyant la princesse déchirant ses cheveux et meurtrissant ses belles joues ; voici le moment le plus heureux de votre vie. Enveloppez-vous de cette peau, sortez de ce palais, et allez tant que la terre pourra vous porter: lorsqu'on sacrifie tout à la vertu, les dieux savent en récompenser. Allez, j'aurai soin que votre toilette vous suive partout ; en quelque lieu que vous vous arrêtiez, votre cassette, où seront vos habits et vos bijoux, suivra vos pas sous terre ; et voici ma baguette que je vous donne: en frappant la terre, quand vous aurez besoin de cette cassette, elle paraîtra à vos yeux ; mais hâtez-vous de partir, et ne tardez pas.

L'Infante embrassa mille fois sa marraine, la pria de ne pas l'abandonner, s'affubla de cette vilaine peau, après s'être barbouillée de suie de cheminée, et sortit de ce riche palais sans être reconnue de personne. L'absence de l'Infante causa une grande rumeur. Le roi, au désespoir, qui avait fait préparer une fête magnifique, était inconsolable. Il fit partir plus de cent gendarmes et plus de mille mousquetaires pour aller à la recherche de sa fille ; mais la fée, qui la protégeait, la rendait invisible aux plus habiles recherches: ainsi il fallut bien s'en consoler. Pendant ce temps, l'Infante cheminait. Elle alla bien loin, encore plus loin, et cherchait partout une place ; mais quoique par charité on lui donnât à manger, on la trouvait si crasseuse que personne n'en voulait.


.

ependant, elle entra dans une belle ville, à la porte de laquelle était une métairie, dont la fermière avait besoin d'un souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et l'auge des cochons. Cette femme, voyant cette voyageuse si malpropre, lui proposa d'entrer chez elle ; ce que l'Infante accepta de grand coeur, tant elle était lasse d'avoir tant marché.

On la mit dans un coin reculé de la cuisine, où elle fut, les premiers jours, en butte aux plaisanteries grossières de la valetaille, tant sa peau d'âne la rendait sale et dégoûtante. Enfin, on s'y accoutuma ; d'ailleurs elle était si soigneuse de remplir ses devoirs, que la fermière la prit sous sa protection. Elle conduisait les moutons, les faisait parquer au temps où il le fallait ; elle menait les dindons paître avec une telle intelligence, qu'il semblait qu'elle n'eût jamais fait autre chose: aussi tout fructifiait sous ses belles mains. Un jour qu'assise près d'une claire fontaine, où elle déplorait souvent sa triste condition, elle s'avisa de s'y mirer, l'effroyable peau d'âne, qui faisait sa coiffure et son habillement, l'épouvanta.

Honteuse de cet ajustement, elle se décrassa le visage et les mains, qui devinrent plus blanches que l'ivoire, et son beau teint reprit sa fraîcheur naturelle. La joie de se trouver si belle lui donna envie de se baigner, ce qu'elle exécuta ; mais il lui fallut remettre son indigne peau pour retourner à la métairie. Heureusement, le lendemain était un jour de fête ; ainsi elle eut le loisir de tirer sa cassette, d'arranger sa toilette, de poudrer ses beaux cheveux, et de mettre sa belle robe couleur du temps. Sa chambre était si petite, que la queue de cette belle robe ne pouvait pas s'étendre.

La belle princesse se mira et s'admira elle-même avec raison, si bien qu'elle résolut, pour se désennuyer, de mettre tour à tour ses belles robes, les fêtes et les dimanches ; ce qu'elle exécuta ponctuellement. Elle mêlait des fleurs et des diamants dans ses beaux cheveux, avec un art admirable et souvent elle soupirait de n'avoir pour témoins de sa beauté que ses moutons et ses dindons, qui l'aimaient autant avec son horrible peau d'âne, dont on lui avait donné le nom dans cette ferme. Un jour de fête, que Peau-d'Ane avait mis la robe couleur du soleil, le fils du roi, à qui cette ferme appartenait, vint y descendre pour se reposer, en revenant de la chasse.

Ce prince était jeune, beau et admirablement bien fait, l'amour de son père et de la reine sa mère, adoré des peuples. On offrit à ce jeune prince une collation champêtre, qu'il accepta ; puis il se mit à parcourir les basses-cours et tous les recoins. En courant ainsi de lieu en lieu, il entra dans une sombre allée, au bout de laquelle il vit une porte fermée. La curiosité lui fit mettre l'oeil à la serrure ; mais que devint-il en apercevant la princesse si belle et si richement vêtue, qu'à son air noble et modeste, il la prit pour une divinité.

L'impétuosité du sentiment qu'il éprouva dans ce moment l'aurait porté à enfoncer la porte, sans le respect que lui inspira cette ravissante personne. Il sortit avec peine de cette allée sombre et obscure, mais ce fut pour s'informer qui était la personne qui demeurait dans cette petite chambre. On lui répondit que c'était une souillon, qu'on nommait Peau-d'Ane à cause de la peau dont elle s'habillait, et qu'elle était si sale et si crasseuse, que personne ne la regardait ni lui parlait et qu'on ne l'avait prise que par pitié, pour garder les moutons et les dindons.

Le prince, peu satisfait de cet éclaircissement, vit bien que ces gens grossiers n'en savaient pas davantage, et qu'il était inutile de les questionner. Il revint au palais du roi son père, plus amoureux qu'on ne peut dire, ayant continuellement devant les yeux la belle image de cette divinité qu'il avait vue par le trou de la serrure. Il se repentit de n'avoir pas heurté à la porte et se promit bien de n'y pas manquer une autre fois. Mais l'agitation de son sang, causée par l'ardeur de son amour, lui donna, dans la même nuit, une fièvre si terrible, que bientôt il fut réduit à l'extrémité.

a reine, sa mère, qui n'avait que lui d'enfant, se désespérait de ce que tous les remèdes étaient inutiles. Elle promettait en vain les plus grandes récompenses aux médecins ; ils y employèrent tout leur art, mais rien ne guérissait le prince. Enfin, ils devinèrent qu'un mortel chagrin causait tout ce ravage ; ils en avertirent la reine, qui, toute pleine de tendresse pour son fils, vint le conjurer de dire la cause de son mal et que, quand il s'agirait de lui céder la couronne, le roi son père descendrait de son trône sans regret, pour l'y faire monter ; que s'il désirait quelque princesse, quand même on serait en guerre avec le roi son père, et qu'on eût de justes sujets pour s'en plaindre, on sacrifierait tout pour obtenir ce qu'il désirait ; mais qu'elle le conjurait de ne pas se laisser mourir, puisque de sa vie dépendait la leur.

