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Haya, 10 ans, prisonnière en Arabie Saoudite. Que fait l'Etat français ?

Scandale dans la Sarkozye diplomatique. Haya, petite fille de nationalité française âgée de 10 ans, est captive en Arabie Saoudite ! Sa mère, Candice, se bat depuis 2008 pour pouvoir récupérer sa fille et raconte dans son livre « Rendez-moi ma fille » l'enfer de son combat.

(Candice et sa fille Haya)

Le décor dans lequel se noue l’épouvantable affaire que je vais vous raconter, nous le connaissons à peu près, vous et moi, gens de simple bon sens et d’humble bonne volonté : c’est celui de l’Arabie Saoudite, pays des droits inhumains.
Nicolas Sarkozy, dans son discours prononcé à Riyad, le 14 janvier 2008, a sans doute été l’un des seuls Français à soutenir la thèse étrange selon laquelle « la France et l’Arabie Saoudite ont des valeurs communes ». Mais que voulez-vous, les affaires sont les affaires et il faut ménager les princes...
Il faut tant les ménager que la diplomatie française, depuis 2008, a abandonné une petite fille française, Haya, retenue par son père, le prince Sattam bin Khaled bin Nasser bin Abdul Aziz, membre de la famille royale Al Saoud, dans son palais de Riyad.

Cette enfant, qui a aujourd’hui 10 ans, a été arrachée à sa mère, Candice Cohen-Ahnine, qui avait accepté de venir voir le père princier avec la petite - enfant naturelle, donc aucun droit de l’Arabie sur elle - pour une semaine. Candice a été séquestrée dans des conditions abjectes dans ce fameux palais où elle aurait pu disparaître, n’eûssent été sa force vitale et l’amour qu’elle porte à sa fille. C’est grâce à un téléphone portable planqué derrière une pierre de sa chambre-cellule qu’elle a réussi, à l’époque ( 2008) à joindre ses parents en France, son réseau facebook et notre ambassade à Riyad.

Quand la justice française semble faire barrage

Attention : ceci ressemble à un film, mais ça n’en est pas un. C’est déjà un livre - publié aux éditions de l’Archipel - où Candice raconte son calvaire. Et celui de sa petite fille qui a été frappée, victime d’attouchements de la part de sa tante paternelle, interdite de mentionner sa mère, « cette folle » comme le lui crachaient au visage la grand-mère et la tante saoudiennes.

Mais c’est aussi une affaire politique dans laquelle on voit la diplomatie française, sous Bernard Kouchner, puis sous Michèle Alliot-Marie, se coucher devant le caprice atroce d’une famille princière tribale qui a décidé, au mépris de toutes les lois internationales, françaises et même islamiques (notamment celles du tribunal islamique de Beyrouth), que l’enfant Haya lui appartenait.

Le 1er janvier 2012, le jugement du tribunal de Grande instance de Paris a attribué la garde de l’enfant à la mère, en France. Cette décision, traduite en arabe, est adressée ces jours-ci par le procureur à l’ambassade de France à Riyad afin que la petite Haya soit immédiatement rendue à sa mère.
Sa mère, qui ne l’a jamais revue depuis septembre 2008 et ne peut la joindre qu’une fois par mois ( dans les bons moments) quand la princesse Worod — grand-mère paternelle d’Haya — accepte de la lui passer. Les brefs messages de notre petite compatriote captive au fond d’un palais, dans une société et un monde archaïques, sont clairs : « Maman, tu me manques, quand est-ce que le monsieur de l’ambassade va venir me chercher ?... »

Mais le Monsieur de l’Ambassade ne vient pas. Ni la Dame consule, Madame Xavière Moussa, grande amie de la princesse Worod avec laquelle elle venait prendre le thé régulièrement. La Dame Consule avait tenté, en pleine captivité de Candice au palais, de lui faire signer en 2008 un document d’abandon pur et simple de l’enfant.
Extraits de cette conversation entre la responsable consulaire et la ressortissante française, mère d’une petite Française. Pardonnez-moi si je martèle le mot « Française » à toutes les lignes, cela alourdit le style mais c’est que je sens, à chacune de ces lignes, le poids écrasant de l’abandon de nos ressortissantes par les représentants de leur patrie. Extraits, donc :
« Faites-moi confiance, insiste Madame Moussa, signez ce document et vous pourrez rentrer en France et entamer une procédure là-bas... »
Sur ce, elle se tourne vers Worod et lui parle en arabe : « Tu sais, tu peux laisser repartir Candice, tu l’attaqueras en justice là-bas, l’important, c’est que tu gardes Haya.... »

Le reste est dans le livre. Ce qui n’y est pas, je l’ai recueilli auprès de l’avocate de Candice, Me Laurence Charpentier-Tarquiny, qui est tombée des nues quand elle a repris le dossier il y a un an en s’apercevant des innombrables retards pris dans les procédures en raison de la mauvaise volonté des précédents avocats « recommandés par le Quai d’Orsay » et qui auraient été chargés de faire gagner du temps aux Altesses Royales des sables.

