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Le négationnisme, ce complotisme extrême

Boris Thiolay

Dans Nuremberg ou la Terre promise (1948), l’essayiste français Maurice Bardèche nie la Shoah. Poursuivi pour «apologie du crime de meurtre» en 1951, il sera condamné en appel à un an de prison ferme et son livre interdit à la vente (depuis réédité par l’essayiste Alain Soral).

En 1945, la prise de conscience, en Europe, de l’entreprise d’extermination totale des Juifs mise en oeuvre par les nazis n’a pas mis fin à la haine antisémite. Au contraire, est apparu, sans tarder, un nouveau complotisme, ahurissant : le négationnisme. Cette théorie, dont on trouve encore des propagandistes en 2024, affirme que la mise à mort de 6 millions de Juifs dans les camps est une invention ou, à tout le moins, qu’elle n’a pas été systématique et n’a pas atteint ces proportions…

Le premier ouvrage négationniste fut publié en France, en 1948. Son auteur était Maurice Bardèche (1907-1998), le beau-frère et ami de Robert Brasillach, un écrivain d’extrême droite exécuté en février 1945, qui fut rédacteur en chef, entre 1941 et 1943, de Je suis partout, hebdomadaire phare de l’antisémitisme et du collaborationnisme.

Le négationnisme repose sur l'inversion victimaire

«Dans l’immédiat après-guerre, il n’était plus possible en France de se déclarer ouvertement antisémite, analyse l’historienne Valérie Igounet, spécialiste du négationnisme. Alors, Bardèche échafauda une idéologie : par le biais d’un “complot sioniste international”, armait-il, les Juifs ont inventé l’histoire de leur propre extermination afin d’obtenir un État, Israël [créé en 1948], et de continuer à dominer le monde… Le négationnisme repose sur cette inversion victimaire : les Juifs deviennent les bourreaux, et les victimes sont les Allemands, puis les Palestiniens.»

Maurice Bardèche fut condamné à un an de prison et 50 000 francs d’amende pour «apologie du crime de meurtre», mais continua à distiller ses élucubrations haineuses dans des publications confidentielles. Il contribua aussi, au côté de François Duprat (1940-1978), numéro 2 du Front national, à diffuser les thèses négationnistes au sein du parti d’extrême droite co-fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen.

Ces idées, reprises par Paul Rassinier (1906-1967), ancien déporté communiste passé à l’extrême droite, et Roger Garaudy (1913-2012), exclu du Parti communiste et converti à l’islam, restaient confinées dans de petits cercles. Jusqu’à ce qu’un professeur de littérature de l’université Lyon-II, Robert Faurisson (1929-2018), parvienne à les exposer au grand public, en tirant profit d’une interview tapageuse de Louis Darquier de Pellepoix (1897-1980) – ancien commissaire général aux questions juives du régime de Vichy –, publiée dans L’Express, le 28 octobre 1978. Cet antisémite notoire, condamné à mort par contumace en 1947 et réfugié en Espagne, y déclarait : «Je vais vous dire, moi, ce qui s’est exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux.»

Surfant sur le scandale, Faurisson, provocateur obsessionnel, remit en cause la réalité de la Shoah dans la presse et à la radio. Il répéta que les chambres à gaz et le génocide des Juifs étaient des «mensonges historiques» ayant permis une «gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont l’État d’Israël et le sionisme international»… «Faurisson a tenté de camoufler son négationnisme sous une pseudo-apparence scientifique, en abordant la Shoah sous un angle technique, poursuit Valérie Igounet. Il a été l’un des premiers à se rendre aux archives d’Auschwitz, en 1976. Mais son but était de falsifier la réalité pour conclure à l’impossibilité technique de l’extermination des Juifs.»

Condamné à trois reprises en justice, un temps soutenu et publié par La Vieille Taupe, librairie et maison d’édition rassemblant une frange de l’ultragauche, Robert Faurisson a de nouveau été mis en lumière dans les années 2000 : l’ex-humoriste Dieudonné, lui-même condamné à de multiples reprises, l’a invité sur scène en 2006 pour lui faire remettre un prix par un comparse déguisé en déporté…
Peu d’émules déclarés à l’échelle internationale

Le négationnisme n’a fait que peu d’émules déclarés à l’échelle internationale : l’éditeur néonazi allemand Ernst Zündel (1939-2017), l’ancien Waffen-SS Thies Christophersen (1918-1997), l’auteur britannique David Irving (né en 1938)… Mais cette falsification de l’histoire a trouvé un nouveau vecteur de propagation avec l’arrivée d’Internet, notamment dans le monde arabo-musulman, dans les milieux suprémacistes blancs aux États-Unis, ainsi qu’en Iran.

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