Unorthodox : rencontre avec Shira Haas, la star de la série Netflix à succès
« Des gens du monde entier ont dit qu’ils pouvaient s’identifier à Esty, qu’ils avaient pleuré pour elle et qu’elle leur rappelait leurs propres traumas. » La star de la nouvelle série à succès parle de célébrité soudaine, de la vie en confinement, et de se faire raser le crâne dès le premier jour du tournage.
Avec la série Netflix Unorthodox, Shira Haas a été propulsée du jour au lendemain au rang de star internationale. Et c’est bien justifié. L’actrice israélienne y incarne Esther ‘Esty’ Shapiro avec une émouvante justesse, et sa performance a été remarquée à juste titre. La mini-série de quatre épisodes, en partie inspirée des mémoires de Deborah Feldman Unorthodox: The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots (2012), suit les péripéties d’Esty, une jeune femme qui s’enfuit d’une communauté juive ultra-orthodoxe de Brooklyn et part à Berlin retrouver sa mère avec laquelle elle n’a pas été en contact depuis des années.
Tournée dans un enivrant mélange de yiddish, d’anglais, et d’allemand, la série observe Esty tandis qu’elle s’adapte à sa nouvelle vie laïque et se lie d’amitié avec des étudiants d’un conservatoire de musique où elle pratique le piano et le chant – deux activités qui lui étaient interdites dans sa communauté. Mais sa nouvelle liberté est rapidement menacée lorsque son mari, Yanky Shapiro (Amit Rahav), et le cousin de celui-ci, Moishe Leftkovitch (Jeff Wilbusch), arrivent dans la capitale allemande, bien déterminés à la retrouver.
À 24 ans, Shira Haas a déjà un impressionnant CV. Elle a notamment tourné dans le premier film réalisé par Natalie Portman, Une histoire d’amour et de ténèbres (2015), donné la réplique à Jessica Chastain dans La Femme du gardien de zoo (2017), et remporté un Ophir Award – l’équivalent israélien d’un Oscar – pour son rôle dans Noble Savage (2018).
Mais Unorthodox l’a révélée au grand public et a reçu un accueil auquel elle ne s’attendait pas.
Unorthodox est un projet unique en son genre. Quelle était votre première impression en lisant le script ?
« Au début, je n’ai reçu que quelques scènes qui faisaient partie d’un script pour une série télévisée appelée The Orchestra. Personne ne m’avait donné le vrai titre, et on ne m’avait pas dit que c’était basé sur un best-seller, ni que c’était pour Netflix. Tout était secret. Quand je l’ai lu pour la première fois, je l’ai trouvé extraordinaire, et je me suis vraiment attachée au personnage. Ce n’est que plus tard quand les producteurs et les réalisatrices sont venus me rencontrer en Israël que j’ai compris qu’il s’agissait non seulement d’une grande histoire, mais aussi d’un gros projet. »
Qu’est-ce qui vous a le plus attiré dans le personnage d’Esty ?
« Il y a tellement de conflits différents qui la consument. Elle est coriace, têtue, et elle sait ce qu’elle veut, mais elle aussi naïve, elle veut satisfaire les autres, et s’intégrer. C’est un superbe challenge pour une actrice d’être toutes ces choses à la fois, et c’est encore rare de trouver des premiers rôles féminins si puissants. »
Vous avez suivi des cours de yiddish, de piano, et de chant. C’est un rôle qui demandait une grande préparation ?
« Nous étions tous vraiment engagés dans ce projet. Le tournage avait lieu à Berlin, et je suis arrivée près de deux mois avant. J’ai pris des cours de yiddish – je ne connaissais pas cette langue et elle est très différente de l’hébreu, que je parle. Cela a pris beaucoup de temps, tout comme les cours de piano et de chant, mais il y eu aussi beaucoup de répétitions pour les rituels que nous montrons à l’écran. Nous avons répété pendant deux jours rien que pour la scène du mariage. Elle devait être parfaite et tout le monde devait bien comprendre son rôle, c’est pourquoi nous avions avec nous un spécialiste de la religion pour nous conseiller. »
La scène dans laquelle Esty épouse Yanky regorge de détails et est très chargée en émotions. Était-elle difficile à tourner ?