La reine n'acheva pas ce touchant discours sans mouiller le visage du prince d'un torrent de larmes. - Madame, lui dit enfin le prince avec une voix très faible, je ne suis pas assez dénaturé pour désirer la couronne de mon père ; plaise au ciel qu'il vive de longues années, et qu'il veuille bien que je sois longtemps le plus fidèle et le plus respectueux de ses sujets.
Quant aux princesses que vous m'offrez, je n'ai point encore pensé à me marier et vous pensez bien que, soumis comme je le suis à vos volontés, je vous obéirai toujours, quoi qu'il m'en coûte.
- Ah, mon fils, reprit la reine, rien ne me coûtera pour te sauver la vie, mais, mon cher fils, sauve la mienne et celle du roi ton père en me déclarant ce que tu désires et sois bien assuré qu'il te sera accordé.
- Eh bien, madame, dit-il, puisqu'il faut vous déclarer ma pensée, je vais vous obéir ; je me ferais un crime de mettre en danger deux êtres qui me sont si chers.
- Oui, ma mère, je désire que Peau-d'Ane me fasse un gâteau, et que, dès qu'il sera fait, on me l'apporte.
La reine, étonnée de ce nom bizarre, demanda qui était cette Peau-d'Ane.
- C'est, Madame, reprit un de ses officiers qui par hasard avait vu cette fille, c'est la plus vilaine bête après le loup ; une peau noire, une crasseuse qui loge dans votre métairie et qui garde vos dindons.
- N'importe, dit la reine: mon fils, au retour de la chasse, a peut-être mangé de sa pâtisserie ; c'est une fantaisie de malade ; en un mot, je veux que Peau-d'Ane (puisque Peau-d'Ane, il y a) lui fasse promptement un gâteau.

On courut à la métairie, et l'on fil venir Peau-d'Ane, pour lui ordonner de faire de son mieux un gâteau pour le prince.
Quelques auteurs ont assuré que Peau-d'Ane, au moment que ce prince avait mis l'oeil à la serrure, les siens l'avaient aperçu ; et puis que, regardant par sa petite fenêtre, elle avait vu ce prince si jeune, si beau et si bien fait, que l'idée lui en était restée, et que souvent ce souvenir lui avait coûté quelques soupirs.

Quoi qu'il en soit, Peau-d'Ane l'ayant vu, ou en ayant beaucoup entendu parler avec éloge, ravie de pouvoir trouver un moyen d'être connue, s'enferma dans sa chambre, jeta sa vilaine peau, se décrassa le visage et les mains, se coiffa de ses blonds cheveux, mit un beau corset d'argent brillant, un jupon pareil, et se mit à faire le gâteau tant désiré: elle prit de la plus pure farine, des oeufs et du beurre bien frais.

En travaillant, soit de dessein on. autrement, une bague qu'elle avait au doigt tomba dans la pâte, s'y mêla ; et dès que le gâteau fut cuit, s'affublant de son horrible peau, elle donna le gâteau à l'officier, à qui elle demanda d, , -s nouvelles du prince ; mais cet homme, ne daignant pas lui répondre, courut chez le prince lui apporter ce gâteau. Le prince le prit avidement des mains de cet homme, et le mangea avec une telle vivacité, que les médecins, qui étaient présents, ne manquèrent pas de dire que cette fureur n'était pas un bon signe: effectivement, le prince pensa s'étrangler par la bague qu'il trouva dans un morceau du gâteau ; mais il la tira adroitement de sa bouche et son ardeur à dévorer ce gâteau se ralentit, en examinant cette fine émeraude, montée sur un jonc d'or dont le cercle était si étroit, qu'il jugea ne pouvoir servir qu'au plus joli doigt du monde. Il baisa mille fois cette bague, la mit sous son chevet et l'en tirait à tout moment quand il croyait n'être vu de personne.

Le tourment qu'il se donna pour imaginer comment il pourrait voir celle à qui cette bague pouvait aller et n'osant croire, s'il demandait Peau-d'Ane, qui avait fait ce gâteau qu'il avait demandé, qu'on lui accordât de la faire venir, n'osant non plus croire ce qu'il avait vu par le trou de la serrure, de crainte qu'on se moquât de lui et qu'on le prît pour un visionnaire, toutes ces idées le tourmentant à la fois, la fièvre le reprit fortement et les médecins, ne sachant plus que faire, déclarèrent à la reine que le prince était malade d'amour. La reine accourut chez son fils, avec le roi, qui se désolait-- Mon fils, mon cher fils, s'écria le monarque affligé, nomme-nous celle que tu veux ; nous jurons que nous te la donnerons, fût-elle la plus vile des esclaves.

a reine, en l'embrassant, lui confirma le serment du roi.

Le prince, attendri par les larmes et les caresses des auteurs de ses jours, leur dit:
- Mon père et ma mère, je n'ai point dessein de faire une alliance qui vous déplaise et pour preuve de cette vérité, dit-il en tirant l'émeraude de dessous son chevet, c'est que j'épouserai la personne à qui cette bague ira, telle qu'elle soit ; et il n'y a pas apparence que celle qui aura ce joli doigt soit une rustaude ou une paysanne. Le roi et la reine prirent la bague, l'examinèrent curieusement et jugèrent, ainsi que le prince, que cette bague ne pouvait aller qu'à quelque fille de bonne maison.

Alors, le roi, ayant embrassé son fils en le conjurant de guérir, sortit, fit sonner les tambours, les fifres et les trompettes par toute la ville et crier par ses hérauts que l'on n'avait qu'à venir au palais essayer une bague et que celle à qui elle irait juste, épouserait l'héritier du trône. Les princesses d'abord arrivèrent, puis les duchesses, les marquises et les baronnes ; mais elles eurent beau toutes s'amenuiser les doigts, aucune ne put mettre la bague. Il en fallut venir aux grisettes, qui toutes jolies qu'elles étaient, avaient toutes les doigts trop gros. Le prince, qui se portait mieux, faisait lui-même l'essai.

Enfin, on en vint aux filles de chambre ; elles ne réussirent pas mieux. Il n'y avait plus personne qui n'eût essayé cette bague sans succès, lorsque le prince demanda les cuisinières, les marmitonnes, les gardeuses de moutons: on amena tout cela ; mais leurs gros doigts rouges et courts ne purent seulement aller par delà de l'ongle.

- A-t-on fait venir cette Peau-d'Ane, qui m'a fait un gâteau ces jours derniers ? dit le prince. Chacun se prit à rire, et lui dit que non, tant elle était sale et crasseuse.
- Qu'on l'aille chercher sur l'heure, dit le roi ; il ne sera pas dit que j'aie excepté quelqu'un. On courut, en riant et se moquant, chercher la dindonnière. L'Infante, qui avait entendu les tambours et les cris des hérauts d'armes, s'était bien doutée que sa bague faisait ce tintamarre: elle aimait le prince et, comme le véritable amour est craintif et n'a point de vanité, elle était dans la crainte continuelle que quelque danse n'eût le doigt aussi menu que le sien.

Elle eut donc une grande joie quand on vint la chercher et qu'on heurta à sa porte. Depuis qu'elle avait su qu'on cherchait un doigt propre à mettre sa bague, je ne sais quel espoir l'avait portée à se coiffer plus soigneusement, et à mettre son beau corsage d'argent, avec le jupon plein de falbalas de dentelle d'argent, semés d'émeraudes.

Sitôt qu'elle entendît qu'on heurtait à la porte et qu'on l'appelait pour aller chez le prince, elle remit promptement sa peau d'Ane, ouvrit sa porte ; et ces gens, en se moquant d'elle, lui dirent que le roi la demandait pour lui faire épouser son fils, puis avec de longs éclats de rire, ils la menèrent chez le prince, qui, lui-même, étonné de l'accoutrement de cette fille, n'osa croire que ce fût elle qu'il avait vue si pompeuse et si belle.
Triste et confondu de s'être si lourdement trompé:
- Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette allée obscure, dans la troisième basse-cour de la métairie ?
- Oui, seigneur, répondit-elle.
- Montrez-moi votre main, dit-il en tremblant et poussant un profond soupir... Dame, qui fut bien surpris ? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main délicate, blanche et couleur de rose, où la bague s'ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde et par un petit mouvement que l'Infante se donna, la peau tomba, et elle parut d'une beauté si ravissante, que le prince, tout faible qu'il était, se mit à ses genoux et les serra avec une ardeur qui la fit rougir ; mais, on ne s'en aperçut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l'embrasser de toute leur force et lui demander si elle voulait bien épouser leur fils.

