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La démocratie libérale face au populisme

La réalité économique de la globalisation remet en question une économie du libre marché et le mécontentement s’exprime par des appels pour un retour au protectionnisme.

David Bensoussan

 

Les nationalismes particuliers y sont encore très forts. L'aporie du Brexit est à l'image du désarroi identitaire européen: la remise à l'ordre du jour d'une frontière qui séparerait l'Irlande du Nord du reste de l'Irlande, alors qu'on y circule librement depuis 1923, touche bien des cordes sensibles au Royaume-Uni.

Incertitudes et précarités du lendemain

En Europe, les démocraties libérales sont en crise. Le malaise se situe à plusieurs niveaux. La nation-état traditionnelle rattachant territoire, nation et ethnie est à l'épreuve: l'économie du libre marché d'avant la globalisation a été suffisamment forte pour permettre l'État providence offrant une couverture sociale étoffée.

L'économie remodelée par la globalisation s'est accompagnée de la perte d'emplois et d'un écart plus grand entre riches et pauvres; la taxation est devenue insuffisante pour financer l'appareil d'État responsable de l'octroi de services toujours plus coûteux (la philosophie républicaine aux États-Unis va à contre-courant de beaucoup d'autres, car elle consiste à réduire la taxation et à confier l'octroi de services au secteur privé). L'immigration incontrôlée et mal intégrée à la société d'accueil amplifie les pressions économiques et sociales.

Un scepticisme généralisé semble se dessiner par rapport aux partis politiques et aux médias.

Devant la menace de l'altérité de l'État-nation, des partis de droite et d'extrême droite se portent à la défense d'intérêts strictement nationaux et la xénophobie reprend du poil de la bête. Ainsi, la Pologne, la Slovaquie, l'Autriche, la Hongrie et l'Italie sont dirigées par des gouvernements nationalistes. Des partis nationalistes sont arrivés en deuxième position en France et en Hollande. Les partis nationalistes prennent plus d'importance dans beaucoup d'autres pays.

L'État-nation face à la globalisation

La réalité économique de la globalisation remet en question une économie du libre marché et le mécontentement s'exprime par des appels pour un retour au protectionnisme. L'Union européenne a réussi à s'entendre sur une monnaie commune et des standards communs, ainsi que sur la libre circulation dans l'espace de Schengen, mais elle n'a pas créé un nouvel idéal de nation extraterritoriale.

Les nationalismes particuliers y sont encore très forts. L'aporie du Brexit est à l'image du désarroi identitaire européen: la remise à l'ordre du jour d'une frontière qui séparerait l'Irlande du Nord du reste de l'Irlande, alors qu'on y circule librement depuis 1923, touche bien des cordes sensibles au Royaume-Uni.

Les partis politiques sont dépassés par les nouvelles réalités

Aucune vision de société commune ne semble émerger dans l'Union européenne et l'Amérique de Trump se détourne d'un idéal libéral qui a été souvent émulé en Occident.

Bien des partis politiques traditionnels semblent être dépassés par la méfiance du grand public à leur égard. La gauche communiste a fait faillite et la gauche socialiste ne semble pas à même de prendre la relève.

Les partis centristes n'ont pas de solution miracle et le populisme trouve preneurs.

Un scepticisme grandissant par rapport aux médias

Motivés par le besoin d'augmenter leur cote d'écoute, les médias ont souvent tendance à simplifier leur message et le coiffer de titres sensationnels. Les journaux campés dans une idéologie particulière finissent par atrophier l'esprit critique.

Il se développe à la longue chez le lecteur ou l'auditeur un scepticisme généralisé envers l'ensemble des médias qui sont souvent la propriété de multinationales.

Les théories conspirationnistes se multiplient dans les réseaux sociaux relativement au manque d'indépendance des médias.

La crise migratoire

La crise migratoire actuelle est exacerbée par l'échec de nombreuses sociétés du tiers-monde dont les élites et les masses désœuvrées cherchent souvent à fuir la corruption et l'indignité, fût-ce dans les pays disposant de richesses pétrolières et minières.

L'Occident est perçu comme une société de liberté et de respect de droits de la personne, mais l'on découvre que bien des migrants colportent avec eux d'autres modèles de société et n'arrivent pas à surmonter le choc de la transition aux nouvelles valeurs sociales qui ne leur sont pas toujours évidentes.

Les valeurs libérales remises en question

La crise sociétale actuelle conteste toute une vision humaniste et libérale. L'idée que tous les humains sont égaux, ont les mêmes intérêts et partagent les mêmes valeurs est mise en doute. Le secours humanitaire aux bateaux de migrants en Méditerranée est remis en question par plusieurs pays et notamment l'Italie ou le parti de la Ligue se révolte contre «l'invasion» en cours.

On assiste à des discours xénophobes et à des mouvements anti immigrants. Or, la baisse de natalité dramatique en Europe rend justement l'immigration nécessaire dans un futur proche et l'Europe n'aura pas d'autre choix que celui d'augmenter ses quotas d'immigration...

Repenser la notion des droits et des devoirs

Dans les sociétés occidentales, on a tendance à mesurer parfois le degré de démocratie par celui de la protection des minorités. Le pacte de Marrakech sur l'immigration — même s'il n'est pas contraignant — symbolise cette attitude et les critiques qui lui sont apportées reflètent la remise en question de cette vision. Le pacte traite des responsabilités des sociétés d'accueil vis-à-vis de l'immigrant et de sa culture d'origine, mais en omettant les devoirs de l'immigrant, consistant à intégrer la langue et les valeurs de la société d'accueil.

Des droits et des devoirs

L'instruction civique semble avoir disparu du cursus scolaire. Il est essentiel de s'entendre sur des valeurs de base communes et un sens du devoir à tous. Ce n'est pas la moindre des gageures. Dans le cas de la France, si toutefois l'exercice de consultation publique qui y prend place pour donner suite aux manifestations des gilets jaunes est réussi, il sera possible de mieux comprendre les nouvelles réalités, de s'en faire un sens commun, de s'ajuster en conséquence et d'endiguer le populisme.

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