« Quand j’ai enfilé cette robe de mariée, je n’avais pas de miroir – les costumières m’ont aidée puis je suis partie directement sur le lieu du tournage. Je me souviens qu’en chemin j’ai pensé : « Oh mon dieu, tous les yeux sont braqués sur moi ». Je portais cette gigantesque robe, énormément de maquillage, et je ne savais pas trop à quoi je ressemblais [rires] ! Les créatrices s’étaient très bien préparées pour écrire cette scène, tout comme celle de Pessah d’ailleurs. Même dans les plus petites scènes, chaque détail comptait – de la prière avant de dîner, au fait de ne pas croiser les jambes quand on s’assoit, car ils ne feraient jamais ça. Peut-être que seulement 1% des téléspectateurs apprécieront, mais pour nous, c’était crucial. Nous avons tout fait avec respect et bienveillance, et j’ai énormément appris. »
La série donne un aperçu réel de la communauté Satmar, très stricte et conservatrice. Avez-vous appris des choses étonnantes sur cette communauté ?
« Beaucoup de choses. Chaque communauté juive est différente, on ne peut pas faire de généralisations. Dans celle-ci en particulier, il y avait beaucoup de rituels que je ne connaissais pas, notamment la tonte des cheveux après le mariage. J’en avais entendu parler il y a des années, mais je ne savais pas que cela se pratiquait encore. »
Justement, comment avez-vous vécu le fait de vous faire raser le crâne pour ce rôle ?
« C’était la dernière scène du premier jour de tournage. Quand Maria [Schrader, la réalisatrice] m’a dit qu’on allait le faire dès le début, j’étais choquée. Mais cela m’a permis de me mettre vraiment dans la peau du personnage. Comme on ne peut évidemment raser son crâne qu’une seule fois, je savais qu’on ne ferait qu’une seule prise et qu’il fallait que j’assure. J’étais nerveuse, mais j’étais prête à le faire pour raconter cette histoire. »
Le style vestimentaire d’Esty évolue aussi quand elle quitte Brooklyn pour Berlin – elle passe des jupes longues aux jeans et T-shirts à manches courtes. Avez-vous travaillé avec Justine Seymour, la costumière ?
« Elle m’a envoyé un e-mail dès le début et nous avons discuté des tenues d’Esty. Dans son histoire, qui parle de liberté et de changement, son style vestimentaire est extrêmement important. Nous voulions apporter un peu de couleur à ses tenues, même lorsqu’elle est encore dans la communauté hassidique car elle est différente des autres personnages. Puis il y a une scène à Berlin où elle essaye un jean pour la première fois. Au début, on s’était dit qu’elle l’essayerait et qu’elle le porterait en quittant le magasin. Mais finalement, nous nous sommes dit que ce serait trop pour elle, et qu’elle sortirait du magasin avec sa jupe longue. Ce n’est que dans l’épisode suivant qu’on la voit prendre son courage à deux mains et porter ce jean. Il y a Esty à New York et Esty à Berlin, mais c’est le même personnage. Nous avons voulu combiner les deux et montrer le parcours émotionnel qu’elle traverse. »
Qu’avez-vous ressenti en constant que l’histoire d’Esty parlait à tant de personnes à travers le monde ?
« Je ne m’attendais pas à l’accueil que nous avons reçu. C’est une histoire sur une communauté spécifique, mais des gens du monde entier ont dit qu’ils pouvaient s’identifier à Esty, qu’ils avaient pleuré pour elle et qu’elle leur rappelait leurs propres traumas. Peu importe que l’on soit de confession juive, musulmane, chrétienne, ou que l’on soit athée ou autre – les humains sont humains et c’est là tout l’intérêt de la série. »
Unorthodox est sorti sur Netflix à l’heure où la majeure partie du monde est confinée chez soi. Était-ce une expérience étrange pour vous ?
« Tout est différent à l’heure actuelle. Je suis confinée chez moi à tel Aviv, et j’ai même célébré Pessah sur Zoom récemment [rires]. Mais je ressens aussi tout l’amour – pour Esty et pour la série – sur les réseaux sociaux. Bien entendu, j’aurais aimé que la série sorte dans d’autres circonstances, mais elle aura également offert une échappatoire à beaucoup de gens. J’en suis très heureuse. »
Unorthodox est actuellement disponible sur Netflix
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