La princesse, confuse de tant de caresses et de l'amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond s'ouvrit et que la Fée des Lilas, descendant dans un char fait de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une grâce infinie, l'histoire de l'Infante. Le roi et la reine, charmés de voir que Peau-d'Ane était une grande princesse, redoublèrent leurs caresses, mais le prince fut encore plus sensible à la vertu de la princesse et son amour s'accrût par cette connaissance.



'impatience du prince, pour épouser la princesse, fut telle, qu'à peine donnat-il le temps de faire les préparatifs convenables pour cet auguste mariage. Le roi et la reine, qui étaient affolés de leur belle-fille, lui faisaient mille caresses et la tenaient incessamment dans leurs bras ; elle avait déclaré qu'elle ne pouvait épouser le prince sans le consentement du roi son père: aussi fut-il le premier à qui on envoya une invitation, sans lui dire quelle était l'épousée ; la Fée des Lilas, qui présidait à tout, comme de raison, l'avait exigé, à cause des conséquences.

Il vint des rois de tous les pays: les uns en chaise à porteurs, d'autres en cabriolet, de plus éloignés, montés sur des éléphants, sur des tigres, sur des aigles, mais le plus magnifique et le plus puissant fut le père de l'Infante, qui heureusement avait oublié son amour impossible et avait épousé une reine veuve, fort belle, dont il n'avait point eu d'enfant.

L'Infante courut au-devant de lui ; il la reconnut aussitôt, et l'embrassa avec une grande tendresse, avant qu'elle eût le temps de se jeter à ses genoux. Le roi et la reine lui présentèrent leur fils, qu'il combla d'amitiés. Les noces se firent avec toute la pompe imaginable.

Les jeunes époux, peu sensibles à ces magnificences, ne virent et ne regardèrent qu'eux. Le roi, père du prince, fit couronner son fils ce même jour, et, lui baisant la main, le plaça sur son trône. Malgré la résistance de ce fils si bien né, il lui fallut obéir. Les fêtes de cet illustre mariage durèrent près de trois mois ; mais l'amour des deux époux durerait encore, tant ils s'aimaient, s'ils n'étaient pas morts cent ans après.
LA BELLE ET LA BETE
31 août 2004, 22:50
LA BELLE ET LA BETE DE JEANNE-MARIE LEPRINCE DE BEAUMONT.




Il y avait une fois un marchand qui était extrêmement riche. Il avait six enfants, trois garçons et trois filles, et comme ce marchand était un homme d'esprit, il n'épargna rien pour l'éducation de ses enfants et leur donna toutes sortes de maîtres. Ses filles étaient très belles ; mais la cadette surtout se faisait admirer et on ne l'appelait, quand elle était petite, que la Belle Enfant ; en sorte que le nom lui en resta, ce qui donna beaucoup de jalousie à ses soeurs.
Cette cadette, qui était plus belle que ses soeurs, était aussi meilleure qu'elles. Les deux aînées avaient beaucoup d'orgueil parce qu'elles étaient riches : elles faisaient les dames, et ne voulaient pas recevoir les visites des autres filles de marchands. Elles allaient tous les jours au bal, à la comédie, à la promenade, et se moquaient de leur cadette, qui employait la plus grande partie de son temps à lire de bons livres.
Comme on savait que ces filles étaient fort riches, plusieurs gros marchands les demandèrent en mariage, mais les deux aînées répondirent qu'elles ne se marieraient jamais, à moins qu'elles ne trouvassent un duc, ou tout au moins un comte. La Belle remercia bien honnêtement ceux qui voulaient l'épouser ; mais elle leur dit qu'elle était trop jeune et qu'elle souhaitait tenir compagnie à son père pendant quelques années. Tout d'un coup, le marchand perdit son bien et il ne lui resta qu'une petite maison de campagne, bien loin de la ville.
Il dit en pleurant à ses enfants qu'il leur fallait aller dans cette maison et qu'en travaillant comme des paysans, ils y pourraient vivre. Ses deux filles aînées répondirent qu'elles ne voulaient pas quitter la ville et qu'elles connaissaient des jeunes gens qui seraient trop heureux de les épouser, quoiqu'elles n'eussent plus de fortune. Ces demoiselles se trompaient : leurs amis ne voulurent plus les regarder quand elles furent pauvres.
Comme personne ne les aimait, à cause de leur fierté, on disait :
«Elles ne méritent pas qu'on les plaigne ! Nous sommes bien aises de voir leur orgueil abaissé : qu'elles aillent faire les dames en gardant les moutons ! »
Mais en même temps, tout le monde disait :
« Pour la Belle, nous sommes bien fâchés de son malheur : c'est une si bonne fille ! Elle parlait aux pauvres gens avec tant de bonté ; elle était si douce, si honnête ! »
Il y eut même plusieurs gentilshommes qui voulurent l'épouser, quoiqu'elle n'eût pas un sou. Mais elle leur dit qu'elle ne pouvait se résoudre à abandonner son pauvre père dans son malheur, et qu'elle le suivrait à la campagne pour le consoler et l'aider à travailler. Quand ils furent arrivés à leur maison de campagne, le marchand et ses trois fils s'occupèrent à labourer la terre. La Belle se levait à quatre heures du matin et se dépêchait de nettoyer la maison et de préparer à dîner pour la famille. Elle eut d'abord beaucoup de peine, car elle n'était pas habituée à travailler comme une servante ; mais, au bout de deux mois, elle devint plus forte et la fatigue lui donna une santé parfaite. Quand elle avait fait son ouvrage, elle lisait, jouait du clavecin, ou bien chantait en filant. Ses deux soeurs, au contraire, s'ennuyaient à mort ; elles se levaient à dix heures du matin, se promenaient toute la journée, et regrettaient leurs beaux habits et leurs amis.
« Voyez notre cadette, disaient-elles entre elles, elle est si stupide qu'elle se contente de sa malheureuse situation. »





e bon marchand ne pensait pas comme ses filles. Il savait que la Belle était plus propre que ses soeurs à briller en société. Il admirait la vertu de cette jeune fille et surtout sa patience ; car ses soeurs, non contentes de lui laisser faire tout l'ouvrage de la maison, l'insultaient à tout moment. Il y avait un an que cette famille vivait dans la solitude, lorsque le marchand reçut une lettre par laquelle on lui annonçait qu'un vaisseau, sur lequel il avait des marchandises, venait d'arriver sans encombre.
Cette nouvelle faillit faire tourner la tête à ses deux aînées qui pensaient qu'enfin elles pourraient quitter cette campagne où elles s'ennuyaient tant. Quand elles virent leur père prêt à partir, elles le prièrent de leur apporter des robes, des palatines, des coiffures, et toutes sortes de bagatelles. La Belle ne lui demandait rien, car elle pensait que tout l'argent des marchandises ne suffirait pas à acheter ce que ses soeurs souhaitaient.
« Tu ne me pries pas de t'acheter quelque chose ? lui demanda son père.
- Puisque vous avez la bonté de penser à moi, lui dit-elle, je vous prie de m'apporter une rose, car on n'en trouve point ici. »
Ce n'est pas que la Belle se souciât d'une rose mais elle ne voulait pas condamner, par son exemple, la conduite de ses soeurs qui auraient dit que c'était pour se distinguer qu'elle ne demandait rien. Le bonhomme partit. Mais quand il fut arrivé, on lui fit un procès pour ses marchandises. Et, après avoir eu beaucoup de peine, il revint aussi pauvre qu'il était auparavant. Il n'avait plus que trente milles à parcourir avant d'arriver à sa maison et il se réjouissait déjà du plaisir de voir ses enfants. Mais, comme il fallait traverser un grand bois avant de trouver sa maison, il se perdit. Il neigeait horriblement ; le vent soufflait si fort qu'il le jeta deux fois à bas de son cheval. La nuit étant venue, il pensa qu'il mourrait de faim ou de froid, ou qu'il serait mangé par des loups qu'il entendait hurler autour de lui.



