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Méjugement de la Russie, par David Bensoussan

La Russie est aujourd’hui gouvernée par un despote qui se rapporte avec nostalgie et amertume au démembrement de l’URSS en 1991. Le président Poutine avait déclaré en 2004 que le démantèlement de l’URSS aura été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle. Il dirige la Russie depuis 2012 et a instauré la modification de la constitution pour pouvoir augmenter la durée de son mandat. Ce grand admirateur du tsar Pierre le Grand pourrait continuer à piloter les destinées de la Russie jusqu’en 2036 et dépasser Staline en longévité.

Proactivité de la Russie

Poutine recourt au nationalisme pour étendre l’influence russe au-delà des frontières et s’ingère dans les conflits régionaux, notamment en occupant des territoires de Géorgie et d’Ukraine. Poutine s’est opposé aux révolutions de couleur des pays voisins – rose en Géorgie (2003), Orange en Ukraine (2004) et Tulipe au Kirghizistan (2005). Il offre une aide non négligeable aux séparatistes d’Ukraine et de Moldavie et soutient la Biélorussie dans ses politiques opposées à l’UE. Il cultive une certaine dépendance de la Russie en Ouzbékistan au Kirghizstan et au Turkménistan en brandissant la menace de l’Afghanistan maintenant contrôlé par les Talibans.

Poutine a recours aux mercenaires pour intervenir au-delà des frontières : le groupe Wagner joue la carte russe au Sahel, en Libye, en Syrie et probablement en Ukraine. En outre, la Russie est intervenue dans l’élection américaine de 2016 en faveur de Donald Trump et est responsable de l’empoisonnement d’anciens agents russes en territoire britannique.

Sur le plan intérieur, Poutine a réprimé brutalement la révolution tchétchène. Le contrôle des médias, des réseaux sociaux, du parlement, de la justice et des services secrets a été renforcé. L’accusation d’agent de l’étranger est passible de 5 ans d’emprisonnement, empêche la transmission de toute information relative à l’armée, y compris son moral, ou encore au programme spatial.

Les libertés ont reculé en Russie.

Poutine remet en question l’hégémonie américaine dans le monde et a entrepris des exercices militaires avec la Chine. Il s’attaque à l’OTAN en en détachant de facto la Turquie. Et pourtant, tout n’est pas idyllique dans les relations russo-turques.

Convergences et divergences avec la Turquie

La Turquie fait partie de l’OTAN, a commandé un système de défense antiaérienne russe et s’est vu refuser l’achat des avions furtifs américains F-35.

La Russie et la Turquie appuient des belligérants opposés en Syrie et en Libye. La Russie dispose d’une base militaire importante dans le port de Latakieh en Syrie et la Turquie a envahi une partie du territoire kurde au Nord-ouest de la Syrie. Soutenue par la Russie, l’armée syrienne bombarde régulièrement les rebelles syriens appuyés par la Turquie à Idlib.

En Libye, la Turquie et la Russie soutiennent militairement les gouvernements antagonistes de Tripoli et de Benghazi.

La Russie a occupé une partie du territoire ukrainien, ce que le président turc refuse d’approuver. De fait, la Turquie a livré des drones de combat à l’Ukraine.

La Turquie s’est immiscée dans le conflit azéri arménien du Nagorno-Karabakh au grand déplaisir de la Russie qui a un traité d’alliance avec l’Arménie. La Russie s’est néanmoins imposée pour contrôler le cessez-le-feu sans la collaboration de la Turquie ou de l’Occident.

Par ailleurs, la Turquie dépend de la Russie pour son approvisionnement en gaz. En outre, La Russie construit une centrale nucléaire au Nord du pays.

Le dossier ukrainien

La Russie a occupé la Crimée en 2014. L’occupation de la Crimée va à l’encontre du mémorandum de Budapest de 1994 au terme duquel l’Ukraine s’engage à détruire son arsenal nucléaire hérité à la dislocation de l’URSS en échange de garanties des grandes puissances relativement à son intégrité territoriale.

