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Cannes 2023 : « Le procès Goldman », le tour de force de Cédric Kahn

L'auteur de « Fête de famille » évoque le tumultueux procès de 1975 où Pierre Goldman, militant gauchiste soutenu par l'intelligentsia, était accusé d'un double meurtre. Un film majeur.

Par Olivier De Bruyn

Les réalisateurs français inaugurent toutes les sections du festival de Cannes cette année. Maïwenn a ouvert le bal de la manifestation avec « Jeanne du Barry ». Thomas Cailley a inauguré « Un certain regard » avec « Le règne animal ». Marie Amachoukeli a donné le « la » de « La semaine de la critique » avec « Ama Gloria ». Cédric Kahn, enfin, frappe fort d'entrée à « La quinzaine des cinéastes » avec « Le procès Goldman ».

Novembre 1975, à Amiens. Pierre Goldman, militant d'extrême gauche condamné à la réclusion à perpétuité pour quatre braquages, dont l'un a causé la mort de deux pharmaciennes, comparait pour un procès en appel où il risque la peine de mort. Si l'accusé a toujours reconnu les vols à main armée, il nie être coupable des meurtres. Une partie de l'opinion publique soutient Goldman qui est aussi écrivain et dont l'ouvrage rédigé en prison (« Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France ») a connu un important succès. A l'heure de l'ouverture du procès, les « people » de la gauche radicale (Simone Signoret, Régis Debray) figurent dans les rangs du public, aux côtés de nombreux supporters enragés de l'accusé qui ne rateront pas une occasion de troubler les audiences en entonnant leurs refrains favoris, dont l'inusable « Police fasciste, justice complice ».

De bruit et de fureur

Les avocats de Goldman, le jeune Georges Kiejman en tête, redoutent le pire car ils connaissent le tempérament imprévisible de leur client. Ce dernier se surpasse durant le procès en insultant copieusement l'avocat général, en dénonçant le racisme « systémique » des forces de l'ordre et en profitant de sa tribune pour clamer sa croyance dans les vertus de la guérilla. « Je suis innocent parce que je suis innocent », éructe Goldman lors d'une des premières audiences, ce qui est un peu court juridiquement parlant.

Sans jamais quitter le tribunal, Cédric Kahn signe un film de procès magistral qui évite tous les pièges inhérents au genre : l'édification, les répétitions, les effets de manches et le cabotinage des comédiens… En se passionnant pour le cas du si ambigu et parfois si inquiétant Pierre Goldman (Arieh Worthalter, remarquable), le cinéaste restitue l'atmosphère violente d'une époque, donne à voir la relativité de la justice (tous les témoignages, d'un bord comme de l'autre, sont sujets à caution) et, surtout, dresse un portrait dérangeant de l'accusé. Un homme mystérieux, à la fois suprêmement intelligent et terriblement destructeur, qui s'est trompé d'époque et aurait aimé, comme son père, être un héros résistant juif pendant les années noires de l'occupation.

Ce film de deux heures, qui passe à la vitesse de l'éclair, impressionne par sa richesse thématique, son invention formelle et s'impose comme la première réussite majeure de l'édition 2023 du festival de Cannes.

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