out d'un coup, en regardant au bout d'une longue allée d'arbres, il vit une grande lumière, mais qui paraissait bien éloignée. Il marcha de ce côté-là et vit que cette lumière venait d'un grand palais, qui était tout illuminé. Le marchand remercia Dieu du secours qu'il lui envoyait et se hâta d'arriver à ce château ; mais il fut bien surpris de ne trouver personne dans les cours. Son cheval qui le suivait, voyant une grande écurie ouverte, entra dedans ; ayant trouvé du foin et de l'avoine, le pauvre animal, qui mourait de faim, se jeta dessus avec beaucoup d'avidité. Le marchand l'attacha dans l'écurie et marcha vers la maison, où il ne trouva personne ; mais étant entré dans une grande salle, il y trouva un bon feu et une table chargée de. viandes, où il n'y avait qu'un couvert. Comme la pluie et la neige l'avaient mouillé jusqu'aux os, il s'approcha du feu pour se sécher et disait en lui-même :
« Le maître de la maison ou ses domestiques me pardonneront la liberté que j'ai prise, et sans doute ils viendront bientôt. »
Il attendit pendant un temps considérable ; mais onze heures ayant sonné sans qu'il vît personne, il ne put résister à la faim et prit un poulet qu'il mangea en deux bouchées, et en tremblant. Il but aussi quelques coups de vin ; devenu plus hardi, il sortit de la salle et traversa plusieurs grands appartements magnifiquement meublés. A la fin, il trouva une chambre où il y avait un bon lit et, comme il était minuit passé et qu'il était las, il prit le parti de fermer la porte et de se coucher. Il était dix heures du matin quand il s'éveilla le lendemain et il fut bien surpris de trouver un habit fort propre à la place du sien qui était tout gâté.
« Assurément, pensa-t-il, ce palais appartient à quelque bonne fée qui a eu pitié de ma situation. »
Il regarda par la fenêtre et ne vit plus de neige, mais des berceaux de fleurs qui enchantaient la vue. Il entra dans la grande salle où il avait soupé la veille et vit une petite table où il y avait du chocolat.
« Je vous remercie, madame la fée, dit-il tout haut, d'avoir eu la bonté de penser à mon déjeuner. »
Le bonhomme, après avoir pris son chocolat, sortit pour aller chercher son cheval et, comme il passait sous un berceau de roses, il se souvint que la Belle lui en avait demandé, et cueillit une branche où il y en avait plusieurs.


cet instant il entendit un grand bruit et vit venir à lui une Bête si horrible qu'il fut tout près de s'évanouir.
«Vous êtes bien ingrat, lui dit la Bête d'une voix terrible : je vous ai sauvé la vie en vous recevant dans mon château et, pour ma peine, vous me volez mes roses que j'aime mieux que toute chose au monde : il vous faut mourir pour réparer votre faute. Je ne vous donne qu'un quart d'heure pour demander pardon à Dieu. » Le marchand se jeta à genoux et dit à la Bête, en joignant les mains :
« Monseigneur, pardonnez-moi, je ne croyais pas vous offenser en cueillant une rose pour une de mes filles, qui m'en avait demandé.
- Je ne m'appelle point Monseigneur, répondit le monstre, mais la Bête. Je n'aime pas les compliments, moi, je veux qu'on dise ce qu'on pense ; ainsi ne croyez pas me toucher par vos flatteries. Mais vous ni avez dit que vous aviez des filles. Je veux bien vous pardonner, à condition qu'une de vos filles vienne volontairement pour mourir à votre place. Ne discutez pas, partez ! Et si vos filles refusent de mourir pour vous, jurez que vous reviendrez dans trois mois. »
Le bonhomme n'avait pas dessein de sacrifier une de ses filles à ce vilain monstre ; mais il pensa :
«Du moins j'aurai le plaisir de les embrasser encore une fois. »
Il jura donc de revenir, et la Bête lui dit qu'il pourrait partir quand il voudrait.
« Mais, ajouta-t-elle, je ne veux pas que tu t'en ailles les mains vides. Retourne dans la chambre où tu as couché, tu y trouveras un grand coffre vide, tu peux y mettre tout ce qui te plaira, je le ferai porter chez toi. »
En même temps la Bête se retira et le bonhomme se dit :
« S'il faut que je meure, j'aurai la consolation de laisser du pain à mes pauvres enfants. »
Il retourna dans la chambre où il avait couché ; y ayant trouvé une grande quantité de pièces d'or, il remplit le coffre dont la Bête lui avait parlé, le ferma et, ayant repris son cheval qu'il retrouva dans l'écurie, il sortit de ce palais avec une tristesse égale à la joie qu'il avait lorsqu'il y était entré. Son cheval prit de lui-même une des routes de la forêt et, en peu d'heures, le bonhomme arriva dans sa petite maison. Ses enfants se rassemblèrent autour de lui ; mais, au lieu d'être sensible à leurs caresses, le marchand se mit à pleurer en les regardant. Il tenait à la main la branche de roses qu'il apportait à la Belle ; il la lui donna et lui dit :
« La Belle, prenez ces roses ! Elles coûtent bien cher à votre malheureux père. »



t, tout de suite, il raconta à sa famille la funeste aventure qui lui était arrivée. A ce récit, ses deux aînées jetèrent de grands cris, et dirent des injures à la Belle, qui ne pleurait point.
« Voyez ce que produit l'orgueil de cette petite créature, disaient-elles. Que ne demandait-elle des robes comme nous : mais non, mademoiselle voulait se distinguer ! Elle va causer la mort de notre père, et elle ne pleure pas.
- Cela serait fort inutile, reprit la Belle : pourquoi pleurerais-je la mort de mon père ? Il ne périra point. Puisque le monstre veut bien accepter une de ses filles, je veux me livrer à toute sa furie et je me trouve fort heureuse puisqu'en mourant j'aurai la joie de sauver mon père et de lui prouver ma tendresse.
- Non, ma soeur, lui dirent ses trois frères, vous ne mourrez pas : nous irons trouver ce monstre, nous périrons sous ses coups si nous ne pouvons le tuer.
- Ne l'espérez pas, mes enfants ! leur dit le marchand. La puissance de la Bête est si grande qu'il ne me reste aucune espérance de la faire périr. Je suis charmé du bon coeur de la Belle, mais je ne veux pas l'exposer à la mort. Je suis vieux, il ne me reste que peu de temps à vivre ; ainsi je ne perdrai que quelques années de vie que je ne regrette qu'à cause de vous, mes chers enfants.
- Je vous assure, mon père, dit la Belle, que vous n'irez pas à ce palais sans moi : vous ne pouvez m'empêcher de vous suivre. Quoique je sois jeune, je ne suis pas fort attachée à la vie et j'aime mieux être dévorée par ce monstre que de mourir du chagrin que me donnerait votre perte. » On eut beau dire, la Belle voulut absolument partir pour le beau palais, et ses soeurs en étaient charmées parce que les vertus de cette cadette leur avaient inspiré beaucoup de jalousie.




