Pas de deuxième vague en Chine : comment est-ce possible ?
Pierre Haski - France Inter
La Chine s’offre en « modèle » de gestion de la pandémie là où l’Occident a failli : une bataille d’image et de systèmes que Pékin gère à son profit, malgré l’accumulation des crises.
C’est un énorme paradoxe, et il faut comprendre pourquoi. La Chine, où est apparu ce coronavirus il y a bientôt un an, est aujourd’hui le principal pays au monde épargné par la pandémie. La vie quotidienne est largement normale ; l’économie est repartie au point que la Chine sera cette année le seul pays membre du G20 en croissance.
Contrairement au début de l’année, lorsque le pouvoir chinois avait menti sur les débuts de l’épidémie à Wuhan, puis retardé la mobilisation internationale, il n’y a pas de raison de penser que le gouvernement cache des cas de manière significative. Ce serait un risque trop élevé de laisser des mégapoles de 20 millions d’habitants comme Pékin ou Shanghai vivre normalement avec la menace d’une épidémie non maîtrisée.
Les foyers qui apparaissent périodiquement ont droit à un traitement de choc, comme à Kashgar, dans l’extrême ouest du pays, où, en trois jours, quatre millions et demi de personnes ont été testées. Mais pas de deuxième vague, pas de circulation incontrôlée du virus.
Quel est le secret de la méthode chinoise ? Il y a une réponse un peu trop simple qui serait l’autoritarisme chinois, qui impose un contrôle social tel que les contaminations sont vite maîtrisées. C’est en partie vrai, sur deux plans : d’abord l’absence de contestation des décisions officielles, un contraste avec les incessantes polémiques, ou les manifestations ici ou là en Europe.
L’autre atout du pouvoir, c’est son usage sans limites de la technologie, applis, QR code, centralisation des données étaient déjà le cœur du contrôle social chinois, le covid a renforcé cette tendance, là encore sans discussion possible.
Mais cette explication ne suffit pas. Il y a assurément aujourd’hui une capacité de l’État central chinois à mettre en œuvre ses décisions. C’est la différence entre les débuts de l’épidémie à Wuhan avec ses zones d’ombre et ses cafouillages, et la décision centralisée à partir de la fin janvier, qui met en branle toute la puissance de ce Parti-État.
L’enjeu est politique partout, en démocratie comme dans un État autoritaire. Cela ne se règle pas aux élections ou dans les débats médiatiques ; c’est la rupture du contrat social, ou du mandat du ciel comme on l’appelait autrefois, qui est en jeu, et peut coûter son poste au dirigeant, même non démocratiquement désigné.
C’est aussi l’impact géopolitique de cette pandémie qui se joue ici. Nous sommes, là encore, face à un paradoxe : l’image internationale de la Chine s’est considérablement dégradée, à la fois en raison de la gestion initiale de l’épidémie, d’une diplomatie très agressive, du sort des Ouigours ou de Hong Kong.
Pourtant, la Chine se présente en modèle de gestion de l’épidémie, à contraster avec la catastrophe aux États-Unis et en Europe ; un message à destination aussi bien de sa propre opinion publique que du reste du monde. Le « modèle chinois » est donc en marche, et les dirigeants de Pékin veulent croire que leur heure est arrivée. Car nos faiblesses sont aussi leur force.
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