La loi des pétrodollars

Me Charpentier-Tarquiny me relate l’étrange réunion, en novembre 2010 au Quai d’Orsay, entre elle-même, Candice et une certaine Madame Le Pollotech, adjointe au sous-directeur de la direction des droits des personnes au ministère des Affaires étrangères. Etait également présent Nicolas Guilloux, proche conseiller juridique de Michèle Alliot-Marie.
« Madame le Pollotech nous a expliqué que la princesse Worod avait fait d’Haya sa petite princesse ottomane que dans ces conditions il serait très difficile de récupérer la petite, que Candice était jeune et jolie, qu’elle avait tout intérêt à refaire sa vie en pensant à d’autres enfants », raconte l’avocate.

Si Candice, quand je l’ai rencontrée, étouffait presque en me relatant cette entrevue, Me Charpentier-Tarquiny explique, elle, froidement : « Ce discours a eu le mérite de nous faire comprendre que l’Etat français ne ferait rien pour récupérer une petite Française. Nous avons compris que c’était à nous, comme Candice le fait depuis 2008, de nous débrouiller... de toute façon les paroles décourageantes de Madame le Pollotech suivaient directement une conversation téléphonique entre elle et l’ambassadeur de France à Riyad, Mr Bertrand Besancenot. Il est clair que les choses sont bloquées là-bas par crainte de déplaire à la famille royale.. »

J'ai téléphoné au Ministère des Affaires étrangères. J'ai contacté Eric Bosc, directeur adjoint au Porte-parole du Quai d'Orsay, chargé des Français de l'étranger, de leur protection et des questions humanitaires. Je pensais que cette sinistre affaire avait sinué dans les méandres du ministère. Erreur.
« Nous connaissons bien l'affaire depuis plusieurs années, me répond Eric Bosc, d'ailleurs la mère s'est livrée à une offensive médiatique... »
Je corrige :
« Je dirais plutôt une... défensive! Elle a été séquestrée et on lui a tout de même pris son enfant ! »
« Bon, bon..., poursuit-il, en tous cas elles ont été reçues par les autorités consulaires et bénéficient de leur protection »
« Etiez-vous en poste lorsque s'est déroulé, dans les murs du ministère, à Paris, l'entretien au cours duquel une fonctionnaire a conseillé à Candice de renoncer à l'enfant? »
« Oui, j'étais là en novembre 2010 mais les propos rapportés me semblent étranges. Par ailleurs, qu'aurait pu faire concrètement l'Ambassade de France en Arabie Saoudite? On ne va tout de même pas aller chercher l'enfant pour la mettre dans un avion! Si un jugement vient d'être rendu, nous n'avons pas à nous prononcer. Il sera transmis aux autorités saoudiennes mais le Quai d'Orsay ne va pas interférer. »

La conversation se termine. Elle m'a semblé irréelle bien qu'Eric Bosc ne se soit pas dérobé aux questions posées. Mais il y a répondu en confirmant une évanescence tragique, un évanouissement du devoir de solidarité de l'Etat avec ses ressortissants en danger.

Voilà où nous en sommes. L’histoire d’amour - qui a entraîné l'histoire de haine entre le père et la mère de la petite Haya - est certes marquée du sceau du mensonge : le prince Sattam, pour mieux séduire Candica Cohen à Londres, lui avait fait croire qu’il était d’une lointaine ascendance juive cachée. Mais cela, c’est l’histoire intime, la confrontation ensuite entre une Candice que le père de son enfant accuse en Arabie d’être une musulmane convertie au judaïsme, donc coupable d’apostasie, donc passible de mort. C’est à cela que la jeune femme a échappé, en étant exfiltrée.

Mais la toile de fond reste le scandale politique : celui d’une Sarkozye pleine d'empathie et de complaisance pour la tribu royale qui règne sur les contrats en pétrodollars. Qu’est-ce que la liberté d’une petite Française, que sa famille saoudienne, après tout, peut marier à 10 ans ( comme le redoute Candice) en vertu des non-lois de ce terrible pays ? L’essentiel, ce n’est pas la protection d’une enfant, ni le droit, ni la loi.
C’est le reste. Ce reste dont notre honneur meurt.