e marchand était. si occupé de la douleur de perdre sa fille qu'il ne pensait pas au coffre qu'il avait rempli d'or ; mais aussitôt qu'il se fut enfermé dans sa chambre pour se coucher, il fut bien étonné de le trouver au pied de son lit. Il résolut de ne point dire à ses enfants qu'il était devenu riche, parce que ses filles auraient voulu retourner à la ville et qu'il était résolu de mourir dans cette campagne, mais il confia ce secret à la Belle qui lui apprit qu'il était venu quelques gentilshommes pendant son absence, qu'il y en avait deux qui aimaient ses soeurs. Elle pria son père de les marier ; car la Belle était si bonne qu'elle les aimait et leur pardonnait de tout son coeur le mal qu'elles lui avaient fait. Ces méchantes filles se frottèrent les yeux avec un oignon pour pleurer lorsque la Belle partit avec son père ; mais ses frères pleuraient tout de bon aussi bien que le marchand. Il n'y avait que la Belle qui ne pleurait point parce qu'elle ne voulait pas augmenter leur douleur. Le cheval prit la route du palais et, sur le soir, ils l'aperçurent illuminé comme la première fois. Le cheval alla tout seul à l'écurie et le bonhomme entra avec sa fille dans la grande salle où ils trouvèrent une table magnifiquement servie, avec deux couverts. Le marchand n'avait pas le coeur de manger, mais la Belle, s'efforçant de paraître tranquille, se mit à la table et le servit.


uis elle se dit en elle-même :
« La Bête veut m'engraisser avant de me manger puisqu'elle me fait faire si bonne chère. »
Quand ils eurent soupé, ils entendirent un grand bruit. Le marchand dit adieu à sa pauvre fille en pleurant car il pensait que c'était la Bête. La Belle ne put s'empêcher de frémir en voyant cette horrible figure, mais elle se rassura de son mieux et, le monstre lui ayant demandé si c'était de bon coeur qu'elle était venue, elle lui dit en tremblant que oui.
« Vous êtes bien bonne, lui dit la Bête, et je vous suis bien obligé. Bonhomme, partez demain matin et ne vous avisez jamais de revenir ici. Adieu, la Belle
- Adieu, la Bête », répondit-elle, et tout de suite le monstre se retira.
« Ah ! ma fille, dit le marchand en embrassant la Belle, je suis à demi mort de frayeur. Croyez-moi, laissez-moi ici.
- Non, mon père, lui dit la Belle avec fermeté, vous partirez demain matin et vous m'abandonnerez au secours du Ciel peut-être aura-t-il pitié de moi. » Ils allèrent se coucher et croyaient ne pas dormir de toute la nuit ; mais à peine furent-ils dans leurs lits que leurs yeux se fermèrent. Pendant son sommeil, la Belle vit une dame qui lui dit :
«Je suis contente de votre bon coeur, la Belle. La bonne action que vous faites, en donnant votre vie pour sauver celle de votre père, ne demeurera pas sans récompense. »
La Belle, s'éveillant, raconta ce songe à son père et, quoiqu'il le consolât un peu, cela ne l'empêcha pas de jeter de grands cris quand il fallut se séparer de sa chère fille. Lorsqu'il fut parti, la Belle s'assit dans la grande salle et se mit à pleurer aussi. Mais comme elle avait beaucoup de courage, elle se recommanda à Dieu et résolut de ne se point chagriner pour le peu de temps qu'elle avait à vivre car elle croyait fermement que la Bête la mangerait le soir. Elle résolut de se promener en attendant et de visiter ce beau château.



lle ne pouvait s'empêcher d'en admirer la beauté. Mais elle fut bien surprise de trouver une porte sur laquelle il y avait écrit : Appartement de la Belle. Elle ouvrit cette porte avec précipitation et fut éblouie de la magnificence qui y régnait. Mais ce qui frappa le plus sa vue fut une grande bibliothèque, un clavecin et plusieurs livres de musique.
« On ne veut pas que je m'ennuie », dit-elle tout bas. Elle pensa ensuite :
« Si je n'avais qu'un jour à demeurer ici, on ne m'aurait pas ainsi pourvue. » Cette pensée ranima son cou rage. Elle ouvrit la bibliothèque et vit un livre où il y avait écrit en lettres d'or : Souhaitez, commandez : vous êtes ici la reine et la maîtresse.
«Hélas ! dit-elle en soupirant, je ne souhaite rien que de voir mon pauvre père et de savoir ce qu'il fait à présent. » Elle avait dit cela en elle-même. Quelle fut sa surprise, en jetant les yeux sur un grand miroir, d'y voir sa maison où son père arrivait avec un visage extrêmement triste ! Ses soeurs venaient au-devant de lui et, malgré les grimaces qu'elles faisaient pour paraître affligées, la joie qu'elles avaient de la perte de leur soeur paraissait sur leur visage. Un moment après, tout cela disparut, et la Belle ne put s empêcher de penser que la Bête était bien complaisante et qu'elle n'avait rien à craindre. A midi, elle trouva la table mise et, pendant son dîner, elle entendit un excellent concert, quoiqu'elle ne vît personne. Le soir, comme elle allait se mettre a table, elle entendit le bruit que faisait la Bête et ne put s'empêcher de frémir.
«a Belle, lui dit ce monstre, voulez-vous bien que je vous vole souper ?
- Vous êtes le maître, répondit la Belle en tremblant. Non, reprit la Bête, il n'y a ici de maîtresse que vous. Vous n'avez qu'à me dire de m'en aller si je vous ennuie ; je sortirai tout de suite. Dites-moi, n'est-ce pas que vous me trouvez bien laid ? Cela est vrai, dit la Belle, car je ne sais pas mentir ; mais je crois que vous êtes fort bon.
- Vous avez raison, dit le monstre. Mais outre que je suis laid, je n'ai point d'esprit : je sais bien que je ne suis qu'une Bête.
- On n'est pas bête, reprit la Belle, quand on croit n'avoir point d'esprit. Un sot n'a jamais su cela.
- Mangez donc, la Belle, dit le monstre, et tâchez de ne point vous ennuyer dans votre maison car tout ceci est à vous, et j'aurais du chagrin si vous n'étiez pas contente.
- Vous avez bien de la bonté, dit la Belle. Je. vous assure que je suis contente de votre coeur. Quand j'y pense, vous ne me paraissez plus si laid.
- Oh ! dame, oui ! répondit la Bête. J'ai le coeur bon, mais je suis un monstre.
- Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle, et je vous aime mieux avec votre figure que ceux qui, avec la figure d'homme, cachent un coeur faux, corrompu, ingrat.
- Si j'avais de l'esprit, reprit la Bête, je vous ferais un grand compliment pour vous remercier ; mais je suis un stupide, et tout ce que je puis vous dire, c'est que je vous suis bien obligé. ».
a Belle soupa de bon appétit. Elle n'avait presque plus peur du monstre, mais elle manqua mourir de frayeur lorsqu'il lui dit :
« La Belle, voulez-vous être ma femme ?»
Elle fut quelque temps sans répondre: elle avait peur d'exciter la colère du monstre en refusant sa proposition. Elle lui dit enfin en tremblant
«Non, la Bête.»
Dans le moment, ce pauvre monstre voulut soupirer et il fit un sifflement si épouvantable que tout le palais en retentit ; mais la Belle fut bientôt rassurée, car la Bête, lui ayant dit tristement
« Adieu donc, la Belle », sortit de la chambre en se retournant de temps en temps pour la regarder encore. Belle, se voyant seule, sentit une grande compassion pour cette pauvre Bête.
« Hélas ! disait-elle, c'est bien dommage qu'elle soit si laide, elle est si bonne ! » Belle passa trois mois dans ce palais avec assez de tranquillité. Tous les soirs, la Bête lui rendait visite et parlait avec elle pendant le souper avec assez de bon sens, mais jamais avec ce qu'on appelle esprit dans le monde. Chaque jour, Belle découvrait de nouvelles bontés dans ce monstre : l'habitude de le voir l'avait accoutumée à sa laideur et, loin de craindre le moment de sa visite, elle regardait souvent sa montre pour voir s'il était bientôt neuf heures, car la Bête ne manquait jamais de venir à cette heure-là. Il n'y avait qu'une chose qui faisait de la peine à la Belle, c'est que le monstre, avant de se coucher, lui demandait toujours si elle voulait être sa femme et paraissait pénétré de douleur lorsqu'elle lui disait que non. Elle lui dit un jour :
«Vous me chagrinez, la Bête ! Je voudrais pouvoir vous épouser, mais je suis trop sincère pour vous faire croire que cela arrivera jamais : serai toujours votre amie ; tâchez de vous contenter de cela.
- Il le faut bien, reprit la Bête. Je me rends justice ! je sais que je suis horrible, mais je vous aime beaucoup. Aussi, je suis trop heureux de ce que vous vouliez bien rester ici. Promettez-moi que vous ne me quitterez jamais ! »


