Le défi posé par la prolifération des satellites
Ce fut l’auteur de science-fiction Arthur Clarke qui imagina en 1945 la communication par satellite géostationnaire par l’intermédiaire d’un satellite positionné sur une orbite terrestre circulaire dont la période de rotation est la même que celle de la terre, la force de gravitation étant par ailleurs égale à la force centripète. Ainsi, un satellite en orbite géostationnaire reste sur la même verticale par rapport à un point donné sur la terre. Il peut servir à la transmission et à la réception de faisceaux directifs qui n’ont pas besoin d’être réorientés.
Depuis le lancement du premier satellite russe Spoutnik en 1957, une grande famille de satellites a été développée et l’on distingue aujourd’hui plusieurs familles de satellites classifiées selon leur orbite (circulaire ou elliptique) ou par leur altitude (orbite géostationnaire, orbite elliptique élevée, moyenne ou basse).
Un système de communication satellite comprend des satellites dont les orbites ont des plans différents de façon à pouvoir couvrir l’ensemble de la sphère terrestre. La propagation des ondes électromagnétiques dans l’espace fait souvent intervenir des antennes paraboliques ou des transmissions laser.
Les premières générations de satellites furent destinées essentiellement à la communication mobile (Intelsat, Immarsat, Iridium, GlobalStar, Orbcomm, etc.). Elles ont fait place à une nouvelle génération de systèmes satellites destinés aux transmissions vidéo et aux transmissions de données de haut débit.
L’allocation des fréquences DBS (Direct Broadcast Satellite) a été régulée au niveau international et les émissions télévisées de la planète entière peuvent être relayées par satellite et être reçues par l’intermédiaire de terminaux à très petite ouverture (VSAT). Au fil des années, la maîtrise technologique de fréquences plus hautes a permis d’opérer avec des antennes de plus petite taille.
Polyvalence des applications satellites
Les satellites servent comme moyen de navigation terrestre, aérienne ou maritime (systèmes GPS américain, Glonass russe, Galilée européen, Beidou chinois, NAVIC indien et QVSS japonais). Ils trouvent leur application dans l’observation météorologique ou spatiale, l’évolution des changements climatiques, la mesure des variations du champ magnétique terrestre, la gestion du trafic routier ou la meilleure planification de l’agriculture. Les stations spatiales internationales (Skylab, Mir) effectuent des recherches avancées dans la science des matériaux et la recherche biologique dans des conditions de microgravité.
La génération cellulaire 6G va intégrer les satellites au réseau cellulaire 5G afin de desservir l’ensemble du globe et la septième génération 7G inclura la transhumance (roaming) dans l’espace.
Parmi les applications satellite, citons : la surveillance des émissions d’oxyde de carbone à partir de l’espace par les satellites américains OCO et japonais Ibuki ; le satellite d’observation franco-israélien de la végétation terrestre de haute résolution, Vénus ; le renseignement relatif aux émissions électromagnétiques terrestres et la surveillance maritime (HawkEye 360 étatsunien et Unseenlabs français).
Le satellite européen Planck et le télescope spatial américain James Webb (qui sont en orbite autour du soleil, mais toujours derrière la terre de façon à observer l’espace à l’abri des émissions solaires) cartographient l’espace avec une précision dont la résolution angulaire et thermique est des plus élevées et vont permettre de mieux comprendre la structure et la formation de l’univers.
Fini le romantisme des nuits étoilées ?
Longtemps, les poètes et les rêveurs ont admiré le ciel et chanté ses mystères. Or, près de 50% d’Européens et 80% d’Américains ne sont plus capables d’observer la Voie lactée en raison de la pollution lumineuse causée, entre autres facteurs, par l’éclairage des rues. Qui plus est, la pléthore de satellites artificiels de basse altitude risque de dominer la vision nocturne. Ce sont des nano satellites de plus en plus nombreux et non des étoiles filantes ou des météorites qui sillonnent notre ciel nocturne et réfléchissent par moments la lumière solaire.
Il y a près de 3 500 satellites de communication actifs en orbite autour de la planète et ce nombre va dépasser les 40 000 à la fin de la décennie. Mentionnons les projets de systèmes satellites à basse altitude en cours qui incluent les systèmes américains Kuiper et Starlink, français LeoSat, Britannique OneWeb et canadien Telesat. Des demandes de licence pour 100 000 satellites de communication d’ici 2030 ont été déposées à l’Union internationale des télécommunications (UIT).
La tendance qui semble dominer le marché est le lancement de nanosatellites (Tubesat, Cubesat, Ardusat…). Les Cubesats sont des cubes de 10 cm de côté pesant 1,2 kg. Plusieurs dizaines peuvent être lancées dans l’espace par une même fusée.
Dangers de militarisation de l’espace
Les satellites militaires effectuent des missions satellites de reconnaissance, de surveillance et d’écoute électronique. Ils peuvent également détecter en temps réel des lancements de missiles balistiques.
Les satellites servent également à améliorer la trajectoire de missiles et de drones et font l’objet d’une surveillance serrée lorsqu’ils ne constituent pas une cible prioritaire. Or, le développement d’armes antisatellites remet en question le principe de la non-interférence avec les communications satellitaires et augmente les risques de fausse perception des intentions de l’adversaire. En effet, les satellites sont équipés de senseurs ultrasensibles qui permettent une surveillance serrée des arsenaux nucléaires de pays adversaires et la conformité aux traités sur la limitation des armements stratégiques (tels SALT et START). La Chine, les États-Unis, la France, l’Inde et la Russie ont mis sur pied des unités qui s’intéressent à la militarisation de l’espace.
Les essais de destruction de satellites effectués par la Chine et la Russie viennent encombrer encore plus l’anneau des satellites ou de débris de satellites gravitant autour de la terre. La destruction d’un satellite peut libérer des dizaines de milliers d’éclats de métal. Il peut s’ensuivre des collisions destructives et dangereuses avec les satellites en orbite. Par ailleurs, des opérations de brouillage électromagnétique des signaux satellites ou l’émission d’impulsions électromagnétiques de haute énergie (EMP) pourraient littéralement griller l’ensemble des circuits électroniques. Imaginons un instant l’impact que pourrait avoir l’interruption du service de localisation GPS sur le quotidien…
Toute avance technologique a des retombées civiles et militaires. Les progrès technologiques fulgurants résolvent un grand nombre de problèmes et en créent d’autres. Le traité de l’espace ratifié en 1967 interdit l’utilisation d’armes de destruction massive (armes nucléaires) dans l’espace, mais ne prend pas en considération d’autres types d’armes tout comme des faisceaux laser puissants.
Les intérêts commerciaux et nationaux ont actuellement force de loi et il serait sage de prendre conscience de leurs implications et d’agir en conséquence.
Par David Bensoussan et Anaïs Le Mouroux
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