Lundi 23 Janvier 2012

Martine Gozlan

Haya, 10 ans, prisonnière en Arabie Saoudite. Que fait l'Etat français ?

Scandale dans la Sarkozye diplomatique. Haya, petite fille de nationalité française âgée de 10 ans, est captive en Arabie Saoudite ! Sa mère, Candice, se bat depuis 2008 pour pouvoir récupérer sa fille et raconte dans son livre « Rendez-moi ma fille » l'enfer de son combat.

(Candice et sa fille Haya)

Le décor dans lequel se noue l’épouvantable affaire que je vais vous raconter, nous le connaissons à peu près, vous et moi, gens de simple bon sens et d’humble bonne volonté : c’est celui de l’Arabie Saoudite, pays des droits inhumains.
Nicolas Sarkozy, dans son discours prononcé à Riyad, le 14 janvier 2008, a sans doute été l’un des seuls Français à soutenir la thèse étrange selon laquelle « la France et l’Arabie Saoudite ont des valeurs communes ». Mais que voulez-vous, les affaires sont les affaires et il faut ménager les princes...
Il faut tant les ménager que la diplomatie française, depuis 2008, a abandonné une petite fille française, Haya, retenue par son père, le prince Sattam bin Khaled bin Nasser bin Abdul Aziz, membre de la famille royale Al Saoud, dans son palais de Riyad.

Cette enfant, qui a aujourd’hui 10 ans, a été arrachée à sa mère, Candice Cohen-Ahnine, qui avait accepté de venir voir le père princier avec la petite - enfant naturelle, donc aucun droit de l’Arabie sur elle - pour une semaine. Candice a été séquestrée dans des conditions abjectes dans ce fameux palais où elle aurait pu disparaître, n’eûssent été sa force vitale et l’amour qu’elle porte à sa fille. C’est grâce à un téléphone portable planqué derrière une pierre de sa chambre-cellule qu’elle a réussi, à l’époque ( 2008) à joindre ses parents en France, son réseau facebook et notre ambassade à Riyad.

Quand la justice française semble faire barrage

Attention : ceci ressemble à un film, mais ça n’en est pas un. C’est déjà un livre - publié aux éditions de l’Archipel - où Candice raconte son calvaire. Et celui de sa petite fille qui a été frappée, victime d’attouchements de la part de sa tante paternelle, interdite de mentionner sa mère, « cette folle » comme le lui crachaient au visage la grand-mère et la tante saoudiennes.

Mais c’est aussi une affaire politique dans laquelle on voit la diplomatie française, sous Bernard Kouchner, puis sous Michèle Alliot-Marie, se coucher devant le caprice atroce d’une famille princière tribale qui a décidé, au mépris de toutes les lois internationales, françaises et même islamiques (notamment celles du tribunal islamique de Beyrouth), que l’enfant Haya lui appartenait.

Le 1er janvier 2012, le jugement du tribunal de Grande instance de Paris a attribué la garde de l’enfant à la mère, en France. Cette décision, traduite en arabe, est adressée ces jours-ci par le procureur à l’ambassade de France à Riyad afin que la petite Haya soit immédiatement rendue à sa mère.
Sa mère, qui ne l’a jamais revue depuis septembre 2008 et ne peut la joindre qu’une fois par mois ( dans les bons moments) quand la princesse Worod — grand-mère paternelle d’Haya — accepte de la lui passer. Les brefs messages de notre petite compatriote captive au fond d’un palais, dans une société et un monde archaïques, sont clairs : « Maman, tu me manques, quand est-ce que le monsieur de l’ambassade va venir me chercher ?... »

Mais le Monsieur de l’Ambassade ne vient pas. Ni la Dame consule, Madame Xavière Moussa, grande amie de la princesse Worod avec laquelle elle venait prendre le thé régulièrement. La Dame Consule avait tenté, en pleine captivité de Candice au palais, de lui faire signer en 2008 un document d’abandon pur et simple de l’enfant.
Extraits de cette conversation entre la responsable consulaire et la ressortissante française, mère d’une petite Française. Pardonnez-moi si je martèle le mot « Française » à toutes les lignes, cela alourdit le style mais c’est que je sens, à chacune de ces lignes, le poids écrasant de l’abandon de nos ressortissantes par les représentants de leur patrie. Extraits, donc :
« Faites-moi confiance, insiste Madame Moussa, signez ce document et vous pourrez rentrer en France et entamer une procédure là-bas... »
Sur ce, elle se tourne vers Worod et lui parle en arabe : « Tu sais, tu peux laisser repartir Candice, tu l’attaqueras en justice là-bas, l’important, c’est que tu gardes Haya.... »

Le reste est dans le livre. Ce qui n’y est pas, je l’ai recueilli auprès de l’avocate de Candice, Me Laurence Charpentier-Tarquiny, qui est tombée des nues quand elle a repris le dossier il y a un an en s’apercevant des innombrables retards pris dans les procédures en raison de la mauvaise volonté des précédents avocats « recommandés par le Quai d’Orsay » et qui auraient été chargés de faire gagner du temps aux Altesses Royales des sables.