La Belle rougit à ces paroles. Elle avait vu, dans son miroir, que son père était malade de chagrin de l'avoir perdue et elle souhaitait le revoir.
«Je pourrais bien vous promettre de ne vous jamais quitter tout à fait, mais j'ai tant envie de revoir mon père que je mourrai de douleur si vous me refusez ce plaisir.
- J'aime mieux mourir moi-même, dit le monstre, que de vous donner du chagrin. Je vous enverrai chez votre père, vous y resterez, et votre pauvre Bête en mourra de douleur.
- Non, lui dit la Belle en pleurant, je vous aime trop pour vouloir causer votre mort. Je vous promets de revenir dans huit jours. Vous m'avez fait voir que mes soeurs sont mariées et que mes frères sont partis pour l'armée. Mon père est tout seul : acceptez que je reste chez lui une semaine. - Vous y serez demain au matin, dit la Bête. Mais souvenez-vous de votre promesse : vous n'aurez qu'à mettre votre bague sur une table en vous couchant quand vous voudrez revenir. Adieu, la Belle » La Bête soupira, selon sa coutume, en disant ces mots, et la Belle se coucha, toute triste de l'avoir affligée.
Quand elle se réveilla, le matin, elle se trouva dans la maison de son père et, ayant sonné une clochette qui était à côté du lit, elle vit venir la servante qui poussa un grand cri en la voyant. Le bonhomme accourut à ce cri et manqua de mourir de joie en revoyant sa chère fille, et ils se tinrent embrassés plus d'un quart d'heure. La Belle, après les premiers transports, pensa qu'elle n'avait point d'habits pour se lever, mais la servante lui dit qu'elle venait de trouver dans la chambre voisine un grand coffre plein de robes d'or, garnies de diamants. Belle remercia la bonne Bête de ses attentions. Elle prit la moins riche de ces robes et dit à la servante de ranger les autres dont elle voulait faire présent à ses soeurs. Mais à peine eut-elle prononcé ces paroles que le coffre disparut. Son père lui dit que la Bête voulait qu'elle gardât tout cela pour elle, et aussitôt les robes et le coffre revinrent à la même place.
La Belle s'habilla et, pendant ce temps, on alla avertir ses soeurs qui accoururent avec leurs maris. Elles étaient toutes deux fort malheureuses. L'aînée avait épousé un jeune gentilhomme beau comme l'Amour ; mais il était si amoureux de sa propre figure qu'il n'était occupé que de cela depuis le matin jusqu'au soir. La seconde avait épousé un homme qui avait beaucoup d'esprit, mais il ne s'en servait que pour faire enrager tout le monde, à commencer par sa femme. Les soeurs de la Belle manquèrent de mourir de douleur quand elles la virent habillée comme une princesse, et plus belle que le jour.
ien ne put étouffer leur jalousie, qui augmenta lorsque la Belle leur eut conté combien elle était heureuse. Ces deux jalouses descendirent dans le jardin pour y pleurer tout à leur aise et elles se disaient :
« Pourquoi cette petite créature est-elle plus heureuse que nous? Ne sommes-nous pas plus aimables qu'elle ?
- Ma soeur, dit l'aînée, il me vient une pensée ! Tâchons de l'arrêter ici plus de huit jours : sa sotte Bête se mettra en colère de ce qu'elle lui aura manqué de parole et peut-être qu'elle la dévorera.
- Vous avez raison, ma soeur, répondit l'autre. Nous ferons tout pour la retenir ici. »
Et, ayant pris cette résolution, elles remontèrent et firent tant d'amitiés à leur soeur que la Belle en pleura de joie. Quand les huit jours furent passés, les deux soeurs s'arrachèrent les cheveux, feignirent tellement d'être affligées de son départ que la Belle promit de rester encore huit jours. Cependant Belle se reprochait le chagrin qu'elle allait donner à sa pauvre Bête qu'elle aimait de tout son coeur. Elle s'ennuyait aussi de ne plus la voir.
a dixième nuit qu'elle passa chez son père, elle rêva qu'elle était dans le jardin du palais et qu'elle voyait la Bête couchée sur l'herbe, et prête à mourir, qui lui reprochait son ingratitude. La Belle se réveilla en sursaut et versa des larmes.
« Ne suis-je pas bien méchante, dit-elle, de donner du chagrin à une bête qui a pour moi tant de complaisance ! Est-ce sa faute si elle est si laide ? et si elle a peu d'esprit ? Elle est bonne, cela vaut mieux que tout le reste. Pourquoi n'ai-je pas voulu l'épouser ? Je serais plus heureuse avec elle que mes soeurs avec leurs maris. Ce n'est ni la beauté ni l'esprit d'un mari qui rendent une femme contente, c'est la bonté du caractère, la vertu, et la Bête a toutes ces bonnes qualités. Je n'ai point d'amour pour elle, mais j'ai de l'estime, de l'amitié et de la reconnaissance. Allons, il ne faut pas la rendre malheureuse ! Je me reprocherais toute ma vie mon ingratitude. » A ces mots, Belle se lève, met sa bague sur la table et revient se coucher. A peine fut-elle dans son lit qu'elle s'endormit. Quand elle se réveilla le matin, elle vit avec joie qu'elle était dans le palais de la Bête. Elle s'habilla magnifiquement pour lui plaire et s'ennuya à mourir toute la journée, en attendant neuf heures du soir ; mais l'horloge eut beau sonner, la Bête ne parut point. La Belle alors craignit d'avoir causé sa mort. Elle courut tout le palais en jetant de grands cris ; elle était au désespoir. Après avoir cherché partout, elle se souvint de son rêve et courut dans le jardin vers le canal où elle l'avait vue en dormant.
Elle trouva la pauvre Bête étendue, sans connaissance et crut qu'elle était morte. Elle se jeta sur son corps sans avoir horreur de sa figure et, sentant que son coeur battait encore, elle prit de l'eau dans le canal et lui en jeta sur la tête. La Bête ouvrit les yeux et dit à la Belle :
«Vous avez oublié votre promesse ! Le chagrin de vous avoir perdue m'a fait résoudre à me laisser mourir de faim ; mais je meurs content puisque j'ai le plaisir de vous revoir encore une fois.
- Non, ma chère Bête, vous ne mourrez point ! lui dit la Belle. Vous vivrez pour devenir mon époux. Dès ce moment, je vous donne ma main et je jure que je ne serai qu'à vous. Hélas ! je croyais n'avoir que de l'amitié pour vous, mais la douleur que je sens me fait voir que je ne pourrais vivre sans vous voir. »
A peine la Belle eut-elle prononcé ces paroles qu'elle vit le château brillant de lumières. Les feux d'artifice, la musique, tout lui annonçait une fête ; mais toutes ces beautés n'arrêtèrent point sa vue. Elle se retourna vers sa chère Bête dont l'état faisait frémir. Quelle ne fut pas sa surprise ? La Bête avait disparu, et elle ne vit plus à ses pieds qu'un prince plus beau que l'Amour, qui la remerciait d'avoir rompu son enchantement. Quoique ce prince méritât toute son attention, elle ne put s'empêcher de lui demander où était la Bête.
« Vous la voyez à vos pieds, lui dit le prince. Une méchante fée m'avait condamné à rester sous cette figure jusqu'à ce qu'une belle fille consentît à m'épouser, et elle m'avait défendu de faire paraître mon esprit. Ainsi il n'y avait que vous dans le monde pour vous laisser toucher par la bonté de mon caractère : en vous offrant ma couronne, je ne puis m'acquitter des obligations que j'ai pour vous. »
a Belle, agréablement surprise, donna la main à ce beau prince pour le relever. Ils allèrent ensemble au château et la Belle manqua mourir de joie en trouvant, dans la grand-salle, son père et toute sa famille, que la belle dame qui lui était apparue en songe avait transportés au château.« Belle, lui dit cette dame, qui était une grande fée, venez recevoir la récompense de votre bon choix : vous avez préféré la vertu à la beauté et à l'esprit. Vous méritez de trouver toutes ces qualités réunies en une même personne.
Vous allez devenir une grande reine : j'espère que le trône ne détruira pas vos vertus. Pour vous, mesdemoiselles, dit la fée aux deux soeurs de Belle, je connais votre coeur et toute la malice qu'il renferme. Devenez deux statues, mais conservez toute votre raison sous la pierre qui vous enveloppera. Vous demeurerez à la porte du palais de votre soeur, et je ne vous impose point d'autre peine que d'être témoins de son bonheur. Vous ne pourrez revenir dans votre premier état qu'au moment où vous reconnaîtrez vos fautes. Mais j'ai bien peur que vous ne restiez toujours statues. On se corrige de l'orgueil, de la colère, de la gourmandise et de la paresse, mais c'est une espèce de miracle que la conversion d'un coeur méchant et envieux. » Dans le moment, la fée donna un coup de baguette qui transporta tous ceux qui étaient dans cette salle dans le royaume du prince. Ses sujets le virent avec joie, et il épousa la Belle, qui vécut avec lui fort longtemps, et dans un bonheur parfait, parce qu'il était fondé sur la vertu.
Re: Les Deux Mulets
31 août 2004, 22:59