La Russie continue de soutenir les séparatistes ukrainiens russophiles dans le Donbass. Les accords de Minsk de 2014 et 2015 ont visé un cessez-le-feu immédiat mais les combats n’ont jamais vraiment cessé.

Le président ukrainien Zelenski cherche intensément à décrocher des appuis en Occident. La Russie cherche à décourager l’aide militaire à l’Ukraine en amassant des troupes non loin de la ligne de combat en Ukraine orientale.

Les États-Unis et l’Union européenne ont voté des sanctions économiques contre la Russie. Ce pays cherche à affaiblir l’UE, en prédilectionnant des relations bilatérales avec les pays européens. Le représentant de l’UE pour les Affaires étrangères a été éconduit sans façons au mois de février 2021.

L’Allemagne a suspendu la certification du nouveau pipeline gazier Gazprom II, exigeant l’engagement de la Russie à continuer d’utiliser le pipeline passant par l’Ukraine.

Une macroéconomie qui se porte bien

En 2014, le sénateur républicain John McCain qualifiait la Russie de station d’essence déguisée en pays. Le président américain Barack Obama a dévalorisé la Russie la qualifiant de puissance régionale, peu avant que ce pays n’intervienne en force en Syrie et s’immisce dans les crises politiques du Venezuela et de Libye. Le président Trump a tenté un rapprochement pragmatique. Pour le président Joe Biden, la Russie est assise sur une économie qui a des armes nucléaires et des puits de pétrole et rien d’autre…

L’évolution démographique de la Russie est souvent interprétée comme signe de faiblesse. En effet, selon les études scientifiques, la Russie diminuera sa population de 7% à 11% en 2050. Il n’en demeure pas moins que ce sera encore le pays le plus peuplé d’Europe et d’Eurasie. En contrepartie, un problème encore plus grave serait celui de la fuite des cerveaux.

Les analystes aiment répéter que le produit national brut de 1,5 billion est comparable à celui du Texas et de l’Italie. En termes de pouvoir d’achat, ce budget équivaut à 4,1 billions ce qui fait de la Russie la 6e économie au monde et la seconde en Europe. Les indices macroéconomiques de la Russie ne relèvent pas de faiblesse majeure (les réserves en devise dépassent 615 billions), bien que le niveau de vie des citoyens stagne pratiquement depuis 2013.

Les sanctions internationales imposées après l’invasion de la Crimée ont forcé la Russie à développer son agriculture et la Russie est en mesure d’exporter 30 milliards de produits agricoles annuellement. Par ailleurs, la réorientation du commerce en direction de la Chine diminue grandement l’effet des sanctions occidentales.

La force économique de la Russie repose sur les exportations d’hydrocarbures qui constituent près de 40% de son budget. Les importations de l’Union européenne (UE) du gaz naturel, du pétrole et de combustibles fossiles solides se montent respectivement à 41%, 27% et 47%. Il se pourrait que l’augmentation drastique des coûts de chauffage en Europe soit attribuable au fait que la Russie a préféré vider les réservoirs de gaz liquide en Europe plutôt que d’acheminer son gaz via les pipelines existants.

Avancées russes

La Russie est classée parmi les dix premiers pays en termes d’investissement dans la recherche et le développement.

Sur le plan militaire, l’armée russe a un avantage certain en ce qui concerne la mobilité et la vitesse de réponse et d’intervention. Les avancées cybernétiques et spatiales sont patentes et il est fort possible que la Russie ait pris de l’avance en matière de défense aérienne intégrée, d’armements antisatellites et de missiles hypersoniques.

Bien qu’à long terme la Chine deviendra le principal compétiteur des États-Unis, la puissance de la Russie en peut être rejetée du revers. Dans les conditions actuelles, l’Europe a encore plus besoin de la protection américaine.

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