La loi des pétrodollars

Me Charpentier-Tarquiny me relate l’étrange réunion, en novembre 2010 au Quai d’Orsay, entre elle-même, Candice et une certaine Madame Le Pollotech, adjointe au sous-directeur de la direction des droits des personnes au ministère des Affaires étrangères. Etait également présent Nicolas Guilloux, proche conseiller juridique de Michèle Alliot-Marie.
« Madame le Pollotech nous a expliqué que la princesse Worod avait fait d’Haya sa petite princesse ottomane que dans ces conditions il serait très difficile de récupérer la petite, que Candice était jeune et jolie, qu’elle avait tout intérêt à refaire sa vie en pensant à d’autres enfants », raconte l’avocate.

Si Candice, quand je l’ai rencontrée, étouffait presque en me relatant cette entrevue, Me Charpentier-Tarquiny explique, elle, froidement : « Ce discours a eu le mérite de nous faire comprendre que l’Etat français ne ferait rien pour récupérer une petite Française. Nous avons compris que c’était à nous, comme Candice le fait depuis 2008, de nous débrouiller... de toute façon les paroles décourageantes de Madame le Pollotech suivaient directement une conversation téléphonique entre elle et l’ambassadeur de France à Riyad, Mr Bertrand Besancenot. Il est clair que les choses sont bloquées là-bas par crainte de déplaire à la famille royale.. »

J'ai téléphoné au Ministère des Affaires étrangères. J'ai contacté Eric Bosc, directeur adjoint au Porte-parole du Quai d'Orsay, chargé des Français de l'étranger, de leur protection et des questions humanitaires. Je pensais que cette sinistre affaire avait sinué dans les méandres du ministère. Erreur.
« Nous connaissons bien l'affaire depuis plusieurs années, me répond Eric Bosc, d'ailleurs la mère s'est livrée à une offensive médiatique... »
Je corrige :
« Je dirais plutôt une... défensive! Elle a été séquestrée et on lui a tout de même pris son enfant ! »
« Bon, bon..., poursuit-il, en tous cas elles ont été reçues par les autorités consulaires et bénéficient de leur protection »
« Etiez-vous en poste lorsque s'est déroulé, dans les murs du ministère, à Paris, l'entretien au cours duquel une fonctionnaire a conseillé à Candice de renoncer à l'enfant? »
« Oui, j'étais là en novembre 2010 mais les propos rapportés me semblent étranges. Par ailleurs, qu'aurait pu faire concrètement l'Ambassade de France en Arabie Saoudite? On ne va tout de même pas aller chercher l'enfant pour la mettre dans un avion! Si un jugement vient d'être rendu, nous n'avons pas à nous prononcer. Il sera transmis aux autorités saoudiennes mais le Quai d'Orsay ne va pas interférer. »

La conversation se termine. Elle m'a semblé irréelle bien qu'Eric Bosc ne se soit pas dérobé aux questions posées. Mais il y a répondu en confirmant une évanescence tragique, un évanouissement du devoir de solidarité de l'Etat avec ses ressortissants en danger.

Voilà où nous en sommes. L’histoire d’amour - qui a entraîné l'histoire de haine entre le père et la mère de la petite Haya - est certes marquée du sceau du mensonge : le prince Sattam, pour mieux séduire Candica Cohen à Londres, lui avait fait croire qu’il était d’une lointaine ascendance juive cachée. Mais cela, c’est l’histoire intime, la confrontation ensuite entre une Candice que le père de son enfant accuse en Arabie d’être une musulmane convertie au judaïsme, donc coupable d’apostasie, donc passible de mort. C’est à cela que la jeune femme a échappé, en étant exfiltrée.

Mais la toile de fond reste le scandale politique : celui d’une Sarkozye pleine d'empathie et de complaisance pour la tribu royale qui règne sur les contrats en pétrodollars. Qu’est-ce que la liberté d’une petite Française, que sa famille saoudienne, après tout, peut marier à 10 ans ( comme le redoute Candice) en vertu des non-lois de ce terrible pays ? L’essentiel, ce n’est pas la protection d’une enfant, ni le droit, ni la loi.
C’est le reste. Ce reste dont notre honneur meurt.

Lundi 23 Janvier 2012

Martine Gozlan

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