Voici quelques uns des plus beaux contes de la litterature pour enfants,de notre enfance cherie au maroc, je crois qu'on etait plus instruit que la france, on savais toutes les fables de lafontaine par coeur, les, alphonce daudet, charles perrault,les freres grimms et autres...................

on savais chanter la table de multiplication, et on recitait , toutes les recitations, par coeur.

si vous en avez, chez vous des contes de cette riche litterature qui a bercee notre enfance , mettez-nous un ou deux, ici pour nos enfants et nos petits enfants.
Re: rentree des classes
31 août 2004, 23:14
Alphonse Daudet
Date de naissance : 1840
Lieu de naissance : Nîmes
Date de décès : 1897
Quelques oeuvres : Le petit chose, Les contes du lundi, Lettres de mon moulin, Sapho, Tartarin de Tarascon
Citation : " L'épithète doit être la maîtresse du substantif, jamais sa femme légitime."

voici un timbre d'alphonse daudet
Pièces jointes:
timbre pour le 100 d'alphonse.jpg
Re: rentree des classes
31 août 2004, 23:16
le portrait d'alphose daudet
Pièces jointes:
alphonse daudet.jpg
Ren? Descartes
31 août 2004, 23:18
René Descartes
Date de naissance : 1596
Lieu de naissance : La Haye (Descartes)
Date de décès : 1650
Quelques oeuvres : Discours de la méthode
Citation : "Je pense, donc je suis
Pièces jointes:
rene descartes.jpg
victor hugo
31 août 2004, 23:20
Victor Hugo
Date de naissance : 1802
Lieu de naissance : Besançon
Date de décès : 1885
Quelques oeuvres : Le dernier jour d'un condamné, Les Châtiments(×)
Citation : " Le monstre, que l'on croit l'exception, est la règle. Allez au fond de l'histoire : Néron est un pluriel."
Pièces jointes:
victor.jpg
Th?ophile Gautier
31 août 2004, 23:22
Théophile Gautier
Date de naissance : 1811
Lieu de naissance : Tarbes
Date de décès : 1872
Quelques oeuvres : Le capitaine Fracasse, Le club des Hachichins, Le roman de la momie, Récits fantastiques(×)
Citation : "Tout ce qui est utile est laid."
Pièces jointes:
theo.jpg
Anatole France (Anatole Fran?ois Thibault)
31 août 2004, 23:24
Anatole France (Anatole François Thibault)
Date de naissance : 1844
Lieu de naissance : Paris
Date de décès : 1924
Quelques oeuvres : Le livre de mon ami
Citation : " L'homme ne croit pas ce qui est, il croit ce qu'il désire qui soit."
Pièces jointes:
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Gustave Flaubert
31 août 2004, 23:26
Gustave Flaubert
Date de naissance : 1821
Lieu de naissance : Rouen
Date de décès : 1880
Quelques oeuvres : Madame Bovary, Un cœur simple, Mémoire d'un fou, La légende de Saint-Julien l'hospitalier
Citation : " Quand le peuple ne croira plus à l'Immaculée conception, il croira aux tables tournantes"
Pièces jointes:
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Alexandre Dumas p?re
31 août 2004, 23:27
Alexandre Dumas père
Date de naissance : 1802
Lieu de naissance : Villers-Cotterêts
Date de décès : 1870
Quelques oeuvres : La femme au collier de velours, les Trois Mousquetaires, Vingt Ans après, le Comte de Monte-Cristo, la Reine Margot
Citation : "L'antiquité est l'aristocratie de l'histoire."
Pièces jointes:
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Alexandre Dumas fils
31 août 2004, 23:29
Alexandre Dumas fils
Date de naissance : 1824
Lieu de naissance : Paris
Date de décès : 1895
Quelques oeuvres : La dame aux camélias
Citation :"Donnez de l'argent, n'en prêtez pas. Donner ne fait que des ingrats, prêter fait des ennemis."
Pièces jointes:
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Paul F?val
31 août 2004, 23:30
Paul Féval
Date de naissance : 1817
Lieu de naissance : Rennes
Date de décès : 1887
Quelques oeuvres : Le Bossu ou le petit parisien
Citation :
Denis Diderot
31 août 2004, 23:32
Denis Diderot
Date de naissance : 1713
Lieu de naissance : Langres
Date de décès : 1784
Quelques oeuvres : Le neveu de Rameau, Supplément voyage de Bougainville, Pensées sur l'interprétation de la nature(+),La Religieuse(×)
Citation : " Il n'y a qu'une seule vertu, la justice ; un seul devoir, de se rendre heureux ; un seul corollaire, mépriser quelquefois la vie"
Pièces jointes:
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Jean de la Fontaine est n? ? Chateau-Thierry le 8 juillet 1621.
31 août 2004, 23:39
notre cher de la fontaine.


Jean de la Fontaine est né à Chateau-Thierry le 8 juillet 1621.

Son père était maître des Eaux et Forêts et Capitaine des Chasses. Sa mère, née Françoise Pidoux, était originaire de Coulommiers dans le Poitou.

Jean étudia au collège de Château-Thierry jusqu'en troisième. Il y apprit surtout le latin, mais, soit par négligence, soit par paresse, ne s'intéressa pas au grec. Il le regrettera plus tard quand il aura besoin de certains textes anciens dont il ne pourra lire que les traductions latines.

En 1641, il entre à l'Oratoire, rue St Honoré, à Paris. Mais la vie monacale ne l'intéresse pas plus que le travail scolaire. Dans cette école, il apprécie surtout le calme et la tranquillité qui lui permettent de s'adonner à la lecture, son passe-temps favori. Malheureusement pour ses maîtres, ses lectures n'étaient pas celles prônées par l'Oratoire. Il quitte cet établissement 18 mois plus tard.



Les Fables

C'est en 1668, le 31 mars que Jean de la Fontaine fait paraitre son premier ouvrage : « Les Fables Choisies ». Ce recueil contient 124 fables réparties en 6 livres. Dédié au Dauphin, il obtient un succès éclatant. Jean de la Fontaine est alors agé de 47 ans !

Il publiera ensuite régulièrement de nouvelles fables jusqu'à l'age de 72 ans. Son dernier recueil parait en 1693, le 1er septembre. Il reprend des publications antérieures et dix fables inédites.

Sa dernière fable, « Le Juge arbitre, l'Hospitalier, et le Solitaire » s'achève non par une morale mais par une sorte d'exhortation à tous les hommes et en particulier aux grands de ce monde :



Il se remet alors à ses études de droit et décroche, en 1649, un diplôme d'avocat au parlement de Paris. Entre temps, en 1647, son père le marie à Marie Héricart, alors âgée de 14 ans (1647). Mais ce mariage de complaisance n'est pas un mariage heureux. Et malgré la naissance d'une enfant, Charles, en 1653, La Fontaine ne fut jamais ni un bon mari, ni un bon père.

En 1652, La Fontaine reprend la charge paternelle de Maître des Eaux et Forêts. Il tente du mieux qu'il peut d'exercer cette lourde tâche. On retrouve sa signature jusqu'en 1671 sur certains écrits du canton de Château-Thierry. En 1672, il vend l'intégralité de cette charge.

Lorsque le travail lui en laisse le temps, il monte à Paris rencontrer ses amis. Là, il se mêle aux sociétés précieuses et surtout libertines de l'époque. Il y rencontre Maucroix son ami d'enfance, Furetière, les frères Tallemant, Antoine de la Sablière. Sa vocation poétique s'éveille de plus en plus. Il passe de longues heures à lire Malherbe mais admire aussi les écrits de Benserade et Voiture, Rabelais et Boccace. Il traduit l'Eunuque de Térence (1654), compose une comédie Clymène vers 1659, et un poème: Adonis qu'il offrit à Nicolas Fouquet, alors surintendant des finances.

Il entre à cette époque au service de Fouquet. Il lui dédie «le Songe de Vaux», ainsi qu'une trentaine de poèmes prévus par contrat. Au moment de la chute de Fouquet, La Fontaine reste son plus fidèle défenseur. Il écrit à cette occasion «l'ode au roi» et surtout l'admirable «Élégie aux nymphes de Vaux». Cette fidélité à Fouquet lui valut rapidement la haine de Colbert, puis celle de Louis XIV lui-même.

Peu après, il se lie intimement avec Molière, Boileau et Racine et écrit «les amours de Psyché et Cupidon», charmant roman en prose entremêlé de vers(1669). Après Fouquet, il fut le protégé de la Duchesse de Bouillon et de la Duchesse d'Orléans. En 1673, c'est Madame de la Sablière qui le recueille et après la mort de celle-ci en 1693, Madame Hervart.

En 1684, il est élu, non sans mal à l'Académie, au fauteuil de Colbert. Il est un excellent académicien, régulièrement présent aux séances. Dans la Querelle des Anciens et des Modernes, il se range résolument dans le clan des anciens qu'il défend avec acharnement. A l'Académie, il retrouve Boileau, Perrault, Furetière.

La vieillesse et la maladie amenèrent sa conversion (1692). Il est obligé de renier ses écrits licencieux. Il meurt en 1695.

Outre les contes, et surtout les fables qui constituent toute sa gloire, La Fontaine s'est essayé dans tous les genres. Il faut citer Philémon et Baucis en 1685, et particulièrement les épîtres dans lesquelles il excelle: «épître à Huet», «Discours à Madame de la Sablière».

Il a laissé une énorme correspondance, notamment des lettres à Madame de La Fontaine (1663) écrites lors de son exil volontaire dans le Limousin, mais aussi une importante série de lettres à son oncle Jannard et à son ami Maucroix.

Ses contes sont divisés en cinq livres publiés en 1664, 1665, 1666, 1668, 1671, 1674 et 1682. Ecrits pour la Duchesse de Bouillon, ils empruntent leurs sujets à Boccace, à l'Arioste et aux nouvellistes italiens.

Ses fables, au nombre de 243 restent son chef d'oeuvre. Certains considèrent la Fontaine comme un copieur qui n'a rien inventé, mais il est certain que sans sa contribution, les noms d'Esope et de Phèdre, entre autres, n'auraient pas le retentissement qu'ils ont maintenant. La Fontaine s'est peut-être inspiré de ces fables anciennes, mais il les a considérablement améliorées et écrites dans une langue belle et simple. La fable n'est plus la sèche démonstration d'une morale. C'est un court récit à l'intrigue rapide et vive. La souplesse et le naturel du style sont en réalité le fruit d'un grand travail où le poète a manifesté sa parfaite maitrise de la langue et du vers.

Sensuel et aimant les chastes bergeries, volage et célébrant la fidélité, courtisan mais ayant le culte de l'amitié, sa vie est l'image même de la variété de son oeuvre, qui unit en une harmonie parfaite : l'art et le naturel.
Re: rentree des classes
31 août 2004, 23:45
la fontaine



michelle shoshani
Pièces jointes:
ila fontaine.jpg
Re: rentree des classes
31 août 2004, 23:46
La Cigale et la Fourmi



Message modifié (01-09-2004 09:47)

michelle shoshani
Pièces jointes:
cigale.gif
Re: rentree des classes
31 août 2004, 23:47
Le Corbeau et le Renard



michelle shoshani
Pièces jointes:
corb.gif
Re: rentree des classes
31 août 2004, 23:48
La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf



michelle shoshani
Pièces jointes:
grenou.gif
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